Le CRI des Travailleurs
n°34
(novembre-décembre 2008)

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Lettre du camarade Wolfgang au camarade Pierre Lambert (9 juin 2000)

Je te remercie pour ta lettre datée du 25 mai, dont je n'ai pris connaissance qu'hier au local, ne l'ayant pas reçue à mon domicile.

Son contenu m'inspire les remarques et interrogations suivantes :

 

1) Sur le premier point, tu sembles considérer comme anormal ou illégitime que je t'aie "fait parvenir une nouvelle contribution, alors que vient d'être éditée une brochure publiant (ma) contribution précédente et une réponse" (je souligne). Or, précisément, comme je l'explique dans mon deuxième texte, la rédaction de celui-ci m'a paru indispensable en raison même de la publication de la brochure (et je te l'avais d'ailleurs annoncée, bien avant cette publication, dès que j'ai pris connaissance du texte intitulé Critique d'une critique) . En effet, j'estime que c'est là un complément nécessaire, appuyé sur un grand nombre de citations et de données, à la compréhension de mes positions par les camarades, compte tenu du fait que le camarade Gluckstein ne cesse de me prêter des positions qui ne sont pas les miennes n'hésitant pas pour ce faire à user de toute son autorité de dirigeant politique, et surtout à tronquer et déformer nombre de ses "citations". En outre, plusieurs militants m'ont déjà dit avoir lu Critique d'une critique sans étudier ma propre contribution, qu'ils ont jugée trop difficile. C'est pourquoi je demande la publication rapide de mon deuxième texte, qui est plus didactique que le premier et qui apporte de nouveaux arguments et de nouveaux faits à l'appui de mes positions. Dans la mesure où je ne peux laisser sans réponse les multiples accusations infondées et graves que le camarade Gluckstein porte contre moi, je considère même qu'il en va de mon droit de réponse.

 

2) Sur le deuxième point, je suis tout à fait d'accord avec toi pour dire que la discussion autour du livre de Daniel Gluckstein doit être organisée dans notre courant de manière rigoureuse, systématique et rationnelle. Je suis d'ailleurs prêt à participer à des réunions exceptionnelles pour y contribuer, comme je l'ai déjà proposé dans mon arrondissement. Et je me félicite que des camarades aient annoncé la rédaction de leur propre contribution. Comme tu t'en souviens certainement, c'est précisément ce que j'appelais de mes vœux dès l'introduction de mon premier texte, regrettant que cela n'ait pas été fait plus tôt ; au moins pour cette raison, je pourrai donc me féliciter que la brochure ait contribué à relancer la discussion théorique de fond au sein de notre organisation. Mais, précisément, pour que les camarades puissent apprécier correctement mes véritables positions, pour qu’ils puissent en discuter dès à présent, et en particulier au cours des camps de cadres et de formation (puisque vous avez décidé de mettre la brochure à l’ordre du jour), il est nécessaire qu’ils aient lu non seulement mon premier texte et la réponse du camarade Gluckstein, mais encore ma deuxième contribution.

En outre, je suis tout à fait d’accord pour dire que les vacances sont un moment propice pour étudier la théorie marxiste : c'est justement pour cette raison que j'ai fait en sorte de terminer ma deuxième contribution avant les congés — aux dépens, d'ailleurs, de mon propre travail de recherche — en espérant que les camarades auraient ainsi plus de temps pour l'étudier ; en revanche, il est bien évident que bien peu d'entre eux auraient la possibilité de lire 98 pages serrées de discussion théorique très précise s'ils n'en prenaient connaissance qu'en septembre, c'est-à-dire à une époque où, traditionnellement, l'activité militante pratique, donc prioritaire, est particulièrement dense.

Enfin, pour le dire en passant, la lecture de mon deuxième texte suffit à prouver que mon objectif n'a bien évidemment rien d'un vain "duel littéraire entre 'personnalités'" (j'ai, comme tous les camarades, d'autres chats à fouetter), mais une analyse argumentée, précise et détaillée du contenu et de la forme du texte Critique d'une critique, concernant des questions fondamentales de la théorie et de la méthode marxistes — et justifiant par là même que les camarades puissent la lire.

 

3) Enfin, quant au troisième et dernier point de ta lettre, je ne suis pas sûr de bien le comprendre — et j'espère que tu voudras bien m’éclairer.

Selon moi, il est non seulement légitime, mais même indispensable de discuter entre camarades de toutes les questions théoriques (et politiques en général), qu'elles soient ou non tenues pour vraies par la majorité des militants. Il n’y a aucune question particulière, fût-elle considérée par la majorité comme une "pièce maîtresse du programme", dont la discussion doive avoir pour cadre telle ou telle réponse unique déjà établie et qui ne puisse être débattue à fond, sans préjugé, sans entrave à la liberté d'expression. Or tu me demandes ici de "comprendre" (?) ce que je comprends certes très bien, mais avec quoi, justement, comme tu le sais, je ne suis pas d'accord, c’est-à-dire avec l’idée que le programme de la IVe Internationale "se concentre" sur la phrase : "les forces productives de l’humanité ont cessé de croître". Tu vas même jusqu’à considérer que cette affirmation serait ce qui "garantit la discussion entre nous" — alors que cela ne saurait être vrai que du programme en général, et non de telle ou telle de ses formulations littérales en particulier. Enfin, tu affirmes que cette phrase serait "une analyse vérifiée par les faits et les événements" ; mais, précisément, je suis convaincu que ce n’est pas vrai, comme je le démontre dans la troisième partie de ma deuxième contribution. Or, là encore, pour que j’aie la moindre chance de faire partager mon point de vue, il faut que les camarades connaissent mes véritables positions, et donc, avant tout, que je puisse les leur présenter de manière développée et didactique. Si donc il a été nécessaire que je recoure à d’assez longs développements, c’est à la fois parce que mes idées sont inhabituelles pour les militants de notre courant, et parce qu’il était indispensable que je réfute point par point les accusations et les incompréhensions — réelles ou feintes — du camarade Gluckstein.

Tu le vois : contrairement à l’hypothèse que tu formules au début de ta lettre (sans doute parce que j’aurais dû t’exposer immédiatement les raisons pour lesquelles je demande la publication rapide de ma deuxième contribution), ma "conception de la discussion entre militants" n’a rien de "curieuse" : il s’agit simplement que cette discussion, quelles que soient la difficulté ou la longueur éventuelles de tel ou tel développement théorique, puisse être menée sur la base des véritables positions de chacun, et non sur ce qu’en disent ceux qui les contestent ou qui ne les comprennent pas. Sur cette base, je suis prêt à discuter avec tous les camarades qui le souhaitent, et avec toi en particulier, dans l'idée que l'argumentation rigoureuse, la réfutation rationnelle, les faits vérifiables et la connaissance des grands textes marxistes permettront soit de me convaincre que j'ai tort, soit de vous démontrer que j'ai raison.

Dans l'attente de ta réponse, je te prie de croire, cher camarade, en mes sentiments les meilleurs.

Wolfgang