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Le CRI des Travailleurs n°16     << Article précédent | Article suivant >>

Les dirigeants du mouvement ouvrier refont semblant de vouloir mobiliser les travailleurs...
mais poursuivent en fait leur collaboration éhontée avec le gouvernement


Auteur(s) :Laura Fonteyn, Ludovic Wolfgang
Date :15 janvier 2005
Mot(s)-clé(s) :France, directions-syndicales
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Du point de vue de la lutte de classe directe, l’élément marquant de ce début d’année 2005, ce sont les appels syndicaux « unitaires » (CGT, FO, UNSA, FSU, SUD et, dans certains secteurs, CFDT) à la mobilisation de certains secteurs : postiers le 18 janvier, cheminots le 19, personnels de l’Éducation nationale et fonctionnaires le 20, tous les salariés le 5 février, etc. Ces appels sont-ils des points d’appui pour une reprise de la lutte de classe ? Rappelons d’abord que, l’an passé, exactement à la même période, les mêmes dirigeants syndicaux avaient appelé à peu près les mêmes secteurs à des mobilisations semblables, consistant de la même façon en « journées d’action » catégorielles, soigneusement atomisées, sans lendemain et sans perspectives. De fait, ces vrais faux appels à la mobilisation n’avaient eu aucun résultat tangible. En ira-t-il différemment cette année ? Pour avoir les idées claires, il convient avant tout d’examiner la politique réelle des dirigeants du mouvement ouvrier officiel dans la dernière période.

Conditions de travail et salaires

L’un des motifs de mécontente­ment des syndicats est le projet annoncé par le gouvernement d’ « assouplir » les lois de réduction du temps de travail, à la demande du MEDEF. C’est ainsi que Thibault a parlé de « la mort des 35 heures » (RTL, 10 décembre). Mais il faut commencer par redire ici que les lois Aubry mises en place par la gauche plurielle constituaient déjà elles-mêmes un très grave « assouplissement » des acquis consignés dans le Code du travail, une véritable régression sociale : sous couvert de satisfaire la revendication de réduction du temps de travail, elles ont instauré en fait la flexibilité des horaires par l’annualisation du temps de travail, la remise en cause de certains acquis comme les pauses — la référence étant désormais le « temps de travail effectif » — la mise en cause de la définition et de la rémunération majorée des heures supplémentaires, la « modération salariale »…

Il n’en reste pas moins que le gouvernement veut aller plus loin encore. En décembre, il a déjà imposé l’augmentation du contingent ; de plus, la loi Borloo, dite « de cohésion sociale », met en cause la prise en compte du temps de déplacement professionnel dans le temps de travail global, au nom du concept, inventé par les lois Aubry, de « temps de travail effectif ». À présent, un nouveau projet de loi est annoncé : déposé par quatre députés UMP, reprenant les grandes lignes du « Contrat France 2005 » présenté par Raffarin en décembre, il sera examiné par l’Assemblée nationale à partir du 1er février. Il s’agit d’abord d’ « assouplir » le « compte épargne temps », en permettant de troquer sans limites les jours de RTT épargnés contre de l’argent (le plafond annuel de 22 jours qui existait jusqu’à présent est supprimé) ; cette conversion sera possible soit au bout d’un an, soit même directement en ce qui concerne les cadres ; enfin, l’argent en question pourra aussi être placé sur un plan d’épargne retraite collective, c’est-à-dire l’un de ses fameux « fonds de pension à la française » (propriété de l’entreprise) mis en place par la loi Fabius en 2001. En second il s’agit d’accroître encore le contingent d’heures supplémentaires autorisées pour les salariés « qui veulent gagner plus en travaillant plus » ; sous couvert de « temps choisi », il s’agit en fait évidemment de faire suer aux travailleurs ce que Marx appelle une « plus-value absolue » ; de plus, cette disposition va aggraver encore l’atomisation des travailleurs, avec une individualisation accrue des contrats de travail, aux dépens des droits et acquis collectifs qui contribuent à constituer la classe ouvrière comme classe. Enfin, le projet de loi entend prolonger de trois ans, jusqu’en 2008, la dérogation permettant au patronat des petites et moyennes entreprises de ne payer qu’à 110 % les quatre heures supplémentai­res, au lieu de 125 % dans les grandes entreprises, selon le Code du travail.

Un autre projet très grave du gouvernement est celui annoncé par Borloo le 3 décembre à l’Assemblée nationale, et qui consiste à instituer un contrat de travail d’un nouveau type, dit « contrat intermédiaire », dans la continuité des rapports de Virville et Camdessus, qui proposaient la création d’un contrat de travail unique mettant fin aux CDI (Contrats à durée indéterminée) : « Il s’agit de la plus grande révolution dans le domaine du droit du travail depuis de nombreuses années, a déclaré le ministre. Il faut substituer au droit du travail celle de sécurité sociale professionnelle » — cette dernière expression étant en elle-même une œillade limpide en direction de la CGT, qui a adopté cette « revendication » lors de son dernier congrès confédéral, en 2003. De fait, Borloo a ouvert dans cette perspective, dès le 15 décembre, des discussions avec les syndicats, qui ont osé accepter d’y participer !

Enfin, en ce qui concerne la Fonction publique, le gouvernement prévoit une hausse des salaires de 0,5 % en février et une autre tout aussi ridicule en novembre, alors que l’inflation atteint près de 2 % par an.

Face à toutes ces attaques de portée générale, que font les dirigeants syndicaux ? Dans un premier temps, les directions syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC, UNSA, FSU, SUD) prévoient pour les seuls fonctionnaires une « semaine d’action » spécifique du 17 au 21 janvier, avec une manifestation le 20 janvier et une journée de grève. Pourquoi diviser ainsi le public et le privé ? Et d’ailleurs, qui peut croire sérieusement qu’un seul jour de grève pourrait suffire pour que le gouvernement cède une hausse plus substantielle aux fonctionnaires — alors que, rappelons-le encore une fois, il emporte victoire sur victoire depuis deux ans et ne se heurte à aucune résistance sérieuse depuis dix-huit mois ?

En ce qui concerne le temps et les conditions de travail, la proposition des directions est encore pire, si l’on peut dire. Alors qu’il serait en fait nécessaire de se battre pour une baisse du temps de travail permettant de répartir le travail entre tous pour mettre fin au chômage sans perte de salaire (échelle mobile des heures de travail), les dirigeants syndicaux défendent les lois Aubry qui ont considérablement aggravé la flexibilité, l’annualisation et la déréglementation, et ils ne se montrent même pas réellement déterminés à faire échec au nouveau projet de loi du gouvernement, qui aggrave encore ces dispositions ! Au lieu de cela, ils appellent les travailleurs, selon leur communiqué du 11 janvier, à une « journée d’action » dont le contenu est complètement vague (pour « le temps de travail (35 heures et journée de solidarité), les négociations salariales dans le public et le privé, le développement de l’emploi et la défense du droit du travail ») et qui aura lieu le 5 février, c’est-à-dire un samedi ! De plus, non seulement ils n’appellent pas à la grève, mais il ne s’agira même pas d’une grande manifestation nationale : ils se contentent de parler de « mobilisations locales » et invite leurs « structures locales » respectives à « se rencontrer pour mettre en œuvre les formes de mobilisation et d’action les plus appropriées ». Il est donc clair que les travailleurs du public comme du privé ne peuvent pas compter sur les dirigeants syndicaux pour lutter réellement contre le gouvernement ! (1)

Le cas des hôpitaux et des médecins

Enfin, c’est dans la même dispersion que les personnels hospitaliers et médicaux sont appelés à se mobiliser par les dirigeants des organisations : les manœuvres des bureaucrates syndicaux se combinent au corporatisme de certains médecins, les uns et les autres semblant tout faire pour éviter une mobilisation collective. C’est ainsi que, après l’opération « expatriation » en Espagne des spécialistes à l’automne et la grève nationale des pédiatres le 3 janvier, les internes sont appelés à la grève à partir du 17 janvier et à une « marche contestataire » le 22, les chirurgiens des hôpitaux publics sont invités à cesser le travail le 19, tandis que les personnels du secteur de la Santé à Paris et en Ile-de-France et les psychiatres des hôpitaux publics au niveau national sont convoqués le 20, dans le cadre de la « journée d’action » de la Fonction publique…

Pourtant, la situation des hôpitaux est sans doute l’une des plus désastreuses qui soit pour les travailleurs, si l’on s’en tient aux services publics : les conditions de travail sont de plus en plus intolérables et elles conduisent à des drames, comme la canicule de l’été 2003 et, plus récemment, le meurtre d’une infirmière et d’une aide-soignante dans un hôpital psychiatrique à Pau. En ce qui concerne les médecins généralistes eux-mêmes, ils ne manquent pas de raisons de s’opposer à la nouvelle « convention médicale », principal vecteur de la mise en application de la réforme Douste-Blazy contre la Sécurité sociale (cf. notamment Le CRI des travailleurs n° 12, avril 2004). En effet, cette nouvelle convention vise à réaliser des économies sur le dos des malades en augmentant de manière considérable les restrictions de soins et de prescriptions médicales et le flicage des médecins généralistes, tout en augmentant leur charge de travail sans compensation. Les différents syndicats de salariés, y compris la CFDT, qui préside la Caisse nationale d’assurance maladie, dénoncent dans cette convention l’instauration d’une « médecine à deux vitesses » ; mais elles ne proposent pas plus d’action pour lui faire échec qu’elles ne l’avaient fait au printemps dernier. Approuvée par trois des principaux syndicats de médecins, ce texte a suscité en revanche la colère du principal syndicat de médecins généralistes, MG-France, qui appelle les médecins à ne pas l’appliquer, en ne remplissant pas les formulaires qui mettent en place le « médecin traitant ». De plus, l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG, principale organisation des internes, les médecins hospitaliers en fin d’études) appelle à « la grève totale illimitée (activité de service, de gardes et d'astreintes) à partir du 17 janvier à 8 h » pour faire échec à cette nouvelle convention médicale. Par la détermination dont il fait preuve, cet appel doit être considéré comme un point d’appui exceptionnel, mais il est vital de dépasser tout corporatisme et de l’étendre aux personnels hospitaliers de toutes les catégories, afin de les aider à déborder le carcan dans lequel les directions syndicales essaient de les enfermer.

Le cas de la Poste

Du côté de la Poste, l’offensive du gouvernement est tout aussi brutale. En octobre dernier, le ministre de l’Économie d’alors, Nicolas Sarkozy, avait déclaré : « Il est temps d’engager une réforme de La Poste », en mettant en avant « l’exemple » allemand : outre-Rhin, la poste est devenue la quatrième entreprise en taille grâce à sa rentabilité. « Engager une réforme de la Poste », en langage ministériel, cela signifie aller toujours plus loin dans sa privatisation : supprimer les bureaux de poste (6 000 suppressions sont prévues sur 12 000 bureaux) et les remplacer par des « points Poste » chez l’épicier du coin ; transformer les services financiers en une banque postale, aux dépens des clients les plus pauvres ; segmenter les activités (courrier, colis, services financiers) afin de mieux les privatiser une à une ; recruter toujours davantage de salariés de droit privé, ce que la loi Quilès (PS) de 1990 permet de faire. Actuellement, toutes les embauches se font sur ce type de contrat et les fonctionnaires ne représentent plus que deux tiers des effectifs ; d’ici 2012, 140 000 vont partir à la retraite, et ils deviendront alors très minoritaires. Rappelons que pour une année, un salarié de droit privé coûte en moyenne 10 000 euros de moins qu’un fonctionnaire de la Poste. Dans toutes les branches des activités postales, la privatisation est en marche : une directive européenne de 1997 a dans un premier temps ouvert le marché postal aux correspondances supérieures à 350 grammes ; en 2003, le marché a été ouvert pour les lettres de plus de 100 grammes ; en 2006, ce seront les lettres de plus de 50 grammes et l’ouverture sera totale en 2009. Le projet de loi de régulation postale, appliquant les directives européennes de libéralisation des services postaux et de mise en concurrence accrue de la Poste avec des opérateurs privés, sera examiné par l’Assemblée nationale du 18 au 20 janvier (elle a déjà été adoptée par le Sénat en janvier 2004).

Mais là encore, que font les dirigeants syndicaux ? Certes, CGT, FO et SUD appellent à une mobilisation pour le 18 janvier Mais il ne s’agira là encore que d’une grève d’une journée, pas davantage. Par contre, la collaboration avec la direction de la poste et le gouverne­ment continue. Le 3 novembre dernier, les syndicats CGT, FO, CFDT, CFTC ont signé un accord cadre concernant exclusivement les personnels chargés du courrier, et qui par là même avalise l’éclatement de la Poste en plusieurs branches d’activité, au détriment de l’unité du statut. Cet accord prévoit certes la fin du temps partiel imposé, mais pas avant deux ans, et il instaure une prime de 150 euros nets à tous les agents en décembre 2004 et décembre 2005, mais cela vise avant tout à justifier l’absence de toute revalorisation salariale, alors que la CGT, par exemple, revendique officiellement un salaire minimum de 1 400 euros par mois (la majorité des jeunes postiers gagnent à peine 1 100 euros par mois). L’accord du 3 novembre programme aussi la transformation de 10 000 CDD en CDI mais, outre que cela n’a rien de nouveau, les syndicats, en signant un tel accord qui n’est pas ponctuel, mais qui se définit comme un accord-cadre général de long terme, ont surtout entériné le gel du recrutement de fonctionnaires et le non-remplacement des 12 000 retraités qui partiront en retraite dans les deux ans, au profit des contrats de droit privé ; d’ailleurs, l’accord prévoit que « les modalités d’application de la présente mesure devront faire l’objet d’accords locaux quant aux non-recours au CDD ». Enfin, l’accord prévoit de mettre « une quatrième personne sur chaque machine trieuse » ; mais, à moyens constants, cela signifie que cette quatrième personne sera en fait prise dans d’autres services.

En un mot, le calcul de la direction de la Poste a manifestement été que, en faisant quelques concessions mineures, elle parviendrait à se mettre les syndicats dans la poche à la veille des bouleversements majeurs qu’elle prépare avec le gouvernement au nom de l’Union européenne. De fait, face aux restructurations en cours et à l’ouverture à la concurrence, les dirigeants syndicaux se contentent pour le moment d’appeler à une journée d’action le 18 janvier au lieu d’engager un affrontement majeur avec la direction de la Poste et le gouvernement. La fédération CGT, premier syndicat, se contente d’exiger « un véritable débat public sur le financement du premier service public de proximité » (communiqué du 16 décembre 2004). Il n’est donc pas étonnant que ce ne soient pas tant les syndicats, mais certains élus des petites communes, qui ont lancé le combat le plus sérieux contre la fermeture des bureaux de poste, tels ces 260 élus de la Creuse qui ont démissionné en bloc. Dans ce sillage, des collectifs pour la défense du service postal et plus largement pour la défense des services publics se sont créés dans certaines localités, ils mènent des actions devant certains bureaux, organisent des réunions publiques et font signer des pétitions. Mais tout cela est-il suffisant ? Bien évidemment non, si l’on veut vraiment faire reculer le gouvernement. La démission de quelques maires et des pétitions ne l’inquiètent guère ! Ici comme ailleurs, il n’y a pas d’autre solution réellement efficace que la mobilisation des postiers eux-mêmes, avec le soutien des usagers, par la préparation d’une vraie grève qui, pour vaincre, ne saurait être que générale et illimitée jusqu’à la victoire.

Le cas de la SNCF

La SNCF a illustré mieux que tout autre secteur la politique collaboratrice des directions syndicales avec patronat et gouvernement. Cette entreprise encore publique est un exemple de reculs sociaux tous azimuts : 8 000 postes supprimés entre 2002 et 2004, des ateliers et des lignes fermés (la SNCF vient encore d’annoncer qu’elle allait supprimer trois lignes de province dont la ligne Bordeaux-Lyon), des conditions de travail dégradées, des pressions incessantes sur les personnels, notamment les guichetiers, pour davantage de rendement, des sanctions injustifiées contre des salariés, le tout pour obtenir des gains de productivité toujours plus importants. Tout dernièrement, une ligne « I-TGV », fondée sur l’achat de billets moins chers uniquement sur Internet — ce qui pénalise bien sûr tous les usagers ne bénéficiant pas d’un accès au réseau informatique — a été lancée, au moyen d’une filiale, EFFIA, où le personnel est nettement sous-payé. Les cheminots y voient naturellement une remise en cause de leur statut et une privatisation.

Dès lors, au cours de ces dernières semaines, sur différentes lignes et dans différentes gares, les actions se sont multipliées ; mais elles ont concerné tantôt les vendeurs des guichets, tantôt les contrôleurs, tantôt les agents de conduite, sans conjonction de la résistance. Le 25 novembre dernier, la CGT, la CFDT, FO , SUD Rail, FGAAC avaient appelé à une journée de manifestation, mais… sans appel national à la grève (malgré quelques préavis locaux). Le prétexte officiel des dirigeants syndicaux était qu’il ne fallait pas empêcher les manifestants d’arriver à Paris ! Mais en quoi une simple manifestation sans grève peut-elle inquiéter la direction de la SNCF ? — Quelques jours plus tard, le 6 décembre, en gare de Lyon à Paris, une action des cheminots a eu lieu contre l’I-TGV : ce sont les grands cadres qui ont dû se transformer en agents d’accueil et en conducteurs du train ! Mais ce fut là encore une journée sans lendemain…

La remise en cause du droit de grève

Or ce refus d’organiser la résistance dont font preuve les directions syndicales est évidemment le corollaire des « négociations » dans lesquelles se sont engagées la plupart des centrales syndicales pour « l’amélioration du dialogue social », qui ont abouti le 28 octobre à l’accord dit pour « la prévention des conflits », signé non seulement par la CFDT, la CFTC, l’UNSA et la FGAAC (syndicat autonome des conducteurs de trains), mais aussi par la CGT (principal syndicat chez les cheminots, la Commission exécutive de la fédération a approuvé cette signature par 66 voix pour, et une seule contre, Thibault en personne, lui-même ancien cheminot, ayant mis tout son poids dans la balance). Cet accord a été salué aussi bien par Louis Gallois, le président de la SNCF (qui y a vu une « voie courageuse et porteuse d’une nouvelle dynamique ») que par le gouvernement (le ministre des Transports De Robien a loué en particulier « l’ouverture de la centrale » CGT et Raffarin s’est réjoui de voir que « le dialogue social se montre fertile »). Les représentants du pouvoir avaient en effet de quoi se féliciter, puisque le texte en question n’est rien de moins qu’une remise en cause du droit de grève. Celui-ci était déjà très encadré, puisqu’il fallait un préavis de cinq jours obligatoires déposé par les directions syndicales d’un établissement. Cette limite au droit de grève par le système du préavis avait d’ailleurs été instaurée en 1963 par De Gaulle, dans une période de lourdes défaites pour la classe ouvrière, telle que la défaite de la grande grève des mineurs. Mais désormais, avec l’accord pour la « prévention des conflits », qui parle de la « confiance entre la direction SNCF et les syndicats », les responsables syndicaux devront saisir par écrit la direction avant tout dépôt du préavis, sous prétexte d’ouvrir une procédure de « concertation » devant durer une période de trois à dix jours. En cas de non respect de cette procédure, des sanctions seront prises contre les grévistes. Il y a donc là une volonté manifeste d’empêcher les travailleurs de riposter immédiatement à une attaque patronale, de permettre la multiplication des pressions sur les cheminots hésitants et ainsi le pourrissement légal de toute décision de combat. Revendiquant sa capitulation, Thibault a déclaré dans France Soir le 10 novembre qu’il y avait là un changement « de la culture de l’entreprise : auparavant, il fallait en passer par la grève avant que des discussions sur les revendications puissent s’engager. Notre souhait est de parvenir à des accords similaires dans d’autres entreprises de transport en région. » En un mot, il s’agit bien d’émousser la conscience de classe des cheminots et leur forte tradition de combat, de les faire renoncer à la grève (sachant que le nombre de grèves a déjà baissé de manière constante et significative au cours des dernières années) et de les enchaîner dans la « culture » collaboratrice de la concertation.

L’argument avancé par la CGT pour justifier sa trahison sans combat est pourtant que la signature d’un tel accord évitera une loi sur le « service minimum » — et c’est pourquoi le journal L’Humanité du 28 octobre a eu le culot d’affirmer : « La CGT coupe l’herbe sous les pieds du gouverne­ment », comme si c’était le syndicat qui avait triomphé, alors qu’il s’est au contraire couché devant les exigences patronales et gouvernementales ! Or, cet argument est totalement fallacieux puisque le gouvernement a annoncé que des négociations sur le service minimum devraient s’engager début 2005. Il est d’ailleurs déjà envisagé, dans l’accord du 28 octobre, de mettre en place, en cas de grève, un « plan de transport » selon « l’ampleur prévisible du mouvement », ce qui est en fait un premier pas vers le fameux « service minimum » que la bourgeoisie exige. Et surtout, au moment même où l’accord était signé, le ministre des transports de Robien a déclaré très clairement : « Une première étape importante est franchie (mais) il y a encore du pain sur la planche et la question de la continuité du service public doit maintenant faire l’objet de discussions intenses entre les partenaires sociaux. » (Liaisons sociales, 29 octobre 2004.)

Le but recherché, affirment également les bureaucrates syndicaux, serait l’amélioration du transport des usagers : c’est ce qu’a déclaré expressément Didier Le Reste, secrétaire de la CGT- cheminots, dans la conférence de presse qu’il a donnée juste après avoir signé l’accord, pour justifier sa trahison. Ils emboîtent ainsi le pas à tous ces petits-bourgeois et médias aux ordres qui hurlent à la « prise d’otages » dès qu’une grève intervient. Appartient-il à des syndicalistes dignes de ce nom de rendre ainsi les travailleurs responsables des grèves, alors que celles-ci ont en fait évidemment pour cause les décisions du patronat, son besoin d’exploiter le plus possible les travailleurs, en détériorant leurs conditions de travail, et par là même les conditions de transport des usagers, pour accroître la productivité ?

D’ailleurs, si les travailleurs disposaient d’un vrai syndicat de combat, à la place des organisations collaboratrices que nous connais­sons, il y aurait peut-être moins de grèves, car on n’assisterait pas à des grèves éparses à répétition, sans lendemain et sans efficacité, mais à de vraies grèves, faites une bonne fois, pour gagner. Et, s’il y avait de véritables syndicats, ces vraies grèves seraient organisées par les travailleurs eux-mêmes, qui ne resteraient pas chez eux, comme les dirigeants syndicaux les y incitent aujourd’hui le plus souvent, pour éviter les assemblées générales nombreuses ; les grévistes pourraient ainsi s’adresser massivement, par tracts et discussions publiques, aux usagers — c’est-à-dire avant tout à d’autres travailleurs — pour leur expliquer patiemment les raisons de leur lutte et la relier politiquement aux combats à mener dans les autres secteurs pour défendre les services publics et tous les acquis ouvriers, et pour améliorer les conditions de travail et les salaires…

Dès lors, l’une des conditions majeures pour que les cheminots puissent affronter réellement la direction de la SNCF et le gouvernement, c’est l’exigence d’abrogation de l’accord du 28 octobre (2). Or cette revendication ne figure évidemment par dans l’appel à la grève et à la manifestation lancée par les directions syndicales CGT, FO, UNSA et FGAAC pour le 19 janvier, jour de la réunion du conseil d’administration de l’entreprise, qui doit notamment approuver le budget 2005 prévoyant, entre autres, la suppression de 3 590 postes. Même l’appel de SUD à une « grève illimitée » évite de parler de l’accord du 28 octobre. En revanche, la CFDT, qui s’est elle aussi ralliée à cette journée d’action, justifie sa décision… précisément par l’échec des négociations engagées en application de l’accord du 28 octobre ! Cette organisation avait, en effet, joué le jeu de cet accord en subordonnant son appel à la grève à sa demande de « concertation immédiate » avec la direction (cette réunion a eu lieu le 3 janvier, et Patric Gandrieau, de la CFDT-Cheminots, interviewé le 5 par l’Associated Press, s’est félicité que « l’application du nouvel accord se fait bien sur la forme » mais, voyez-vous, « sur le fond, les thèmes que nous avons soumis n’ont amené aucune réponse satisfaisante »…).

Le cas de l’Éducation nationale

La politique perverse des direc­tions syndicales atteint des sommets également à l’Éducation nationale. Dans ce secteur où les personnels ont une forte tradition de lutte et sont nombreux à être syndiqués, mais qui ont été les premières victimes de la défaite-trahison de mai-juin 2003 dont ils avaient été le fer de lance, le gouvernement estime pouvoir profiter de la démoralisation générale pour taper particulièrement fort. C’est ainsi que le budget 2005 prévoit des suppressions de postes massives, que Fillon peut annoncer tranquillement que l’école doit assurer des « gains de productivité » de 2 % par an et que, dans cet objectif, il a rendu public son « projet de loi d’orientation » (soumis au Conseil des ministres du 12 janvier), qui reprend les principes et une bonne partie des propositions du « rapport Thélot » (cf. le précédent numéro du CRI des travailleurs).

Or, face à cette offensive extrê­mement grave et brutale, que font les organisations syndicales ? Pendant tout l’automne, la FSU, fédération majoritaire à l’Éducation nationale, a refusé d’organiser les personnels et de préparer le combat, se livrant à une opération ridicule consistant à faire envoyer par les enseignants des « cartons rouges » au ministre Fillon… au moment même où les dirigeants du syndicat acceptaient de se rendre à toutes les convocations de Fillon, sous prétexte de négocier (« Je souhaite porter la réforme avec les syndicats (…), aller le plus loin possible ensemble dans la construction du projet de loi », avait déclaré le ministre le 21 octobre). Mais même après l’annonce du projet de loi Fillon (cf. ci-dessous l’analyse qu’en proposent les camarades du courant oppositionnel Front unique au sein de la FSU), la FSU n’a pas fondamenta­lement changé d’orientation. On a même assisté en direct, le 18 novembre, sur France 2, au moment où Fillon présentait pour la première fois sa réforme, à la collaboration du secrétaire général de la FSU avec le ministre : au lieu de profiter de l’occasion en or qui lui était offerte pour monter au créneau et appeler à la mobilisation générale pour faire échec à cette contre-réforme, Gérard Aschieri a adopté une posture plus que conciliante, se disant d’accord avec les « objectifs » de Fillon et allant jusqu’à lui faire des « propositions » ! Après lui avoir répondu sur un ton tout aussi courtois et accommodant, Fillon lui a même lancé en fin d’émission : « On se revoit lundi ! »

Après cette prestation scandaleuse du représentant de la FSU, le SNES a voulu faire croire le 7 décembre qu’il était en fait déterminé à combattre le projet de loi Fillon : il a donc convoqué les travailleurs de l’Éducation à une grève d’une journée. Non préparée, sans véritable travail d’explication du projet Fillon, sans objectif clair, cette grève fut évidemment un échec. Mais elle était manifestement destinée à justifier le refus d’un véritable combat contre le gouvernement (que voulez-vous, les personnels ne veulent pas se battre…) et à faire accepter en conséquence la « stratégie » de la collaboration (sous prétexte de tenir compte d’un rapport de forces peu favorable) (3).

Mais le refus des bureaucrates syndicaux d’affronter le gouvernement tout en faisant semblant de défendre les revendications s’est manifesté clairement quelques jours plus tard, le 16 décembre, lors de la réunion du Conseil supérieur de l’éducation (CSE), instance consultative du Ministère. D’un côté, le projet de loi Fillon a certes été rejeté très largement, par 39 voix sur 52, dont celles de la FSU, qui a dénoncé à juste titre « un vrai projet de régression » (seuls le MEDEF et la CFTC ont voté pour le projet, la CFDT et d’autres s’abstenant). Mais, d’un autre côté, ces mêmes élus syndicaux ont adopté (par 41 voix) le vœu que le ministre « reprenne son projet, ouvre de véritables négociations et se donne le temps nécessaire pour éviter un gâchis lourd de conséquences » (Le Monde, 18/12). Autrement dit, il s’agit bien de collaborer avec le gouvernement, et non de le combattre, même après la publication du projet de loi.

En même temps, la « mobilisation » des personnels est savamment organisée de sorte qu’elle puisse peser pour obtenir l’ouverture de négociations sur le projet de loi, mais qu’elle ne soit surtout pas trop unifiée et puissante, pour éviter un véritable affrontement avec Fillon. De multiples pétitions venant plus ou moins de la base ou des cadres syndicaux intermédiaires, parfois correctes dans leurs revendications, parfois fort contestables, ont ainsi été lancées discipline par discipline : celle des professeurs de sciences économiques et sociales, celle des professeurs d’EPS, celle visant à développer l’apprentissage des disciplines artistiques et de l’histoire de l’art à l’école, celle qui défend les langues anciennes… Par ailleurs, des journées d’actions partielles ou catégorielles ont été convoquées : le 5 janvier pour les lycées professionnels et techniques de Paris, où plusieurs sont menacés de fermeture ou de dislocation, celle des infirmières scolaires le 11 janvier, celle des professeurs de sciences économiques et sociales le 12, sans oublier le préavis de grève déposé par SUD pour la semaine du 10 au 15…

Mais où est la perspective d’ensemble ? Que proposent les fédérations, dont la responsabilité est de coordonner la colère des personnels et de la faire aboutir à une lutte d’ensemble contre le gouvernement ? Dans un communiqué commun du 21 décembre, signé par la plupart des fédérations de l’Éducation, on lit certes que « les mesures de carte scolaire, de suppressions de postes et de fermetures de classes résultant du budget 2005 sont d’une extrême gravité. Elles sont lourdes de conséquences pour les élèves et l’ensemble des personnels : réduction de l’offre d’enseignants, diminution des moyens de lutter contre l’échec scolaire, dégradation des conditions de travail et d’enseignement, précarité accrue. La diminution des recrutement compromet l’avenir. » On constate aussi la revendication d’un « rétablissement et (de) la progression du pouvoir d’achat » et d’un « plan d’urgence pour répondre aux besoins », ainsi qu’une condamnation du « transfert des personnels résultant de la loi de décentralisation » (loi dont l’abrogation n’est cependant pas exigée… sans doute parce que la majorité « de gauche » des conseils régionaux est en train de l’appliquer le doigt sur la couture du pantalon (4)). On note enfin que les fédérations « exigent l’abandon de ce projet de loi », qui « non seulement ne comporte aucune programmation de moyens nouveaux, mais prévoit de nouveaux redéploiements » et qui « tourne le dos aux objectifs qu’il affiche. Ses dispositions ne permettront pas de conduire tous les jeunes à la réussite scolaire, de réduire les inégalités et, pour certaines, elles dégraderont les conditions d’exercice de nos métiers. » Mais quelle perspective d’action découle de ces revendications qui sembleraient en elles-mêmes plutôt acceptables, reflétant la pression des personnels, notamment des syndiqués eux-mêmes ?

En fait, il apparaît bien vite que leur principal argument contre le projet Fillon est, une fois encore, qu’il « ignore les attentes exprimées lors de multiples débats, et l’ouverture d’une véritable négociation pour élaborer une loi ambitieuse pour l’avenir des jeunes ». Autrement dit, il s’agit clairement de s’inscrire dans la continuité du pseudo « grand débat sur l’école » qui a eu lieu l’an passé, et de faire en sorte que les syndicats soient associés à l’élaboration de la loi Fillon. C’est pourquoi la belle liste de revendica­tions, dont la simple lecture fait clairement apparaître à tout travailleur normalement constitué la nécessité d’un affrontement général avec le gouvernement si on veut réellement les faire aboutir, débouche finalement sur un appel dérisoire à une énième « journée de grève et de manifesta­tion », fixée au 20 janvier, dans le cadre de la journée d’action des fonctionnaires.

Combattre les bureaucrates, organiser les travailleurs

Quel que soit le secteur considéré, il ne faut donc nourrir aucune illusion à l’égard des dirigeants syndicaux : ils n’ont aucunement l’intention d’en découdre avec le gouvernement, il s’agit pour eux avant tout de faire croire qu’ils répondent à l’aspiration de leurs adhérents exaspérés par les conditions de travail et les contre-réformes, et de s’appuyer sur cette aspiration pour mieux faire passer leur politique de prétendues « négociations ». D’ailleurs, plus généralement, il faut bien que ces bureaucrates syndicaux fassent de temps en temps semblant de s’intéresser au sort des travailleurs, s’ils veulent pouvoir continuer à vivre sur leur dos en trahissant quotidien­nement leurs aspirations !

De ce point de vue, la responsabi­lité majeure des communistes révolutionnaires est de dénoncer cette politique cynique des dirigeants des syndicats et du PCF — sans oublier les directions des principales organisations d’extrême gauche qui, par leur passivité, voire leur complicité, jouent souvent le rôle de flancs-gardes. Corrélativement, il s’agit de soutenir et de s’allier aux militants et aux tendances qui, notamment dans les syndicats, sont engagés sur la voie de la résistance et de la lutte de classe, en leur proposant un combat commun dans l’objectif d’une véritable reprise de l’affrontement social et politique contre le patronat et le gouvernement. C’est sur cette orientation qu’il faut accorder la priorité à la réunion systématique des travailleurs syndiqués, et des autres salariés dès que c’est possible dans les entreprises et les établissements (assemblées générales) : seule la définition des revendications et des objectifs de lutte par les travailleurs eux-mêmes, seule la discussion politique faisant la clarté sur la situation et la politique des directions, seule l’auto-organisation, permettront d’aider les travailleurs — qu’ils décident ou non de participer aux grèves et manifestations convoquées par les syndicats — à progresser dans leur combativité et leur conscience de classe. Il n’y a pas d’autre méthode pour préparer le débordement du cadre piégé des « journées d’action » atomisées et sans perspectives, pour imposer l’arrêt des prétendues « négociations » et la rupture des dirigeants avec le gouvernement, pour préparer les conditions qui ouvriront la perspective de la grève générale, seule à même de vaincre le MEDEF et ses valets directs du gouvernement, de l’UMP et du PS.


1) Ils ne peuvent guère compter non plus sur l’extrême gauche : en ce qui concerne cette question des conditions de travail et des salaires, on lit par exemple à la « une » de Lutte ouvrière du 17 décembre 2004 : « Patrons et gouvernement veulent allonger les horaires. Qu’ils donnent donc du travail et un salaire correct aux chômeurs ! » Ce « mot d’ordre » est à la fois ridicule et dangereux. En effet, le chômage et les bas salaires sont inhérents au mode de production capitaliste, toute amélioration en ces domaines ne pouvant être que partielle et, le plus souvent, éphémère. Il est donc absurde de demander aux patrons et au gouvernement de mettre fin au chômage : c’est une « revendication » illusoire, et typiquement réformiste. Les communistes révolutionnaires ne doivent pas dire n’importe quoi aux travailleurs, mais leur expliquer au contraire que, par nature, ni le patronat, ni aucun gouvernement bourgeois, qu’il soit de droite ou de gauche, n’est capable de mettre fin au chômage, ou même simplement d’ « interdire les licenciements », fût-ce dans les seules « entreprises qui font du profit et licencient quand même », selon la formule fameuse, mais ridicule, de LO. Même une mobilisation puissante de la classe ouvrière ne suffirait pas à ce que de telles mesures soient prises, car elles sont antagoniques avec le mode de production capitaliste lui-même (contrairement à des augmentations salariales ou à de simples réformes comme la diminution du temps de travail, la Sécurité sociale ou les services publics). Par contre, ce type de mots d’ordre permettent d’éviter de poser la vraie question : celle du combat pour réunir les conditions qui seules permettront d’infliger une défaite politique au gouvernement.

2) Les directions syndicales et le PCF ayant une fois de plus trahi les travailleurs, on pouvait espérer que l’extrême gauche prenne une initiative politique commune, visant à rassembler les cheminots contre cet accord scélérat du 28 octobre et contre les bureaucrates. Pourtant, tel n’a pas été le cas. — Certes, le PT l’a dénoncé correctement, et ses militants ont engagé une campagne para-syndicale pour regrouper les cheminots contre cet accord, dans l’objectif officiel d’obtenir le retrait de la signature de la CGT. Cependant, dans les faits, le PT en tant que tel a choisi là encore de mener son combat tout seul dans son coin, avec ses sympathisants, et surtout de le conduire en pratique dans l’impasse de son orientation pour la défense de la République, sous prétexte de lutter contre l’Union européenne, présentée comme source de tous les maux et de la remise en cause du droit de grève en particulier ! Dès lors, le combat réel contre l’accord et les bureaucrates était voué à l’échec. — De son côté, LO a dénoncé elle aussi correctement l’accord et la signature de la CGT en particulier. Cependant, elle n’a proposé aucune initiative politique pour organiser la riposte des cheminots. La tribune de la minorité de LO, dans le journal Lutte ouvrière du 5 novembre, semble donner la raison de cette nouvelle manifestation de la passivité légendaire de LO : on y lit en effet que « bien des militants (…) veulent croire jusqu’à présent qu’ils bénéficient du soutien de leur appareil dirigeant lorsqu’ils veulent en découdre ; et s’ils n’y croient plus, ils risquent de baisser les bras. Là serait l’effet le plus néfaste de l’accord. » Faut-il en conclure que, même dans le cas d’une trahison aussi éhontée des bureaucrates syndicaux, il faut se contenter de les dénoncer verbalement, sans organiser le combat politique pour leur mise à la porte, sous prétexte de ne pas désespérer les travailleurs ? Tout au contraire, les communistes révolutionnaires ont pour tâche majeure d’aider les travailleurs à aller jusqu’au bout de leur prise de conscience, d’organiser pratiquement le combat contre les bureaucrates syndicaux, avec l’objectif affiché de leur démission forcée et de leur remplacement par des délégués ouvriers honnêtes et combatifs dès que c’est possible ! — Quant à la LCR, l’article de Rouge du 4 novembre qui rend compte de l’accord n’y voit qu’ « un accord ambigu » (c’est même son titre) et on y lit : « Fondamentalement, le contenu ne modifie pas substantiellement l’organisation des relations sociales dans l’entreprise. » Plus grave encore, l’article poursuit : « Si cet accord laisse sceptique tout militant cheminot, c’est que la plupart des accords actuellement signés et mis en œuvre ne sont pas respectés par la direction de la SNCF. » Autrement dit, pour la LCR, cet accord ne serait pas si grave, et ce qu’il faudrait finalement dénoncer et anticiper, ce serait sa non-application ! Après cela, l’article peut bien se conclure en préconisant « la construction d’une jonction entre les revendications des salariés des transports et celles des usagers pour la défense des services publics, pour la gratuité des transports » ; mais, sous l’apparence d’un propos « 100 % à gauche », une telle « analyse » de l’accord scélérat du 28 octobre est-elle autre chose, dans les faits, qu’une couverture sur la gauche des bureaucrates de la CGT ?

3) À l’exception des bureaucrates du SNES, il n’y a guère que leurs alliés de la LCR (animateurs de la tendance « École émancipée » qui co-dirigent la FSU et ses syndicats) qui aient eu le culot de parler d’un « test réussi » (titre de l’article consacré à cette grève dans Rouge du 16 novembre). L’ « argument » du journal de la LCR est que cette grève aurait été « plus suivie que celle du mois de mai » dernier (dont personne ne se souvient). Pas étonnant dès lors que, dans le courrier des lecteurs de Rouge du 23 décembre, un enseignant se dise scandalisé par cet article calqué sur l’orientation du SNES : « Je trouve lamentable, écrit-il, que Rouge se fasse le propagandiste du SNES et reprenne sans aucun esprit critique la prose de cette organisation. » Nous sommes bien d’accord !

4) Sur ce point, notons d’ailleurs que les dirigeants de la Fédération CGT des services publics ont osé voter, lors de la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le 27 octobre 2004, pour un décret gouvernemental instaurant une commission de suivi du transfert des personnels TOS (techniciens, ouvriers et de service) de l’Éducation nationale (cf. la lettre ouverte de syndicalistes oppositionnels dans Informations ouvrières n° 670 du 9 décembre 2004).


Le CRI des Travailleurs n°16     << Article précédent | Article suivant >>