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Les nouvelles attaques du gouvernement Villepin-Sarkozy


Auteur(s) :Frédéric Traille
Date :18 janvier 2006
Mot(s)-clé(s) :France
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Alors qu’il a été un temps surpris, voire dépassé, par l’ampleur du mouvement de révolte qui a enflammé les banlieues, le gouvernement illégitime Chirac-Villepin-Sarkozy a rapidement su reprendre la main. Tout d’abord en se faisant le champion de la fermeté, appuyé en cela par la gauche (PS, PCF, directions syndicales…) qui a réclamé elle aussi le retour de l’ordre. Puis en découvrant une fois de plus la « fracture sociale », pour mieux y apporter ses réponses en faveur du patronat, avec toujours plus de mauvais coups contre les travailleurs.

Attaques contre les immigrés

Les mesures immédiates pour le retour de l’ordre ont été notamment l’état d’urgence et la justice d’abattage contre les jeunes des banlieues, qu’ils aient d’ailleurs participé ou non aux actions de révolte (3200 arrestations en « flagrant délit », plus de 1500 après, jugements en comparution immédiate avec des droits de la défense réduits à la portion congrue). Mais le gouvernement a pris prétexte des violences pour renforcer son arsenal répressif. La manœuvre politique démagogique de stigmatisation d’une partie de la population comme responsable de tous les troubles, rassemblée sous le terme « d’immigrés » (c’est-à-dire les Noirs et les Arabes, y compris ceux qui sont nés et ont toujours vécu en France) a rempli au moins une de ses fonctions en apportant une certaine popularité au ministre de l’Intérieur Sarkozy, selon les sondages. Ce calcul électoraliste a des conséquences graves pour les couches de la population visées.

Diverses mesures et annonces se sont télescopées, dans une stratégie visant ostensiblement à faire l’amalgame entre fauteurs de troubles et immigrés, entre fauteurs de troubles et terroristes. Un projet de loi sur l’immigration a été annoncé par Sarkozy pour le premier semestre 2006, avec l’objectif de « maîtriser l’immigration subie pour développer l’immigration choisie ». Il s’agira de renforcer le contrôle contre les « mariages blancs » (en particulier ceux conclus à l’étranger), de supprimer l’acquisition automatique d’un titre de séjour après le mariage, de restreindre le droit d’asile (avec des délais de demande et de recours réduits), de rendre plus sévère la sélection des étrangers venant étudier en France et de durcir les règles ouvrant droit au regroupement familial (présence préalable de deux ans sur le territoire français au lieu d’une année, durcissement des conditions de logement et de ressources, contrôle de la maîtrise de la langue française).

D’autre part, les objectifs d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière continuent d’augmenter : après 20 000 en 2005, il en faudra 25 000 en 2006. Cela signifie la multiplication des contrôles au faciès pour parvenir à ces résultats. Parallèlement, Sarkozy a aussi réclamé l’expulsion des étrangers qui ont participé à la révolte des banlieues, même s’ils sont en situation régulière.

Enfin, le 30 novembre, les députés ont voté, après un débat consensuel selon les médias, la loi « antiterroriste », qui prévoit notamment un contrôle renforcé des déplacements et des télécommunications, des peines alourdies et un recours accru à la vidéosurveillance, sans autorisation judiciaire préalable, dans les lieux qualifiés de « sensibles ».

Attaques contre l’assurance-chômage et la Sécurité sociale

Dans ses discours sur les causes de la révolte, le gouvernement, Chirac en tête, a voulu montrer qu’il en comprenait bien le contenu social. Les grands fossoyeurs des droits des travailleurs depuis des années allaient enfin prendre en compte le sort des plus démunis et y apporter des solutions audacieuses… Il est certes audacieux de faire passer de nouveaux cadeaux au patronat pour des mesures sociales ; ce n’est pas pour autant téméraire : ces mesures passent d’autant plus aisément que les directions traîtres du mouvement ouvrier officiel, politique et syndical, ne cessent de montrer qu’elles savent jouer leur rôle de contention pour détourner la colère des travailleurs en la conduisant vers des impasses.

Le gouvernement a habilement choisi de reprendre à son compte les demandes formulées par les syndicats (aussi bien la CGT que la CFDT) et le PCF concernant l’instauration d’une « sécurité sociale professionnelle », liée au salarié et non plus à l’emploi. C’est ainsi que le ministre Borloo a annoncé le 13 décembre la mise en place du Contrat de Transition Professionnel (CTP), qui n’est pas encore voté mais déjà expérimenté dans cinq régions. Il s’agit d’un contrat destiné aux travailleurs licenciés d’entreprises de moins de 300 salariés, pour une durée de 8 à 12 mois. Un tel travailleur ne serait plus un chômeur bénéficiant du droit collectif à un indemnité chômage, mais un individu sous contrat, bénéficiant officiellement du droit d’être formé, obligé en fait d’accepter les missions proposées dans son « bassin d’emploi » local par les entreprises publiques et privées regroupées au sein d’un Groupement d’Intérêt Public. Quand on sait de plus que le salaire touché en échange de ce travail à la tâche sera toujours inférieur au salaire d’origine et ne sera pas versé par l’entreprise exploitant la force de travail du contractuel, mais pris directement dans les caisses des ASSEDIC, on comprend pourquoi le patronat applaudit des deux mains cette nouvelle mesure « sociale ».

Quant aux autres chômeurs, indemnisés par l’UNEDIC, ils devront subir une nouvelle fois la réduction de leurs droits. Prenant appui sur le déficit de 14 milliards d’euros de l’assurance-chômage, le patronat a imposé une nouvelle régression, signée par la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC : le durcissement des conditions d’accès à la filière B (qui concerne la majorité des chômeurs indemnisés) devrait réduire la durée d’indemnisation réduite de 11 mois pour près de 100 000 chômeurs ; et la suppression de la filière D va réduire de 6 mois l’indemnisation de 50 000 chômeurs. La « contrepartie » est bien mince, puisqu’elle consiste dans la création d’une filière A + permettant l’indemnisation de 18 000 chômeurs pour 6 mois supplémentaires. Quant à l’argument des syndicats signataires, selon lequel la hausse de cotisations patronales et salariales à un même taux de 0,04 % marque un accord équilibré, c’est une farce ! La CGT et FO n’ont certes pas signé quant à elles, mais elles n’ont pas non plus pris la moindre initiative sérieuse pour faire échec à cet accord scélérat.

D’autre part, Chirac a décidé de couper l’herbe sous le pied des réformistes adeptes de la redistribution en se prononçant pour le financement de la protection sociale par un impôt sur les profits des entreprises et non plus sur des cotisations basées sur les salaires. L’argument selon lequel les cotisations sociales patronales seraient trop élevées et pèseraient sur l’emploi n’est pas neuf ; il a servi de prétexte à la multiplication des exonérations par les gouvernements successifs (elles atteignent plus de 20 milliards d’euros aujourd’hui), sans pour autant diminuer le chômage, bien au contraire. La volonté de transférer la gestion des cotisations sociales (salaire collectivisé des travailleurs) de la Sécurité sociale au budget de l’État (via un mode de prélèvement de type fiscal) n’est pas neuve non plus. L’instauration de la CSG par Rocard en 1991, la mise en place des lois de financement annuelles de la Sécurité sociale suite au plan Juppé de 1995, ont été les premières mesures en ce sens. La conséquence pour les travailleurs est connue : alors que la Sécurité sociale est une conquête des travailleurs, la poursuite de sa fiscalisation va aggraver encore le poids de l’État dans sa gestion, les prestations sociales seront toujours moins liées aux droits collectifs des travailleurs, en particulier à leurs salaires, mais subordonnées aux profits des entreprises (sur lesquels les salariés n’ont évidemment aucun contrôle) et aux carcans comptables décidés par les gouvernements.

Attaques contre l’école et les services publics

Le gouvernement a décidé également de nouvelles attaques contre le droit à l’instruction. Sous prétexte de faciliter l’accès à un emploi des jeunes dits « en échec scolaire » (alors que c’est en fait l’école qui est en échec dans leur cas !), le gouvernement aggrave leur déscolarisation en leur offrant la « possibilité » de partir en stages en entreprise dès l’âge de quatorze ans. Le patronat peut d’ores et déjà se réjouir d’avoir à sa disposition une main d’œuvre sous-payée, voire gratuite. D’autre part, le ministre De Robien a annoncé la mise en place de tutorats : 100 000 étudiants de niveau licence seraient amenés à encadrer 100 000 élèves des quartiers « en difficulté ». À l’heure des baisses d’effectifs drastiques dans l’Éducation nationale, et alors qu’il faut attendre qu’une enseignante soit agressée physiquement pour créer quelques postes d’éducateurs supplémentaires indispensables, l’appel à une main-d’œuvre bénévole et sans formation particulière pour sortir les élèves de « l’échec scolaire » est une nouvelle provocation.

Parallèlement, le gouvernement aggrave le régime d’austérité imposé aux Fonctions publiques : diminution du nombre de fonctionnaires, refus d’augmenter la valeur du point d’indice ne serait-ce qu’au niveau de l’inflation, poursuite de la décentralisation et application approfondie de la Loi d’Orientation sur les Lois de Finance. Quant aux salariés, l’amélioration de leurs conditions de vie, de leur pouvoir d’achat en particulier, ne pourra venir que de la bonne réussite de l’économie nationale (le fameux patriotisme économique défendu par Villepin et repris par Chirac dans ses vœux du 31 décembre), en particulier au niveau boursier : contre l’augmentation des salaires, Villepin encourage les patrons à céder des actions de l’entreprise aux salariés, éventuellement achetées avec les comptes épargne-temps.

Tous ces mauvais coups ne sont pourtant pas une fatalité qui serait due à la force irrésistible du gouvernement. Celui-ci est au contraire né faible, au lendemain de la défaite de Chirac le 29 mai ; il ne doit son salut qu’au soutien dont il bénéficie de la part des directions syndicales et des partis dits de gauche, qui refusent de le combattre quand ils ne s’associent pas purement et simplement à ses plans. La spirale des défaites ne pourra que peser sur la combativité des travailleurs : il est d’autant plus nécessaire et urgent d’engager la lutte contre ceux qui en sont les principaux responsables, ceux qui ont constitué en 2005 les obstacles à la construction d’une riposte d’ensemble, axée sur l’objectif de la grève générale, seul moyen de stopper et de vaincre le gouvernement. C’est le sens du travail entrepris par le Groupe CRI avec d’autres groupes et militants pour rassembler les militants syndicaux combatifs dans une tendance intersyndicale lutte de classe et anti-bureaucratique.


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