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Le CRI des Travailleurs n°28     << Article précédent | Article suivant >>

Chez Orpéa-Clinéa (santé privée), on veut liquider les organisations syndicales
(Contribution d'un militant CGT)


Auteur(s) :Un militant CGT
Date :14 septembre 2007
Mot(s)-clé(s) :syndicalisme
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À la suite de l’échec de la négociation des protocoles d’accords préélectoraux du mois de mai 2006, un véritable bras de fer s’est engagé entre la fédération FO-Santé, l’UFSP-CGT et la direction du personnel du groupe Orpéa-Clinéa. Le discours de la direction du personnel était alors en accord avec sa stratégie : maintenir coûte que coûte une centralisation des institutions représentatives du personnel. Face à l’échec de la négociation, la direction départementale du travail de Nanterre ordonnait le 16 octobre 2006 la mise en place de quatre Comités d’établissement recouvrant l’ensemble du territoire français. La stratégie de centralisation des institutions représentatives du personnel est inhérente à ce genre d’entreprises privées. Les organisations syndicales, au même titre que les infections nosocomiales, font partie des risques qui doivent être maîtrisés. Le marché de la vieillesse et celui de la santé sont devenus des secteurs hyper-compétitifs. Pour progresser dans ce secteur, les dirigeants du groupe Orpéa-Clinéa doivent se construire une image respectable tout en maintenant des conditions de travail et des salaires inacceptables pour la grande majorité des salariés.

Pour résoudre cette équation, il n’existe que deux solutions : domestiquer les syndicats ou les éradiquer purement et simplement. La domestication des syndicats passe par une limitation de leur représentation au sein du groupe. Ainsi la direction du personnel privilégie l’émergence de délégués syndicaux centraux tout en menant un combat farouche contre la désignation de délégués syndicaux de site. Toute désignation d’un délégué syndical de site est immédiatement contestée par la direction du groupe devant le tribunal d’instance. Un Comité d’entreprise unique, un CHSCT unique et un seul représentant syndical par organisation : tel est le schéma idéal que la direction du groupe Orpéa-Clinéa voulait conserver.

La décision de la direction départementale du travail de Nanterre a été un coup très dur pour la direction du groupe Orpéa-Clinéa ; la nécessité de reconnaître l’existence de huit établissements distincts au sein du groupe (quatre pour la partie « maison de retraite » et quatre pour la partie « clinique ») a fait éclater le dispositif de « contrôle social » mis en place durant la période antérieure. La fonction d’alibi social que jouait la fédération FO-Santé s’est écroulée sous le poids de ses propres contradictions. Du même coup, c’est toute une stratégie syndicale privilégiant le syndicalisme d’entreprise qui s’est effondrée. Un délégué syndical central, des militants fantômes et une direction d’entreprise qui chapeaute le tout : la domestication des syndicats est assurée.

Toutefois la vie est faite de contradictions qui, à certains moments, peuvent faire basculer des empires. Dès lors que la fédération FO santé reprenait son indépendance vis-à-vis de la direction du groupe, il ne s’agissait plus de domestiquer les syndicats mais de les faire disparaître de l’entreprise.

La décision de la direction départementale du travail de Nanterre étant exécutoire, la direction de l’entreprise est contrainte d’organiser des élections selon le schéma établi. Dans le même temps, elle dépose un recours devant le ministère afin de faire annuler cette décision. Elle recrute alors les services des anciens délégués Force ouvrière et elle met en avant ses propre listes dans le but d’éradiquer purement et simplement les organisations syndicales de l’entreprise.

Le dispositif est impressionnant : déplacement des représentants de l’association mise en place pour la circonstance (avec quel argent puisque personne ne paie les vingt euros de cotisation annuelle ?), mise à contribution des directeurs de site afin de constituer des listes maison et organisation du sabotage du premier tour afin que les sbires de service puissent se présenter au second tour. La ficelle est grosse mais imparable. Le faible taux de syndicalisation, l’isolement des militants syndicaux sur leur site d’exploitation et les moyens dérisoires dont ils disposent ne leur permettent pas de contrecarrer l’offensive de la direction. Ainsi, lors du premier tour des élections des représentants du personnel dans le secteur « maison de retraite », des sites entiers n’ont pas pu s’exprimer démocratiquement car les directeurs (dociles et zélés) ont purement omis d’organiser les élections. Le nombre de maisons de retraite dans lesquelles aucun suffrage ne s’est exprimé au premier tour est impressionnant. Au second tour les salariés se retournent massivement vers les listes syndicales pour lesquelles ils auraient pu voter dès le premier tour.

Dans certaines maisons de retraite, comme à « La bastide des Cayrons » à Vence, nous assistons à une véritable révolte des salariés contre ce déni de démocratie organisé par la direction.

Le but poursuivi par la direction consistait à marginaliser les organisations syndicales. La décomposition de FO l’incitait à croire que la partie était gagnée d’avance. Le résultat est exactement l’inverse. Certes, les listes Arc-en-ciel (directement organisées et soutenues par la direction du groupe) ont bénéficié de l’absence de candidats syndiqués au sein d’un grand nombre d’établissements. La proximité des candidats avec les salariés est un élément essentiel de ce genre d’élection. De fait, l’organisation des listes Arc-en-ciel par les directeurs de site a permis une présence beaucoup plus soutenue des listes mise en place par la direction. L’appui logistique des directeurs de site a permis de trouver dans chaque site des fantoches prêts à servir les intérêts de leur maître sans rechigner. Dans le même temps la direction du personnel organisait une véritable chasse aux militants syndicaux : remise en cause des mandats de délégués syndicaux, licenciement de militants syndicaux déclarés candidats (Gattière) et refus de dialoguer avec les délégués syndicaux de site. Malgré cette stratégie d’isolement, les organisations syndicales sortent renforcées de ces élections. Partout où des militants syndicaux agissent nous voyons les listes organisées par la direction se décomposer

En Bretagne, FO, la CGT et la CFDT raflent tous les sièges au premier tour. Dans les Alpes-Maritimes, des élus indépendants (mais hostiles aux listes Arc-en-ciel) se rapprochent des organisations syndicales et font des démarches afin d’obtenir des renseignements en vue d’une éventuelle adhésion. Dans les établissements qui comptent une réelle présence de militants syndicaux, les listes soutenues par la direction sortent laminées des élections. À Vence (06) une seule élue DP suppléante (avec 7 voix) et une seule au CE.

Toutefois, les listes Arc-en-ciel ne sont qu’un aspect conjoncturel dans la stratégie du groupe. Avec ou sans Arc-en-ciel, la direction du groupe ne tolèrera jamais l’existence de comités d’établissements distincts et n’acceptera jamais la décision de la direction départementale du travail de Nanterre. D’ores et déjà la direction de l’entreprise a fait appel de cette décision et entend utiliser tous les moyens mis à sa disposition par l’arsenal juridique. Ainsi, plus d’un mois après le déroulement du second tour des élections au sein de la partie « maison de retraite », la direction n’a toujours pas convoqué le CE afin de lui permettre d’avoir une existence réelle.

La direction détourne l’esprit de la loi afin de prouver que l’existence des comités d’établissements distincts (reconnue par la direction départementale du travail de Nanterre) n’est pas gérable au niveau de l’entreprise. Ainsi, l’article L 434-3 du Code du travail précise : « Le comité (d’entreprise) se réunit au moins une fois par mois sur convocation du chef d’entreprise ou de son représentant… ». Quand on sait que le principal argument de la direction d’Orpéa-Clinéa contre la décision de la direction départementale du travail de Nanterre est précisément l’absence de pouvoir de décision des directeurs de site et des directeurs divisionnaires, on comprend vite que nous sommes en présence d’un véritable sabotage concernant les élections des représentants du personnel au CE. En cas de contestation par les élus de cette absence de convocation, on entend déjà le directeur du personnel nous ressortir toute sa vieille litanie sur l’absence de pouvoir des directeurs de site et des directeurs divisionnaires. La désignation des membres du CHSCT par un comité d’établissement fantôme est une supercherie de plus que met en place la direction du personnel afin de saboter toute possibilité d’existence des institutions représentatives du personnel au niveau des établissements reconnus par la DDTFP de Nanterre.

Que devons-nous faire ?

La question doit être expurgée de tous les artifices. Nous sommes dans une situation où l’on sait que la direction d’Orpéa-Clinéa va tout faire pour rendre impossible le fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel. Une contestation de notre part équivaudrait à argumenter la plaidoirie du directeur du personnel contre la décision de la direction départementale du travail de Nanterre. En même temps nous ne pouvons accepter de voir la direction de l’entreprise saboter les institutions représentatives du personnel.

Dans un premier temps, nous devons dénoncer clairement devant les salariés le sabotage organisé par la direction. Organiser une riposte légale en interpellant la direction départementale du travail afin qu’elle veille à l’application de ses propres décisions. Informer les salariés qu’un retour en arrière équivaudrait à museler les organisations syndicales et à laisser le champ libre à la direction et à ses sbires

L’objectif de la direction est de plus en plus claire : avec le sabotage des élections au premier tour, avec la constitution des listes Arc-en-ciel et le sabotage des institutions représentatives du personnel au second tour, la direction du groupe Orpéa-Clinéa veut en finir avec les organisations syndicales et principalement avec la CGT.

Nous devons riposter au plus vite !


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