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À quelles conditions l'année 2005 verra-t-elle une véritable reprise de la lutte de classe dans ce pays ?


Auteur(s) :Laura Fonteyn, Ludovic Wolfgang
Date :15 janvier 2005
Mot(s)-clé(s) :France
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Du point de vue de la lutte de classe, deux questions majeures dominent l’actualité politique en France, en ce début d’année 2005 : d’une part, les débats autour du projet de « Constitution » européenne et les débuts de la campagne pour le référendum annoncé par Chirac ; mais aussi, d’autre part, le frémissement qui parcourt le mouvement ouvrier officiel (CGT, FO, UNSA, FSU, PCF, etc.), dont les dirigeants prétendent aujourd’hui vouloir relancer une mobilisation des travailleurs dans certains secteurs, tout en poursuivant en réalité leur collaboration éhontée avec le gouvernement Chirac-Raffarin, lui permettant ainsi de continuer à élaborer et faire passer tranquille­ment, mais sûrement, ses contre-réformes destructrices. Mais sommes-nous pour autant à la veille d’un changement de la situation sociale et politique dans ce pays ? À quelles conditions un nouveau cycle ascendant de lutte de classe redeviendrait-il possible, après dix-huit mois de quasi-léthargie ?

La défaite-trahison de mai-juin 2003 continue de peser

Comme Groupe CRI, nous avons été parmi les premiers à soutenir que la défaite-trahison du grand mouvement de luttes qui a marqué le premier semestre 2003 pèserait lourdement, pour toute la période suivante, sur la combativité et l’état d’esprit des travailleurs. Dénonçant la trahison de la montée vers la grève générale par les bureaucrates syndicaux et le PCF, avec la couverture des principales organisations d’extrême gauche (PT, LCR et LO), dès le numéro de juin 2003 du CRI des travailleurs, nous n’avions pas suivi alors tous ceux qui, dans les sommets syndicaux, mais aussi à l’extrême gauche, refusaient de parler de défaite et annonçaient que le « mouvement » allait « repartir » comme par enchantement à la rentrée suivante.

La réalité nous a donné raison : depuis juin 2003, il y a évidemment eu, comme toujours, des actions et des grèves locales, ici pour lutter contre un plan de licenciement, là pour exiger une hausse de salaire, ailleurs pour la défense d’un salarié réprimé. Mais aucune forte mobilisation d’ampleur nationale ou générale n’a eu lieu, à l’exception de secteurs très limités comme les intermittents du spectacle ou les chercheurs, d’ailleurs sciemment isolés par les dirigeants syndicaux. Au printemps 2004, après la défaite de Chirac-Raffarin aux élections régionales, le gouvernement, assuré de garder le soutien du PS et de la gauche plurielle jusqu’en 2007 (cf. l’analyse du CRI des travailleurs n° 12, avril 2004), a pu annoncer sans trop de risques le changement de statut d’EDF-GDF et sa contre-réforme de la Sécurité sociale. Un début de combat s’est certes produit dans certains secteurs, et nous avons bien évidemment appelé, comme tous les groupes combatifs du mouvement ouvrier, à la mobilisation des travailleurs, tout en expliquant sans relâche que la gauche plurielle et les bureaucrates des syndicats feraient tout pour l’empêcher. Mais de fait, ce début de mobilisation, notamment chez les électriciens et gaziers, a été rapidement liquidé par les dirigeants du mouvement ouvrier, il n’a pas eu le temps et les moyens politiques de monter en puissance et de contraindre ces bureaucrates à cesser leur collaboration avec le gouvernement (refus de le combattre et même co-élaboration de ses contre-réformes, sous prétexte de « négociations »).

Conditions objectives, conditions subjectives

L’année 2005 verra-t-elle une reprise de la lutte de classe en France ? On ne peut se contenter de l’espérer, il faut faire la clarté sur les conditions auxquelles elle pourrait commencer, sous peine d’aller au devant de nouvelles désillusions et d’une aggravation du désarroi qui frappe de nombreux secteurs du monde du travail. On remarque alors que la situation est marquée par une contradiction, fortement ressentie par les militants et les travailleurs conscients : d’un côté, les conditions d’existence sont de plus en plus difficiles pour une fraction de plus en plus importante de la population (RMIstes, chômeurs, précaires, « travailleurs pauvres », « sans-papiers », ménages surendettés…), la situation est de plus en plus intolérable dans les entreprises, où les travailleurs sont soumis à l’intensification du travail, à la flexibilité, à la déréglementation tous azimuts et, en ce qui concerne les services publics, au manque de personnel et de moyens. De plus, l’impopularité de la politique menée par le gouvernement est grande, le discrédit de Raffarin est général et durable, rejaillissant sur le président Chirac (à la plus grande joie de Sarkozy qui, avec ses grandes dents, l’attend au coin du bois de 2007). En ce sens, les conditions objectives pour la reprise de l’affrontement social sembleraient donc réunies.

Pourtant, d’un autre coté, on constate aussi que les travailleurs continuent de rester largement passifs face à un patronat qui multiplie les provocations et à ce gouvernement qui poursuit sans être inquiété l’élaboration et la mise en œuvre de ses contre-réformes. Manifestement, la classe ouvrière ne croit pas, pour le moment, à la possibilité d’une riposte victorieuse, en l’absence de perspective politique. La responsabi­lité principale en incombe là encore aux dirigeants du mouvement ouvrier officiel, qui persistent à refuser d’en découdre avec le gouvernement et poursuivent au contraire leur collaboration éhontée avec lui, constituant ainsi l’obstacle majeur sur la voie d’une reprise de la lutte de classe. Il en résulte que, dans l’état actuel des choses, les conditions subjectives rendent douteuse une reprise immédiate de la lutte de classe directe et massive. Bien sûr, nul ne peut prévoir ce qui va se passer dans les prochains mois : des soulèvements dans tel ou tel secteur — notamment dans les hôpitaux ou à la SNCF, voire à la Poste — sont toujours possibles, et ils devront être encouragés et aidés partout où ce sera possible. Cependant, les chances qu’un mouvement général de quelque ampleur se produise sont réduites : les militants et les travailleurs doivent en être conscients, et analyser lucidement les raisons politiques de cette situation, par le dialogue et la discussion que les communistes révolutionnaires ont la responsabilité d’impulser partout et de mener le plus loin possible.

Mais cette appréciation de la situation ne signifie bien sûr nullement qu’il n’y ait aucune campagne politique à mener dans les prochains mois, tout au contraire.

Les deux fronts du combat politique à mener

Simplement, il ne faut se tromper ni sur les campagnes, ni sur la manière de les conduire. En fait, comme nous allons le voir, les deux principales tâches, intimement liées, qu’impose la situation présente aux communistes révolutionnaires et aux travailleurs d’avant-garde sont, d’une part, le combat politique contre les dirigeants des syndicats et du PCF, pour leur imposer les conditions d’une véritable reprise de la lutte de classe, à commencer par leur rupture de toutes leurs négociations-collaborations avec le gouvernement. D’autre part, à l’occasion du référendum sur le projet de « Constitution européenne », il s’agit d’aider les travailleurs, malgré les circonstances difficiles, à infliger une défaite électorale de classe au gouvernement et à la fraction majoritaire de la bourgeoisie française, rassemblée pour l’occasion dans un front unique de ses diverses composantes politiques, du MEDEF au PS, en passant par l’UMP, l’UDF et les Verts.


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