Derniers articles sur
le site du CILCA

Feed actuellement indisponible

Le CRI des Travailleurs n°4     Article suivant >>

Pour stopper l'offensive de Chirac-Raffarin, pour gagner, construisons dans l'unité la grève générale


Auteur(s) :Antoni Mivani
Date :15 mai 2003
Mot(s)-clé(s) :France, directions-syndicales
Imprimer Version imprimable

Chirac-Raffarin à l’offensive : avalanche de mesures réactionnaires

Le gouvernement vient de présenter le plan Fillon-Raffarin contre nos retraites : passage de 37,5 à 40 annuités de cotisation pour les fonctionnaires d’ici à 2008 pour une retraite à taux plein ; hausse de la décote par annuité manquante à 3 % ; baisse du traitement net des fonctionnaires en activité de 2,5 % (passage du taux de cotisation de 7,85 % à 10,35 %) ; remise en cause des possibilités de pré-retraites pour les salariés du privé et, à partir de 2008, allongement progressif de la durée de cotisation de 40 à 42 annuités pour tout le monde, public-privé. Naturellement, après les fonctionnaires, tous les salariés du secteur public qui bénéficient actuellement de régimes spéciaux, incluant les 37,5 annuités, verront leurs acquis également mis en cause, comme cela a déjà commencé à EDF-GDF malgré l’opposition de la majorité du personnel. L’application de l’ensemble de ces mesures représenterait pour tous les salariés une baisse des retraites de 20 à 30 % (1).Ces mesures contre nos retraites viennent s’ajouter à une liste déjà longue de décisions réactionnaires :

• Poursuite de la privatisation à Air France, à EDF-GDF et bientôt à la Poste (la hausse des tarifs dans ces deux derniers cas n’ayant d’autre objectif que de valoriser encore ces entreprises publiques, pour mieux les vendre prochainement) ;

• Baisse du taux de remboursement de 600 médicaments de 65 % à 35 %, dans le but de faire de nouvelles économies sur le dos des malades, mais aussi pour justifier l’introduction des assurances privées sur le juteux marché de l’assurance maladie, comme l’exigent les patrons ;

• Mise en œuvre à marche forcée de la « décentralisation », offensive sans précédent contre la Fonction Publique, mais aussi contre l’égalité de traitement entre tous les citoyens, garantie par le service public : derrière la régionalisation, c’est la privatisation qui avance ;

• Application de la « réforme » ECTS-LMD contre l’enseignement supérieur qui, remettant notamment en cause les diplômes nationaux et par là les conventions collectives, s’efforce de casser l’Université publique pour livrer la jeunesse à l’exploitation, d’abord dans le cadre de stages en entreprises, puis sur un marché du travail ainsi déréglementé (la réforme prévoit, en effet, que les diplômes deviennent locaux, propres à chaque Université, voire individualisés par étudiant, et fondés notamment sur des stages en entreprise « validés » par le patronat) ;

• Plan de suppression de dizaines de milliers de postes de fonctionnaires, par la décision de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux en général, et de supprimer 2 500 postes à la Banque de France en particulier ;

• Licenciement immédiat de milliers d’aide-éducateurs, et casse du statut des surveillants fonctionnaires, remplacé par un contrat précaire conclu au niveau de l’établissement ;

• Lois « sécuritaires » restreignant les libertés publiques et anti-immigrés, dirigées notamment contre la couche la plus exploitée de la population, déjà première victime de toutes ces mesures de régression sociale ;

• Et bien sûr, pendant ce temps, les plans de licenciements et de suppressions d’emplois se succèdent dans le privé (Pechiney, Wanadoo, GIAT Industrie, Bayer Cropscience, LU-Danone, Arcelor, Daewoo, Matra Automobile, Testut-Béthune, Air Lib, Métaleurop, ACT, Palace Parfums, GIAT Industrie, AlstHom, etc.), jetant des dizaines de milliers de salariés à la rue, avec l’aval du gouvernement.

Pour les faire reculer, les fédérations et confédérations doivent appeler à la grève générale

Avec un programme aussi brutal contre toutes les catégories de travailleurs, contre l’immense majorité de la population, comment expliquer que ce gouvernement Chirac-Raffarin puisse annoncer tranquillement un tel ensemble de contre-réformes  et son ferme espoir de parvenir à les mettre en œuvre ? La clé du mystère se trouve dans le soutien, ouvert ou masqué, appuyé ou discret, apporté par la plupart des directions des organisations ouvrières à ce gouvernement, dans le droit fil de l’union sacrée forgée derrière Chirac au lendemain du 21 avril 2002, renouvelée et renforcée lors de la mémorable croisade diplomatique du président contre la guerre de Bush (ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui, soit dit en passant, de s’efforcer d’obtenir sa part, évidemment « pacifique », onusiennement réglementée, dans le démantèlement et le pillage de l’Irak).

En particulier, toutes les organisations syndicales ont accepté de participer jusqu’au bout à la concertation avec Fillon, dont l’objectif exprès était pourtant de remettre en cause les retraites. De plus, certains, dans les syndicats, et pas seulement à la C.F.T.C. ou à la C.F.D.T., n’hésitent pas à prétendre, reprenant les affirmations du gouvernement et du patronat, qu’il serait inévitable de « réformer » les retraites en raison de l’évolution démographique. En réalité, les simples gains de productivité annuels permettent sans le moindre problème de financer le retour à 37,5 annuités pour tous, public comme privé — mais à condition de faire payer les patrons (2). Ou encore : la somme nécessaire (4,5 milliards d’euros) représente à peine plus de 10 % du budget de la défense, qui a justement progressé de 6,1 % cette année, au-delà des discours de notre soi-disant colombe nationale. En fait, par la hausse du chômage et les vagues de licenciements imposées par le patronat avec la bénédiction de Chirac-Raffarin, par la précarisation massive du travail au cours des dernières années, par tous les allégements de « charges sociales » accordées aux patrons (prétendument au nom de la défense de l’emploi), par les suppressions de postes dans la Fonction publique, etc., ce sont les capitalistes et le gouvernement eux-mêmes qui rendent le financement des retraites plus difficile.

Plus précisément quelles sont les positions des principales organisations syndicales ?

• La CFDT avait annoncé depuis longtemps son accord avec l’allongement à 40 annuités, voire plus, et avec la plupart des mesures voulues par le gouvernement ; aujourd’hui, la direction prétend mobiliser uniquement pour obtenir des « contreparties » à l’allongement de la durée de cotisation et aux autres mesures régressives annoncées par Fillon et Raffarin ! Elle continue ainsi à jouer ouvertement son rôle de syndicat jaune, même si certains de ses secteurs minoritaires, sous la pression des travailleurs, essaient désespérément de la tirer sur le terrain des revendications ;

• La direction de la CGT n’avait eu de cesse, depuis plusieurs mois déjà, dans la continuité de la trahison des dirigeants de la fédération de l’Énergie en janvier, d’empêcher, contre sa base, contre l’avis d’un bon nombre de délégués lors de son dernier congrès, que n’apparaisse la revendication des « 37,5 pour tous,  public-privé ! » ; elle avait donné par là un signal très clair au gouvernement quant à sa détermination à tout faire pour empêcher la mobilisation sur des revendications claires unifiant le prolétariat et tous les travailleurs ; la relative fermeté de son discours depuis l’annonce du plan Fillon ne peut effacer ses compromissions des mois précédents, son refus d’exiger le retrait pur et simple du plan Fillon, et surtout cela n’implique de toute façon aucun effort réel pour préparer la grève générale, mais au contraire un effort intense pour décourager et disperser les luttes par des « journées d’action » sans perspective pour les travailleurs ;

• La direction de la CGT-FO, si elle ne se distingue pas essentiellement par sa nature de celle de la CGT, se doit de tenir un langage nettement plus combatif, parce qu’elle est implantée essentiellement dans le secteur public, qui se trouve en première ligne de l’offensive gouvernementale, et doit donc tenir compte de sa base ; toutefois, les déclarations relativement combatives de FO sur la question des retraites (et en particulier l’évocation par Blondel, le 1er mai d’« ouvrir dès à présent la perspective d’une grève générale interprofessionnelle » ou l’appel de la fédération générale des fonctionnaires, en date du 30 avril, à une « grève à partir du mardi 13 mai et pour une durée non limitée jusqu’à présent ») n’empêchent pas que cette confédération ait elle aussi participé jusqu’au bout aux « discussions » avec le gouvernement en acceptant l’objectif d’une prétendue « réforme des retraites », qu’elle réaffirme encore aujourd’hui ; en outre, elle a accepté de signer des textes soi-disant unitaires qui évacuent en fait les questions essentielles comme l’exigence du retour aux 37,5 pour tous ; et surtout, ses déclarations combatives n’impliquent pas que les dirigeants de FO s’engagent réellement dans la construction de la grève générale, participant à l’atomisation des luttes par son soutien à la tactique bureaucratique des « journées d’action » et autres grèves sectorielles et ponctuelles ;

• Enfin, tout en se prononçant elles aussi, formellement (ce qui ne veut pas dire fermement, bien au contraire) pour les 37,5 annuités pour tous, la direction de la F.S.U., syndicat majoritaire dans l’Éducation nationale, et celle de la F.E.N. font tout leur possible, depuis le début de l’année, pour limiter et atomiser les luttes, refusant d’engager un combat réel contre la « décentralisation », disloquant le mouvement des aides-éducateurs et surveillants, appelant à des « journées d’action » espacées et purement symboliques et refusant aujourd’hui d’exiger purement et simplement le retrait inconditionnel du plan Raffarin-Fillon.

De fait, toutes les organisations, sous la pression de leur base et pour préserver leur nature même d’organisations syndicales, ont été contraintes, dans la dernière période, d’appeler à des « journées d’actions », qu’elles ont bien pris soin de disperser dans le temps (1er février, 18 mars, 3 avril, 1er mai, 6 mai, 13 mai...) et selon les catégories (le 18 mars et le 6 mai étant « réservés » respectivement aux seuls travailleurs du public et aux seuls personnels de l’Éducation nationale)...

Mais il est clair aujourd’hui que ce n’est pas par des journées d’action dispersées et atomisées, usant l’énergie des travailleurs sans la moindre chance de succès, que l’on peut repousser la terrible offensive du gouvernement ; après le récent train de mesures que celui-ci a annoncées, il n’y a plus désormais qu’une seule solution pour le faire reculer, pour le mettre en échec : c’est la grève générale jusqu’au retrait pur et simple des contre-réformes, à commencer par celle des retraites et de la régionalisation, et jusqu’à l’arrêt de la vague de licenciements sans précédent qui s’abat sur les entreprises privées (et aussi dans le secteur public).

Il faut donc que les directions des principales organisations syndicales ouvrières, à commencer par la première d’entre elles, la CGT, ainsi que la CGT-FO, la FSU, SUD, et toutes les organisations qui affirment leur opposition à la réforme du gouvernement, s’engagent réellement dans la construction immédiate et effective de la grève générale, dans la convocation d’assemblées générales de travailleurs sur les lieux de travail pour définir tous ensemble les revendications et les moyens de la lutte. C’est là la seule voie de la résistance conséquente et réaliste qui s’ouvre aujourd’hui pour que les travailleurs puissent gagner, ce qui est parfaitement possible ici et maintenant (3).

Les travailleurs sont prêts

Ici et là, on entend que, bien sûr, les attaques sont graves (hélas !) mais, que voulez-vous, les travailleurs ne seraient pas prêts à se mobiliser, les conditions ne seraient pas réunies pour la grève générale, et autres balivernes bureaucratiques… Certes, il n’est pas rare de rencontrer chez de nombreux travailleurs un certain pessimisme, produit par des années et des années de reculs, de démantèlement des conquêtes et de crise du mouvement ouvrier lui-même ; mais cela n’a pas pour cause principale un manque de combativité organique de la classe ouvrière et des travailleurs, ni la puissance en soi de la bourgeoisie ; la lutte de classe est affaire de rapports de force ; mais les rapports de force dépendent tout particulièrement de l’orientation et de la puissance des organisations de classe ; or ce sont bien les trahisons éhontées des dirigeants du mouvement ouvrier depuis des années, leur refus de combattre réellement les offensives de la bourgeoisie qui expliquent la désorientation, l’affaiblissement et la crise du mouvement ouvrier organisé. Pour les communistes révolutionnaires, rien ne peut exonérer les directions de leurs responsabilités d’hier et d’aujourd’hui.

En fait, la réalité de la crise du mouvement ouvrier — crise de ses directions réformistes, ex-social-démocrate et ex-stalinienne (sans oublier les centristes sclérosés qui leur servent de flancs-gardes) —, n’implique en aucun cas la décomposition de la classe ouvrière elle-même, dont le potentiel de combat est, tout au contraire, intact, prêt à la servir, comme le prouvent les luttes effectives qui viennent ponctuer, presque chaque jour, malgré leur dispersion sciemment organisée par les directions, l’actualité sociale et politique. En effet, dans de nombreux secteurs, la mobilisation des travailleurs dans la dernière période, a été très importante : sans parler des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes qui sont descendus dans la rue pour dire non à la guerre en Irak, rappelons que les mobilisations pour la défense des retraites, revendication unificatrice pour l’ensemble des travailleurs salariés du public et du privé, ont connu de réels succès croissants : nous étions 100 000 le 1er février, 500 000 le 3 avril, des centaines de milliers le 1er mai. En outre, on a compté près de 80 % des travailleurs en grève à EDF-GDF lors de la mobilisation contre la liquidation du régime de retraite et la marche à la privatisation, une grève très suivie à la SNCF et à la RATP le 3 avril, une grève à 50 % des postiers à Paris le 28 avril contre la suppression de la deuxième tournée, les cadences accrues et la suppression de 25 % des emplois. La mobilisation se développe dans l’Éducation nationale, où les personnels de toutes catégories construisent le mouvement à la base, en l’absence d’appel national des organisations syndicales désunies, avec des grèves de plusieurs jours dépassant les 50 % dans diverses académies, comme à Bordeaux et en Seine-Saint-Denis. À la Réunion, où les organisations avaient appelé dans l’unité à une manifestation centrale, les travailleurs ont répondu en masse, défilant à plus de 20 000, dans des départements où leur effectif total de l’Education Nationale s’élève à 18 000 personnes… Dans l’hexagone, la mobilisation croissante dans l’Éducation a obligé la plupart des fédérations à appeler à une grève générale ponctuelle le 6 mai. Enfin, le secteur privé a également connu d’importantes mobilisations ouvrières contre les plans de licenciements rassemblant des milliers d’ouvriers, même si ce fut entreprise par entreprise, donc sans autre effet que le découragement des combattants. Par exemple, les travailleurs d’ACT ont lutté longtemps et durement, organisant plusieurs manifestations à Angers avec leurs syndicats CGT, FO et CGC pour exiger aucun licenciement, contre la fermeture de l’usine. De même, 4000 salariés de GIAT ont manifesté à Paris, le 16 avril, à l’appel de toutes les organisations syndicales contre les 3730 suppressions d’emploi (sur 6250) et la fermeture totale de deux sites. À Dreux, 400 travailleurs ont défilé le 17 mars contre les licenciements et la délocalisation de l’usine Philipps-EGP et ont décidé de créer un comité intersyndical CGT-FO pour préparer une manifestation nationale à Paris pour « interdire les licenciements »

Tous ces mouvements de fond, ces mouvements de classe, montrent que les travailleurs sont prêts à se mobiliser, et qu’ils ne regrettent qu’une chose : c’est de se mobiliser dans des mouvements isolés, comme tels voués à l’échec ; au-delà des trahisons, tergiversations et autres jérémiades des appareils, les travailleurs aspirent à l’unité de secteurs et des organisations pour faire triompher leurs revendications.

Comment faire sauter le verrou ?

Il s’agit donc d’imposer aux directions syndicales qu’elles appellent à la grève générale de tous les travailleurs, dans l’unité. Mais les communistes révolutionnaires ne sauraient se contenter de l’exiger, car elles feront tout pour refuser de répondre à cette aspiration profonde de la classe ouvrière et de tous les travailleurs salariés. Ils doivent donc, sans attendre, intervenir dans leur entreprise, dans leur établissement, pour contribuer à construire la grève, avec tous ceux qui y sont prêts, et en convaincant tous ceux qui attendent que d’autres commencent pour s’y mettre à leur tour.

Dans ce but, il convient tout d’abord de faire la plus grande clarté sur les revendications et sur les perspectives. L’exigence du retrait inconditionnel du plan Fillon et du retour aux 37,5 pour tous public-privé, du maintien de tous les avantages acquis en matière de retraites et de la revalorisation des retraites pour tous sont les revendications fondamentales, intangibles, de la classe ouvrière et de tous les travailleurs conscients. Or, si le choix du gouvernement (au vu de signaux donnés par les principales directions syndicales) d’essayer de tout faire passer d’un coup en mai-juin, sans laisser le moindre « grain à moudre » à ces directions, les a mises dans l’obligation d’appeler à une journée d’action le 13 mai, il est clair que le cadre de cette « journée d’action » ponctuelle ne saurait être considéré comme satisfaisant, puisqu’il repose sur la confusion sciemment organisée des revendications et l’appel à des journées dispersées (13 mai, 19 mai, 25 mai…). Or les travailleurs ne veulent pas se mobiliser pour se mobiliser, sans objectif clair, en vain : ils sont prêts à se battre, mais pour gagner sur leurs revendications claires, nettes et précises. Ils ne sont pas prêts non plus à être manipulés par toutes ces organisations qui essaient d’ores et déjà de dévier les mobilisations contre les mesures du gouvernement Chirac-Raffarin-Fillon en leur donnant comme cadre celui des « Forums sociaux » et de manifestation « altermondialiste » convoquée à l’occasion du G 8 à Evian. Bien sûr, chacun est libre d’aller à Evian ou ailleurs, et d’y aller sur la ligne de son choix (4) ; mais à tous ceux qui affirment vouloir lutter contre « le libéralisme », il faut répondre fermement que la lutte contre « le libéralisme » n’est pas une abstraction, c’est d’abord et avant tout la lutte contre les mesures destructrices prises par notre propre gouvernement capitaliste, ici et maintenant ; c’est la lutte pour le retrait pur et simple des réformes du gouvernement Chirac-Raffarin. C’est donc vers Matignon, immédiatement, et non vers Evian, à la fin du mois, que doit converger la mobilisation unitaire de la classe ouvrière, de l’ensemble des travailleurs conscients, des jeunes révoltés et de leurs organisations.

Bien entendu, il n’est possible d’exercer la pression nécessaire sur les directions des organisations syndicales, et de forger l’unité des travailleurs et de leurs organisations, que si l’on aide les travailleurs, partout où c’est possible, à commencer par les secteurs qui ont connu les principales mobilisations de ces derniers mois, à définir leurs revendications précises (toutes leurs revendications) et à construire sur cette base des comités unitaires de mobilisation et de grève. Ce n’est, en effet, que de cette manière qu’ils pourront contrôler leur propre mouvement, participer à son extension, le relier à celui de tous les autres secteurs. Ces comités doivent émaner des assemblées générales souveraines de travailleurs, élire des délégués mandatés et révocables, sur la base d’un mandat précis, aussi bien sur les revendications que sur les actions à mettre en œuvre, à commencer par l’exigence de la grève générale interprofessionnelle. Les comités intégreront naturellement toutes les organisations syndicales et politiques qui soutiennent les revendications, sans autre préalable que les revendications nettes et précises collectivement définies par les travailleurs.

Pour construire ces comités de grève, les travailleurs ont donc à lutter : a) contre ceux qui prétendent opposer les comités de grève aux syndicats, opposition qui ne peut aboutir qu’à la division et par conséquent à la défaite ; b) contre ceux qui affirment que l’élection de délégués mandatés et révocables par les assemblées générales est secondaire parce que, ce qui compte, c’est « le mouvement » ; c) contre ceux qui s’opposent à la création des comités unitaires de grève, sous prétexte qu’ils s’opposeraient aux syndicats — en réalité, parce qu’ils seraient dirigés par d’autres qu’eux-mêmes ; d) contre ceux qui refusent de combattre dans le mouvement réel des masses, avec ses forces et ses faiblesses, sous prétexte que les directions traîtres y jouent un rôle important et s’efforcent de manipuler les travailleurs, et en particulier contre ceux qui préfèreraient mettre en place leur propre réseau diviseur de « comités », sous prétexte que les comités unitaires ne les satisferaient pas.

Enfin, il est absolument nécessaire de tout mettre en œuvre pour que les comités de grève se fédèrent à tous les niveaux, dans chaque secteur comme au niveau interprofessionnel, au niveau local (dans chaque quartier, chaque ville, chaque département) comme à l’échelle nationale.

Telle est l’orientation sur laquelle interviendront dans la lutte de classe les militants du Groupe CRI, en proposant les revendications (unitaires et particulières) suivantes :

• Retrait inconditionnel du plan Raffarin-Fillon !

• Retour aux 37,5 pour tous public-privé, et donc abrogation des décrets Balladur ! Ne touchez pas au code des pensions des fonctionnaires et à tous les régimes spéciaux !

• Non aux fonds de pension, abrogation de la loi Fabius sur « l’épargne salariale » !

• À bas la décentralisation ! Aucun transfert de fonctionnaires d’État aux collectivités territoriales !

• Aucune suppression de postes de fonctionnaires ! Aucun licenciement d’ « emploi-jeune » ! Création de tous les postes de fonctionnaires nécessaires ! Maintien du statut des MI-SE !

Non aux privatisations, défense des services publics, renationalisation sous le contrôle des salariés des entreprises privatisées !

Abrogation des décrets ECTS-LMD contre l’Université publique !

• Aucun licenciement ! Occupation et nationalisation sous contrôle ouvrier des entreprises qui licencient !


1) Il ne s’agit cependant pas d’une initiative propre au gouvernement Chirac-Raffarin, mais d’une offensive d’ensemble, lancée par la plupart des gouvernements bourgeois de l’Union Européenne, de « gauche » comme de « droite » (Allemagne, Autriche, Grande-Bretagne, Italie, etc.), contre tous les acquis des travailleurs et en particulier contre leurs retraites, sous la pression de la concurrence inter-impérialiste, aggravée par la crise actuelle de l’économie mondiale.

2) Cf. sur ce point notre article « Quel gouvernement préservera nos retraites de l’avidité capitaliste ? » dans Le Cri des travailleurs n°1 (février 2003)

3) C’est précisément la voie sur laquelle, sous la pression des masses, la centrale syndicale unique autrichienne (OeGB) a dû faire un pas en appelant le 6 mai à une grève générale d’une journée — la première depuis 50 ans — contre la réforme des retraites du gouvernement. Celle-ci consisterait à porter le nombre d’annuités de cotisations de 40 à 45 pour avoir une retraite à taux plein, à modifier la base de calcul des pensions en passant des 10 au 40 meilleures années, etc. : elle conduirait à faire baisser d’environ 20 % les retraites des salariés. Mais, comme en France, les travailleurs doivent faire face à des directions syndicales qui s’efforcent de canaliser leurs luttes, en particulier en refusant d’appeler la grève générale jusqu’au retrait du plan et appelant à des journées d’action dispersées : la prochaine « journée d’action » n’est pas prévue en Autriche avant… le 13 mai !

4) Pour leur part, les militants du Groupe CRI estiment qu’il est nécessaire de combattre politiquement contre le néo-réformisme des Forums sociaux et des « altermondialistes », qui prônent une illusoire « démocratisation » des institutions impérialistes, une vaine « humanisation » de la mondialisation capitaliste, manipulant ainsi toute une frange de la jeunesse révoltée et déçue par les organisations traditionnelles. C’est sur cette orientation qu’il s’adressera aux manifestants qui défileront à Evian.


Le CRI des Travailleurs n°4     Article suivant >>