Le CRI des Travailleurs
n°34
(novembre-décembre 2008)

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Brève ou communiqué du 9 août 2008

Solidarité avec les travailleurs et jeunes en lutte du Maghreb !
À bas les regimes d’oppression qui sévissent au Maghreb !
Front unique contre l’État impérialiste français qui les soutient !

Depuis le début de l’année, des événements d’une gravité exceptionnelle se multiplient dans les trois pays du Maghreb, portés notamment par les jeunes chômeurs et diplômés chômeurs, les étudiants, les syndicalistes... En Tunisie, au Maroc et en Algérie, ces mobilisations se heurtent à des gouvernements ultra-autoritaires et répressifs soutenus au premier chef par l’impérialisme français.

Tunisie : vers un nouveau mandat pour le dictateur Ben Ali, « ami de la France », sur fond de répression des mobilisations populaires

Ben Ali, soutenu par son parti, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), au pouvoir depuis plus vingt ans, « postule » pour un nouveau mandat. Il avait accédé à la tête de l’ancien protectorat français en octobre 1987 en faisant constater par des médecins l’incapacité à gouverner de son prédécesseur Habib Bourguiba. Gageons qu’il sera réélu, comme la dernière fois, en 2004, avec 94,4% des voix. Sa réélection en fera un quasi-président à vie, comme son prédécesseur Bourguiba qui s’était lui-même proclamé à un moment donné. En vertu du système politique en vigueur, 80% des sièges de députés sont réservés au RCD. Les 20% restants reviennent aux six partis d’opposition légaux.

Cet autocrate est « l’ami de la France » ou plutôt de tous ses Présidents de la République, de ses dirigeants, de ses industriels et de ses élites de droite comme de gauche. Il symbolise pour bon nombre le modernisme et le dialogue en terre d’Islam, mais les apparences sont souvent trompeuses. La Tunisie risque en fait, d’écoper à la fois de Ben Ali et de Ben Laden. Les prises d’otages de touristes se multiplient en effet dans le Sud tunisien et les droits les plus élémentaires sont bafoués.

Ce « grand ami de la France » a su pendant 20 ans habiller son pouvoir absolu des oripeaux lui permettant de « suborner » ceux qui ne demandaient qu’à l’être :

Ben Ali ne règne sur la Tunisie en maître de tous et de chacun, brisant par la répression, pourrissant par la corruption, truquant par la fraude, courbant par la peur, emprisonnant pour l’exemple. Sa « démocratie » depuis son accession au pouvoir connaît bon an mal an une bonne dizaine de procès politiques avec, à chaque fois, une fournée de militants politiques, syndicaux, démocratiques condamnés à des années de prison.

Mais les manifestations et grèves se multiplient depuis le début de l’année. Les « forces de l’ordre » sont débordées et le « charmant régime » de Ben Ali peine à ramener le calme.

Oubliée du « miracle » économique tunisien, la région minière du gouvernorat de Gafsa, dans le sud-ouest du pays, par exemple, se meurt à petit feu. Déjà délaissée du temps de Bourguiba, ce qui reste aujourd’hui de l’exploitation des phosphates ne suffit pas à nourrir les habitants, touchés par un taux de chômage record. Alors, si la Compagnie des Phosphates de Gafsa, la CPG, l’un des rares gros employeurs de la région, organise un concours pour recruter, c’est l’espoir au sein de la population.

Mais on ne se refait pas et le népotisme est une pratique bien ancrée au pays du jasmin ! Résultat : un vaste mouvement de grève et de manifestations sporadiques, sur fond de chômage et revendications sociales, a lieu pour dénoncer le chômage, le renchérissement du coût de la vie, la corruption et le clientélisme ; il touche principalement les trois villes minières de Redeyef, Oum Elaraïes et Métlaoui. Ouvriers, diplômés, chômeurs, lycéens et habitants : tout le monde s’y met, parfois à coups de pierres. Les manifestants ont même installé pendant un mois et demi des tentes pour bloquer la circulation des trains entre les carrières et les usines, gelant ainsi les activités de l’industrie du phosphate.

Encerclés et harcelés par la police et l’armée, les habitants se battent pacifiquement, au quotidien, pour l’emploi et le droit à une vie plus digne. Multipliant les manifestations, grèves et actions diverses, ils réclament l’ouverture de vraies négociations sur l’emploi et les conditions de vie... Ce mouvement démontre une organisation et une solidarité populaires fortes autour de revendications sociales, économiques et politiques structurées, et va à l’encontre des idées reçues sur l’absence d’opposition et la léthargie de la population. Le pouvoir tunisien y répond en emprisonnant et torturant massivement les jeunes, en arrêtant plusieurs dirigeants du mouvement de protestation, en les inculpant de délits graves, en conduisant des interrogatoires musclés. Il y a même eu des morts.

Dans un premier temps, les autorités tunisiennes, réputées pour avoir la matraque facile, se sont contentées d’adopter une stratégie d’encerclement des manifestants sans intervention massive. Objectif des autorités : éviter un embrasement de la région, ce qui en dit long sur les tensions qui y règnent. Puis, les bonnes vieilles habitudes répressives ont été reprises. Pour endiguer la contagion de protestation sociale, pour contenir le mécontentement, Ben Ali a lâché ses chiens de garde des « Brigades de l’ordre public, unités spécialisées dans la répression des troubles publics ». Une manifestation organisée dans les rues de Redeyef a violemment été dissoute et une trentaine de personnes auraient été arrêtées. Le lendemain, des responsables locaux de l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), ainsi que des leaders grévistes, ont été embastillés après avoir été passés à tabac par la police, toujours à Redeyef.

Le ministre de la Justice, justifiant les exactions des « forces de l’ordre », a précisé qu’elles étaient intervenues « conformément à la loi » pour neutraliser, empêcher toute menace à l’ordre public, précisant toute la détermination des autorités : « Nous ne tolèrerons aucun recours à la violence et refusons qu’un point de vue quelconque soit imposé à l’État par la force. » L’État policier n’a d’autres ressources que la répression et la violence.

Maroc : après les fausses promesses de Mohamed VI, retour des années de plomb

Le 30 mai dernier à Sidi Ifni, ville portuaire du Sud marocain d’environ 40 000 personnes, s’organisait de manière spontanée un sit-in à l’issue de la proclamation des résultats d’un recrutement public de quelques agents contractuels. Une centaine de « diplômés-chômeurs » laissés sur le carreau entendaient ainsi dénoncer l’absence totale de perspective de développement malgré les très nombreuses promesses des autorités.

Le 7 juin, après une semaine de blocage du port, 1300 membres de la Compagnie Mobile d’intervention débarquent dans la petite ville et se livrent à une véritable agression-répression : des viols, des vols, des tortures et des rafles sont commis lors de ces perquisitions dans les maisons de Sidi Ifni.

Pour protester, dès le lendemain de l’occupation de la ville, une marche pacifique composée essentiellement des femmes de Sidi Ifni est également violemment réprimée. Associated  Press (AP) et Al-Jazira, relayant le Centre marocain des droits humains (CMDH), font état de plusieurs morts.

La presse est bâillonnée : l’accréditation du directeur du bureau de la chaîne qatarie au Maroc est supprimée pour « diffusion de fausses nouvelles » dans le cadre de la couverture des événements de Sidi Ifni.

La Chambre des représentants décide de constituer une commission d’enquête mais ce contre-feu ne peut suffire pour endiguer la vague de protestation, de rébellion qui monte des quartiers, car il convient de ne pas être dupes au regard de toutes les commissions d’enquête qui se sont multipliées sous le pouvoir de Mohammed VI. En effet, aucune commission d’enquête n’a jamais constaté la moindre des violations graves des droits humains ou de simples fraudes, ni permis de déclencher la moindre action judiciaire.

Depuis des semaines, Sidi Ifni est en état de siège. Sidi Ifni n’est pas un cas isolé et témoigne de la propension de plus en plus avérée du régime marocain à réprimer une contestation sociale dont les principales revendications sont la fin de la corruption et le respect des droits politiques, sociaux et économiques les plus élémentaires. Les événements de Sidi Ifni illustrent à leur tour le niveau de dégradation de la situation sociale et des conditions de vie qui se manifestent dans tout le Maroc de manière croissante par des mouvements sociaux multiples revendiquant le respect des droits économiques et sociaux. La répression d’État qui leur est opposée témoigne d’une férocité qui tranche avec les « promesses démocratiques » de Mohammed VI, lui aussi « grand ami de la France » et de ses dirigeants de droite comme de gauche (cf. à ce sujet Le CRI des travailleurs n° 20, nov.-déc. 2005, http://groupecri.free.fr/article.php?id=18)

Algérie : révoltes et répression permanentes

Après les graves répressions politiques qu’a subies la Kabylie, les villes algériennes connaissent désormais régulièrement des révoltes incontrôlées, expressions de nouvelles formes de protestation dans un champ politique fermé. Il est difficile de discerner, après la flambée de violences d’Oran, si le discours officiel rassurant, les promesses vont être en capacité de calmer la volonté d’obtenir satisfaction sur les besoins vitaux économiques, démocratiques. Mais, privé de tout courant révolutionnaire, en l’absence de toute alternative, le soulèvement de cette jeunesse engluée dans la misère ressemble fortement aux révoltes de notre jeunesse dans nos quartiers populaires.

Assise sur sa rente pétrolière, l’un des plus grand pays exportateur de blé, 4e pays le plus riche d’Afrique, l’Algérie connaît l’une des crises des plus graves depuis 2001 et semble s’y installer dans la durée, avec tous les risques politiques et économiques, puisque le clanisme, le communautarisme, la corruption font des ravages dans une jeunesse en désarroi. La politique libérale de Bouteflika, adossée à ce pourrissement programmé, conduit donc l’Algérie vers une plus grande paupérisation, car elle est totalement dépendante du marché alimentaire mondial avec toutes les conséquences que cela engendre (augmentation drastique des produits de première nécessité). La majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté, car la relance économique n’est qu’un « mirage », malgré l’augmentation des réserves de changes et la diminution de la dette. Le chômage ronge le pays, engendrant des révoltes d’une rare violence tant la répression est féroce. Les libertés individuelles et collectives sont bafouées, les médias sont embrigadés ou interdits.

Face aux mobilisations des travailleurs et des jeunes, les régimes des trois pays du Maghreb durcissent leurs positions vis-à-vis des revendications sociales, s’appuyant sur une gestion par la torture et des exactions humiliantes, dans un contexte d’inflation des prix des biens et services de base et d’accélération du mouvement de vente au secteur privé des services et infrastructures publics. Les alliances euro-maghrébines pour le contrôle des flux migratoires prennent également une ampleur sans précédent, donnant le jour à une prolifération de véritables camps d’internement dont les principales victimes sont/seront les pauvres et les classes moyennes marginalisées.

Ces exemples illustrent :

C’est pourquoi les travailleurs et notamment les révolutionnaires du monde entier doivent soutenir sans réserve les luttes sociales et démocratiques des pays du Maghreb. Quant à la solidarité que les travailleurs de France peuvent leur apporter, elle consiste tout d’abord à