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Le CRI des Travailleurs n°16     << Article précédent | Article suivant >>

Mener campagne pour un « Non » de classe à la « Constitution » européenne : la responsabilité des directions ouvrières


Auteur(s) :Laura Fonteyn, Ludovic Wolfgang
Date :15 janvier 2005
Mot(s)-clé(s) :Union-européenne
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En ce qui concerne le référendum, dont Chirac a annoncé l’organisation « avant l’été », nous avons expliqué dans le précédent numéro du CRI des travailleurs (novembre-décembre 2004) les raisons pour lesquelles il est nécessaire de profiter de cette campagne électorale pour défendre une position marxiste authentique, à l’encontre de tous les appels « anti-libéraux », altermondialistes et réformistes qui circulent un peu partout à gauche et à l’extrême gauche (clique de Fabius, courants de gauche du PS, « appel des 200 » de la Fondation Copernic, du PCF et de la LCR, appel du PT, etc... (1)). Le Groupe CRI prendra toute sa place dans la campagne, sur la base de son appel « Pour un ‘Non’ de classe, pour une Europe communiste révolutionnaire » (texte publié dans le précédent numéro et qui sera diffusé massivement dans la prochaine période sous la forme d’un 4-pages). De ce point de vue, ses militants participeront activement aux réunions syndicales et aux réunions publiques que les organisations ouvrières ont le devoir d’organiser dans les entreprises, les établissements et les quartiers. Il s’agit maintenant d’aider la classe ouvrière à se rassembler, en imposant aux dirigeants du mouvement ouvrier officiel qu’ils se prononcent pour le « Non » sur une base de classe, pour infliger une défaite au gouvernement et ses suppôts du PS, c’est-à-dire à tous ces représentants directs de la bourgeoisie qui ont choisi depuis des années de construire l’Union européenne pour faire valoir les intérêts de leur classe, à la fois contre les acquis des travailleurs et contre les bourgeoisies concurrentes d’Amérique et d’Asie.

Il est vrai que, après la consultation interne du PS, où le « Oui » l’a emporté à près de 59 %, l’éventualité d’une défaite du gouvernement à l’occasion de ce référendum s’est amoindrie (et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Chirac a annoncé la tenue de celui-ci à une date plus proche que celle qui était initialement envisagée). Pour autant, elle n’a nullement disparu et elle a permis de clarifier davantage la signification et l’enjeu du combat à mener.

Le vote interne du PS pour le « oui » clarifie la signification de classe du « non »

En effet, le principal enseignement qu’il faut tirer de cette consultation interne au PS, c’est qu’elle confirme notre analyse de ce parti : la majorité absolue non seulement des dirigeants et des élus du PS, mais aussi des adhérents eux-mêmes, sont intégralement ralliés au capitalisme, et même au « libéralisme » économique, si caractéristique de l’Union européenne en général et du projet de « Constitution » élaboré par Giscard en particulier. Ce fait indéniable montre une fois de plus, contre tous ceux qui continuaient de nourrir des illusions sur ce parti, que le PS est décidément devenu un parti purement bourgeois, quels que soient par ailleurs son origine lointainement socialiste, ses positions syndicales et son poids électoral parmi certaines fractions du salariat — les fractions supérieures en fait : enseignants, salariés parmi les mieux lotis du secteur public, syndicalistes collaborateurs et réformistes… En ce sens, le PS est plus que jamais comparable au Parti démocrate américain, parti bourgeois qui est lui aussi soutenu par les bureaucrates syndicaux (ainsi que les dirigeants du mouvement noir) et par l’aristocratie salariale. D’ailleurs, même les militants du PS qui ont voté « Non » lors de la consultation interne ne l’ont pas fait sur la base de positions réellement socialistes : sans même parler des partisans du très libéral et très hypocrite Fabius (dont l’audace opportuniste n’a pas été récompensée, c’est le moins qu’on puisse dire), la majorité de ces militants oppositionnels, souvent syndicalistes, se retrouve dans les arguments seulement « anti-libéraux », mais nullement anti-capitalistes, de la « gauche » du PS. En un mot, s’il y a encore des militants ouvriers dans la « gauche » du PS, et s’il y a encore des militants officiellement révolutionnai­res qui croient que ce parti reste un « parti ouvrier-bourgeois », il est décidément temps que les uns et les autres rompent définitivement avec de pareilles illusions !

L’appel majoritaire du PS pour le « oui » clarifie donc la situation : désormais, si l’on fait abstraction de l’appel au « non » de cette fraction minoritaire et réactionnaire de la bourgeoisie française qui se retrouve politiquement dans la droite extrême de Pasqua, Villiers, Mégret ou Le Pen, il s’avère que l’ensemble des forces politiques qui appellent à voter « Oui » sont les forces de la bourgeoisie (quelles que soient les différences secondaires qui existent entre le MEDEF, l’UMP, l’UDF, la majorité du PS et la majorité des Verts), et inversement ; en revanche, l’ensemble des forces politiques qui appellent à voter « Non » relèvent plus ou moins directement du mouvement ouvrier (militants syndicaux et social-démocrates plus ou moins « traditionnels » du PS, PCF, LCR, PT, LO et un certain nombre de syndicats tels que les Unions départementales CGT et FO de Paris, le syndicat FSU de l’enseignement agricole et d’autres…) ou de la petite bourgeoisie « altermondialiste » qui n’existe elle-même politiquement que par ses liens avec le mouvement ouvrier (comme la Confédération paysanne, qui a appelé le 1er décembre à s’opposer à la « Constitution », ou surtout ATTAC, qui s’est prononcée pour le « Non » à 84 % de ses adhérents et a décidé de faire campagne sur une orientation « altermondialiste » proche de celle de l’ « appel des 200 »).

À quelles conditions les travailleurs peuvent-ils infliger une défaite à la bourgeoisie ?

Cette différence majeure entre les forces qui représentent directement les intérêts de la bourgeoisie et celles du mouvement ouvrier ne signifie bien sûr nullement que les communistes révolutionnaires puissent s’allier avec les dirigeants de celui-ci qui animent les différents regroupements pour le « Non » actuellement en circulation : tout au contraire, par leurs positions « antilibérales », « altermondialistes », « républicaines »… en fait à peine réformistes, ils ne font que révéler une fois de plus leur nature de « lieutenants ouvriers de la classe bourgeoise », comme disait Lénine. Mais c’est précisément comme tels, d’un point de vue marxiste révolutionnaire, qu’ils doivent être combattus, à l’intérieur même des organisations ouvrières, notamment des syndicats, et à l’occasion des réunions de travailleurs qui vont être convoquées un peu partout dans le cadre de la campagne électorale.

Ce combat contre les dirigeants des organisations ouvrières ne saurait être un obstacle au combat pour la défaite électorale du gouvernement, pour la victoire du « Non » : c’en est au contraire une condition. Après le vote interne du PS, il est clair que, d’un point de vue purement électoral, la possibilité d’obtenir une majorité de « Non » s’est amenuisée. Mais la défaite du gouvernement, du PS et de la bourgeoisie reste possible, à condition précisément que les organisations du mouvement ouvrier (CGT, FO, UNSA, FSU, SUD, PCF, LCR, PT, LO…) s’engagent réellement dans une campagne massive et systématique pour un « Non » de classe, en relation avec une véritable mobilisation sur le terrain de la lutte de classe directe. À l’opposé, la persistance d’une campagne ambiguë (ou hésitante et timorée, en ce qui concerne LO), comme celle que mènent actuellement, chacun à sa manière, le PCF, la LCR, le PT et tutti quanti, ne peut que conduire à une nouvelle victoire du gouvernement. Seule une campagne de classe, s’appuyant clairement sur les revendications de l’immense masse des travailleurs, usant d’un discours nettement tranché par rapport à celui des partis bourgeois, traçant la voie d’une perspective politique de rupture… — seule une telle campagne peut intéresser et mobiliser les travailleurs, leur redonner l’espoir d’une véritable alternative qu’ils pourront construire eux-mêmes…

Une telle campagne politique n’entraverait pas le combat pour aider la lutte de classe des travailleurs « sur le terrain », comme le craignent quelques gauchistes et les militants de la Fraction de LO, sombrant dans l’ « économisme » et l’apolitisme de fait. Au contraire, le combat pour que le mouvement ouvrier et les travailleurs en général se prononcent pour le « Non » sur une base de classe est intimement lié au combat pour la défense des revendications immédiates, concernant les conditions de travail, les salaires, les services publics utiles à la population et tous les acquis sociaux. Ces deux combats sont l’un et l’autre des combats politiques que les communistes révolutionnaires doivent mener de front, notamment dans les réunions syndicales et les assemblées générales, avec l’objectif unique de vaincre le gouvernement, à la fois sur le plan électoral et sur le terrain de la lutte de classe directe. Inversement, tous ceux qui, notamment dans les syndicats, refusent de s’engager dans la campagne pour le « Non », et tous ceux qui prônent un simple « Non de gauche » de type « altermondialiste », « antilibéral » ou « républicain », sont les mêmes qui refusent de combattre réellement le gouvernement : on les retrouve à la tête des organisations syndicales majoritaires (sans même parler de ceux qui, à la CFDT, voire à la CGT, appellent carrément à voter « Oui » !), dans les courants de « gauche » du PS, au PCF, etc. En effet, comme nous allons le voir, ce sont eux qui, semaine après semaine, mois après mois, font tout pour empêcher la reprise de la lutte de classe dans ce pays, poursuivant leur politique de collaboration éhontée avec le gouvernement tout en prétendant défendre les intérêts spécifiques des travailleurs.


1) Quant à LO, nous avions également analysé son orientation dans le précédent numéro du CRI des travailleurs, en soulignant qu’elle « développe une position de principe beaucoup plus correcte » que celle des autres organisations, mais qu’elle se caractérise aussi par une « tentation abstentionniste et (une) sous-estimation de la politique ». La décision du dernier congrès de LO de faire campagne pour le « Non » (que nous avions qualifiée de « vraisemblable ») est en elle-même un point d’appui important pour le combat de classe visant à infliger une défaite au gouvernement et à la bourgeoisie à l’occasion du référendum. LO a désormais la responsabilité de rompre avec son attentisme persistant, d’engager maintenant le combat pour un « Non » de classe à la « Constitution »… ce qu’elle n’a toujours pas commencé à faire à ce jour, sous prétexte d’attendre que la date du référendum soit fixée exactement !


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