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La crise du PCF s'approfondit


Auteur(s) :Nina Pradier
Date :14 septembre 2007
Mot(s)-clé(s) :PCF
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Le 27 août, lors de la réunion du Comité exécutif national (CEN, anciennement Bureau politique) du PCF, la discussion a fort peu porté sur la politique de Sarkozy et les moyens d’y faire face. Ce parti réformiste naguère stalinien, aujourd’hui en pleine crise historique, n’a toujours rien à proposer à la classe ouvrière et à la jeunesse pour les aider à se mobiliser. De nombreux militants cherchent certes, sur le terrain, à préparer la résistance sociale ; mais les principales préoccupations de leur direction sont ailleurs : son but principal est de sauver l’appareil du parti, à commencer par ses milliers d’élus. Or, pour cela, le PCF a besoin avant tout de préserver son alliance avec le PS, qui est une véritable subordination. D’autre part, sur sa gauche, il doit tout faire pour empêcher l’émergence d’une organisation qui se réclame de l’anti-capitalisme, car celle-ci pourrait lui disputer ce qu’il reste de son rôle traditionnel, de sa capacité à contrôler de nombreux militants de lutte de classe et des travailleurs avancés.

Le rapport présenté lors du CEN et la discussion qui a suivi ont porté non sur les inquiétudes de la classe ouvrière et les urgences de la lutte contre Sarkozy, mais « sur la situation de la gauche et les inquiétudes qui pouvaient être provoquées par les récents développements de la situation au PS ou à la LCR » (Infohebdo n° 307, 29 août). D’un côté, le PCF « s’inquiète » des tentations qui se multiplient, à la tête du PS, de s’allier avec le MoDem de François Bayrou en vue des élections municipales et cantonales du printemps 2008 : de tels accords se feraient par définition aux dépens du PCF et le marginaliseraient encore plus, alors qu’il devait jusqu’à présent la conservation d’une bonne partie de ses élus aux alliances avec le PS (renouvelées aux municipales de 2001 dans le cadre de la « gauche plurielle »)…

De l’autre côté, le PCF craint les effets sur ses propres militants de l’appel lancé par la LCR en vue de créer un nouveau « parti anticapitaliste » qui se définirait au contraire par « la plus stricte indépendance avec le PS » et refuserait « de cogérer les institutions avec celui-ci, voulant centrer (son) activité sur la lutte des classes, la mobilisation sociale et politique » (résolution adoptée par la direction de la LCR fin juin). De fait, le rapporteur du CEN reconnaît lui-même que, parmi les militants du PCF, « il y a des interrogations sur les rencontres à proposer ou non à la LCR ».

Mais, dans cette situation contradictoire, la direction n’a pas la moindre hésitation : elle tranche d’emblée le problème en choisissant de tout faire pour maintenir ses alliances avec le PS et d’isoler la LCR. Le rapporteur du CEN a défini cette ligne de la façon suivante : « Si les propos d’Olivier Besancenot témoignent d’une volonté de son organisation de travailler des aspirations apparues dans la période récente à gauche, sa volonté de le faire en dehors – voire contre – les forces existant actuellement à gauche risquent d’apporter de la division à la division sans ouvrir de perspective crédible d’une possible alternative majoritaire à la politique de la droite. » De même, dans L’Humanité du 27 août, on lit : « La Ligue communiste révolutionnaire entend-elle continuer à faire route seule et contre tous, rejetant définitivement toute participation à un exécutif avec le Parti socialiste ? Tout prête à le penser. » Pour le PCF, il est hors de question de rompre avec le PS, au nom de l’unité de la « gauche ». D’ailleurs, prétend l’article de L’Humanité, « Olivier Besancenot (est le) premier à avoir brisé la dynamique unitaire chez les antilibéraux »… Quelques jours plus tard, les choses sont encore plus claires : L’Humanité du 1er septembre appelle à s’opposer « à la tentation d’acter la dérive libérale d’une majorité de la gauche et d’enferrer l’anticapitalisme dans un ghetto d’opposition ». Bref, le PCF ne veut pas se contenter de protester contre le capitalisme, il veut aussi continuer à le cogérer !

Dans ce cadre, l’essentiel du Comité exécutif national du 27 août a porté sur la préparation des municipales et des cantonales de l’an prochain, sous l’angle de la préservation coûte que coûte du maximum d’élus. Le problème, pour le PCF, est que son affaiblissement électoral depuis 2001 conduit le PS à une stratégie d’hégémonie dans les villes où le maire PCF avait dû ses voix à l’accord « gauche plurielle » sur la reconduction des sortants (que le rapporteur du CEN reconnaît par ailleurs « vieillissants »…). De ce point de vue, la priorité est de garder les fiefs du 93 et du 94 : « L’enjeu pour les cantonales, de la présidence communiste des deux conseils généraux de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, tient à la place même de notre Parti dans la société et la perception qu’en aura ou pas l’opinion. » Sauf que, « pour garder nos villes, en gagner de nouvelles, gagner des élus en plus grand nombre dans les conseils généraux, les municipalités de gauche à préserver, dans celles et ceux qui peuvent être conquis sur la droite avec un intérêt particulier dans les grandes villes, leurs agglomérations, l’union [avec le PS] n’est pas acquise… » En un mot, parce qu’il repose de moins en moins sur une base ouvrière et militante et dépend de plus en plus du PS, le PCF se condamne lui-même à accélérer les effets de sa crise : pris dans une implacable logique d’appareil, il cherche des expédients pour maintenir celui-ci à flots de manière artificielle, mais ne fait par là que repousser l’échéance finale de son effondrement.

La profondeur de la crise se lit entre les lignes des circulaires internes aux militants. Par exemple, le déficit par rapport aux objectifs de ventes de « vignettes » pour la Fête de L’Humanité semble important. De plus, si Hollande a rencontré Buffet cet été, leurs discussions n’ont porté que sur les élections (sans aboutir à quoi que ce soit à ce stade) : l’intérêt que portent le PS et les autres formations de « gauche » envers le PCF est bien mince. Le rapporteur du CEN le reconnaît implicitement : « Le PCF n’a été invité qu’à une seule université d’été d’une autre formation de gauche : celle des Jeunes Socialistes, pour un débat intitulé Droit d’inventaire, devoir d’inventer. » Mais surtout, le signe le plus évident de la crise est la décision suivante, sans doute sans précédent depuis la fondation du PCF : « Désormais, le CEN – pour des raisons d’économie financière – ne se réunira plus qu’une fois tous les quinze jours. Entre ses réunions, chaque membre de l’exécutif national suivra, bien sûr, les questions dont il ou elle a la charge et une structure de travail pour coordonner l’ensemble s’avère nécessaire. » Toute la décomposition politique et organisationnelle de l’ancien parti stalinien, touchant désormais de plein fouet les sommets de son appareil, se concentre dans une décision aussi spectaculaire !


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