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Le CRI des Travailleurs n°4     << Article précédent | Article suivant >>

Allemagne : Remarques sur la politique des organisations soeurs du CCI-PT et de la LCR


Auteur(s) :Antoni Mivani
Date :15 mai 2003
Mot(s)-clé(s) :international, Allemagne
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Dans notre numéro de mars, nous avions montré que la politique du S.P.D. (parti social-démocrate) depuis son retour au pouvoir en 1998, directement au service du capital, consiste en un démantèlement des conquêtes sociales, aboutissant à détacher de larges couches de travailleurs de leur parti traditionnel. Nous terminions en disant que cette situation offrait des conditions particulièrement favorables à la construction d’un parti communiste révolutionnaire internationaliste en Allemagne. C’est dans cette perspective que nous voulons ouvrir ici la discussion sur la politique menée en Allemagne par les organisations qui se réclament de la IVe Internationale, en analysant dans le présent numéro d’une part la politique de l’I.S.A. (Organisation ouvrière socialiste internationaliste, équivalent du C.C.I.-P.T. en France) et, d’autre part, celles de l’I.S.L. (Gauche socialiste internationale) et du R.S.B. (Union socialiste révolutionnaire), qui sont les deux organisations affiliées au Secrétariat Unifié (sœurs de la L.C.R. en France). Nous reviendrons ultérieurement sur les autres organisations qui se réclament de la IVe Internationale

Des années de domination sans partage du S.P.D. sur la classe ouvrière à l’Ouest et la chape de plomb de la dictature stalinienne à l’Est empêchant toute organisation indépendante de la classe ouvrière, ont contribué à ce que les organisations « troskystes » en général soient aujourd’hui particulièrement faibles en Allemagne ; celles-ci ne comptent chacune pas beaucoup plus de militants que notre Groupe CRI en France…

L’orientation de l’I.S.A.

La politique de l’I.S.A. consiste essentiellement à organiser la « résistance » à la politique de Schröder à l’intérieur du S.P.D. (où ses militants interviennent en fraction), en essayant de regrouper autour du combat pour… « une véritable politique social-démocrate » ! Bref, à la politique « contre-réformiste » de Schröder, qui démantèle les unes après les autres les conquêtes de la classe ouvrière, l’I.S.A., qui est censée être une organisation révolutionnaire, oppose une politique purement réformiste. Conséquence logique de cette orientation, l’I.S.A. n’a pas d’existence publique comme organisation indépendante car, pour mettre en avant une telle politique, elle n’en a pas besoin. Cette orientation revient à renoncer dans les faits à la construction de la IVe Internationale. Elle ruine l’essentiel d’un travail politique pratique mené le plus souvent sur des positions syndicales élémentaires (défense des conventions collectives, combat pour que les syndicats mobilisent contre la destruction de l’assurance-chômage, appel à des manifestations contre la guerre en Irak, etc.), et gaspille le dévouement des militants. Or ce n’est ni en fonction des zigzags des secteurs réformistes traditionnels, ni même en fonction de l’état d’esprit actuel des masses, en partie produit par cet appareil, mais en fonction des besoins de ces dernières et des moyens réels de les satisfaire, qu’une organisation trotskyste authentique doit s’orienter, pour élever la conscience politique des travailleurs : c’est là explicitement l’objectif fixé par le programme de la IVe Internationale.

Après quatre ans de gouvernement S.P.D., l’I.S.A. appelle à voter Schröder

Cette ligne politique a conduit l’I.S.A. à apporter un inadmissible soutien à la candidature de Schröder pour les élections générales de septembre 2002. Pendant quatre ans, le S.P.D. au pouvoir avait pourtant amplement démontré aux masses qu’il était un valet direct et discipliné de la bourgeoisie : hausse du chômage, introduction de fonds de pension, allègements d’impôts pour les patrons et les riches, modération salariale généralisée imposée aux travailleurs, participation de l’Allemagne à des interventions militaires impérialistes pour la première fois depuis 1945, etc. Qu’importe pour la direction de l’I.S.A., qui semble vivre et par conséquent raisonner davantage à la façon des syndicalistes réformistes qu’en communistes révolutionnaires : elle a fixé pour tâche à ses militants de s’adresser, en relation avec d’autres militants du S.P.D. opposés à ce cours « contre-réformiste », à la direction du parti pour lui demander de bien vouloir avoir la gentillesse de changer d’orientation, et de s’engager à faire… une « véritable politique social-démocrate »… Or, suite à un double engagement verbal de Schröder, sur la guerre en Irak et sur les conventions collectives, les militants de l’I.S.A. ont participé en leur qualité de syndicalistes ou de militants du S.P.D. à un appel à voter pour un gouvernement dirigé par le S.P.D. — tout en incluant dans cet appel une série de revendications en contradiction avec la politique annoncée par le candidat Schröder. Comment a-t-elle pu apporter son soutien à une coalition dont elle dit elle-même au lendemain des élections qu’elle « définit son programme fondamentalement dans l’intérêt des exigences dévastatrices de l’impérialisme en crise » (Lettre de l’I.S.A., n°35/36, p. 2) ?  Si le programme du gouvernement S.P.D.-Verts, c’est le programme de régression sociale exigé par les patrons, peut-il s’agir de faire pression sur Schröder pour qu’il fasse une politique « plus à gauche » ? Ou bien la satisfaction des intérêts des travailleurs et de la jeunesse n’est-elle possible que par une tout autre politique, une politique de rupture avec les intérêts des patrons et des marchés financiers, une politique révolutionnaire, socialiste ? Il est clair qu’il ne pouvait sous aucun prétexte être question d’appeler à faire battre Stoiber dans les urnes, qu’il fallait au contraire dénoncer sans relâche la politique de régression sociale menée par le gouvernement S.P.D.-Verts entre 1998 et 2002, politique qui a précisément frayé la voie à Stoiber et ses amis, bref qu’il fallait axer la campagne sur la nécessité de construire un nouveau parti, représentant réellement les intérêts des travailleurs, un parti communiste révolutionnaire.

La politique de l’I.S.A. sur la guerre est elle aussi révélatrice de sa ligne générale de capitulation. D’un côté, l’I.S.A. dénonce à juste titre A.T.T.A.C. et le Forum Social Européen, qui voudraient faire croire aux masses que l’on pourrait lutter contre la guerre dans le cadre de l’O.T.A.N. ou de l’O.N.U., agences des impérialismes sous domination américaine ; et elle se bat sous le mot d’ordre « Non à la guerre, avec ou sans l’O.N.U. ». Mais, d’un autre côté, pour organiser la résistance contre la guerre, l’I.S.A. propose seulement, là encore, de faire pression sur le gouvernement Schröder, au lieu de le dénoncer comme un valet de l’impérialisme allemand qui, comme Chirac, ne s’est évidemment opposé à la guerre que pour ses propres intérêts. En conséquence, elle n’en appelle pas à la mobilisation de classe des travailleurs contre la guerre et contre la politique de Schröder, elle n’ouvre aucune perspective politique réelle, ne se bat pas sur la ligne de la grève générale contre ce gouvernement.

Comme dans toutes les organisations « lambertistes », la contradiction entre l’orientation politique réelle de l’I.S.A. et le programme sur laquelle celle-ci est censée se fonder, est donc totale, et elle condamne les militants sincèrement révolutionnaires que cette organisation compte encore en son sein à n’être qu’un groupe de pression de gauche sur l’appareil du S.P.D. et la bureaucratie syndicale.

L’I.S.L. et le R.S.B.

I.S.L. : les amis de l’ex-parti stalinien

La section allemande du Secrétariat Unifié a connu une crise profonde au début des années 1990, centrée sur l’attitude à adopter vis-à-vis du P.D.S. Cette crise a conduit à une scission entre ceux qui étaient partisans d’entrer au P.D.S. pour y constituer une aile gauche, et qui sont aujourd’hui membres du groupe ISL (Gauche socialiste internationale) et ceux qui, refusant cette orientation liquidatrice, ont fondé en 1994 le R.S.B. (Union Socialiste Révolutionnaire).

Or, qu’est-ce que le P.D.S. ? C’est le successeur du S.E.D., parti de la bureaucratie stalinienne de l’ex-R.D.A., qui pendant 50 ans a opprimé férocement les travailleurs, les faisant suer à l’usine, leur interdisant toute forme d’organisation indépendante, qu’elle soit politique ou syndicale, et qui a freiné le développement de l’économie planifiée étouffée par la logique bureaucratique, expression de ses intérêts comme caste sociale parasitaire, portant ainsi des coups terribles au nom du socialisme. Et c’est aujourd’hui, en bonne logique, un parti qui aide la bourgeoisie à liquider tous les restes progressistes de l’économie nationalisée, faisant des Länder de l’Est, autrefois économiquement autosuffisants, une vaste friche industrielle, entièrement dépendante des Länder de l’Ouest. Cette nouvelle et éhontée capitulation du SU devant les héritiers de la bureaucratie stalinienne, signifie de fait, aujourd’hui comme hier, le renoncement à construire la IVe Internationale. L’I.S.L. compte néanmoins encore un certain nombre de militants qui se réclament du communisme révolutionnaire, et auxquels il faut donc montrer que leur organisation les conduit dans une voie sans issue.

R.S.B. : une fraction gauche du Secrétariat Unifié

Le R.S.B., quant à lui, semble se construire sur des fondements principiels beaucoup plus sains : il caractérise fermement la bureaucratie stalinienne comme contre-révolutionnaire, il estime qu’il faut avant tout ancrer le parti communiste révolutionnaire dans la classe ouvrière, il a clairement refusé de servir de force d’appoint au P.D.S. aussi bien qu’au S.P.D. lors des élections ; contrairement à la L.C.R. en France, il a mené une campagne de classe contre la guerre, en dénonçant d’abord son propre gouvernement et l’O.N.U. ; il critique violemment la participation de la section brésilienne du Secrétariat Unifié au gouvernement Lula ; il maintient son existence organisationnelle indépendante.

Bref, la scission de la section allemande du Secrétariat Unifié a conduit à la cristallisation en deux organisations distinctes des orientations incompatibles qui cohabitent d’habitude au sein des sections de cette organisation internationale, notamment à la L.C.R. Cependant le R.S.B. semble ne pas exclure une réunification avec l’I.S.L. ouvertement révisionniste et liquidatrice, et il reste par ailleurs membre du SU, sans en faire une critique ouverte et systématique.

(À suivre.)


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