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Le CRI des Travailleurs n°9     << Article précédent | Article suivant >>

Comment l'appareil du PT lambertiste couvre l'appareil de FO
(Au sujet d'une réunion d'un syndicat national FO)

Militante du Groupe CRI et par ailleurs militante syndicale, notre camarade L. a pu participer, en tant que déléguée de sa section syndicale départementale, au Comité national du syndicat FO dont elle est membre (un syndicat national de la Fonction publique). Voici son témoignage.

« La direction de ce syndicat national étant assurée par les militants du PT (lambertistes), j’ai pu vérifier de mes propres yeux, très concrètement et de l’intérieur, à quel point ces derniers font tout leur possible pour couvrir Blondel et la direction confédérale de FO.

J’ai pris la parole en séance plénière, puis au sein de la commission préparatoire de la « résolution générale », pour dire aux membres de la direction du syndicat et aux délégués présents ce que j’explique depuis le mois de mai aux camarades de mes sections locale et départementale, à savoir que, en mai-juin, les travailleurs ont été trahis par les directions syndicales, qui toutes se sont refusées à appeler à la grève générale, aspiration des travailleurs en lutte et seule voie pour faire reculer le gouvernement et lui infliger une défaite majeure qui aurait pu ouvrir une nouvelle situation politique. Blondel, qui avait parlé de la perspective d’une grève générale à quelques occasions avant le début du mouvement de mai-juin, notamment le 1er mai au cours du meeting de FO qui avait précédé la manifestation, ne s’est plus prononcé pour la grève générale entre le début du mois de mai et… le 12 juin, c’est-à-dire pendant tout le mouvement ! Et, le 12 juin, au meeting de Marseille, il s’est contenté de s’adresser à Thibault et Aschieri pour leur demander d’appeler ensemble à la grève générale, alors qu’il savait que c’était trop tard, que Thibault avait annoncé l’avant-veille dans L’Humanité qu’il n’y appellerait décidément pas et qu’Aschieri avait choisi, prétextant un « recul » du gouvernement sur la décentralisation d’une partie des personnels non enseignants de l’Éducation nationale, de ne pas appeler à la grève pendant la période du baccalauréat et des examens, c’est-à-dire de briser la grève des enseignants. Il y avait là une belle manœuvre de la part de Blondel, qui savait bien que sa proposition ne mangeait pas de pain, mais qui pouvait toujours essayer de faire passer FO pour un syndicat représentant réellement les aspirations des grévistes et des travailleurs — et pour gagner si possible quelques cartes sans trop se mouiller. C’était d’autant plus hypocrite et scandaleux que Blondel s’était explicitement opposé à l’appel à la grève générale, notamment dans Le Monde du 27 mai 2003, le lendemain de la grande manifestation nationale à Paris : « J’ai utilisé à dessein, avait-il déclaré, les notions d’amplification, de généralisation, de coordination. mais j’ai quelques craintes à employer le terme de grève générale interprofessionnelle. Qu’on le veuille ou non, il renvoie à l’idée d’insurrection et bien sûr, à une lutte politique contre le gouvernement. Étant partisan de l’indépendance syndicale, je préfère rester prudent. » (Sur l’analyse de mai-juin et les responsabilités des syndicats, cf. Le Cri des travailleurs n°5-6).

On aurait donc pu penser que les lambertistes utiliseraient leurs positions nombreuses et importantes dans FO pour engager la bataille contre l’appareil et, par la suite, pour condamner la politique de Blondel en mai-juin. Or, il n’en a rien été, tout au contraire. Nous l’avions déjà montré dans ce journal pour ce qui concerne les événements de mai-juin. Cela m’a été confirmé au moment où, plusieurs mois après le mouvement, l’occasion de tirer le bilan s’est présentée dans mon syndicat national.

Les lambertistes refusent de condamner la politique de Blondel en mai-juin

Lors de ce Comité national, j’ai proposé d’intégrer dans la résolution générale le passage suivant : « Le mouvement social de mai-juin 2003 a représenté une mobilisation décisive contre le gouvernement Chirac-Raffarin et sa contre-réforme des retraites. Notre syndicat a pris toute sa place dans cette mobilisation. Cependant, ce mouvement a débouché sur une défaite. En effet, seule la grève générale pouvait permettre aux travailleurs d’obtenir la victoire. Or, les directions syndicales CGT, FSU, mais aussi FO, ont refusé, au cœur du mouvement, d’appeler à la grève générale. En particulier, le Comité national condamne le fait que la direction de la Confédération Force ouvrière, par la voix de son secrétaire général Marc Blondel, se soit refusée à appeler à la grève générale jusqu’au 12 juin, c’est-à-dire quand il était déjà trop tard. Il condamne la prise de position du secrétaire général parue notamment dans le journal Le Monde le 27 mai — donc au lendemain de la gigantesque manifestation nationale du 25 —, rejetant expressément le mot d’ordre de grève générale interprofessionnelle, au prétexte qu’il aurait été ‘insurrectionnel, voire politique’. Ce faisant, le secrétaire général de Force ouvrière a rendu objectivement le plus grand service au gouvernement pour faire passer sa contre-réforme. »

Ma proposition a été accueillie par une volée de bois vert orchestrée par les dirigeants lambertistes. Ils ont expliqué qu’on ne peut pas parler d’un « échec » du mouvement : les travailleurs qui se sont mobilisés pendant des semaines entières par la grève et la manifestation, et qui ont vu finalement le projet de loi contre lequel ils se battaient passer sans faire reculer d’un iota le gouvernement, apprécieront. Un dirigeant lambertiste a même ironisé : « Ce que Dieu a fait, Dieu peut le défaire », signifiant par là que la loi pouvait toujours être abrogée, c’est-à-dire minimisant la gravité de la victoire du gouvernement. Les lambertistes ont également poussé des cris d’orfraie en déclarant qu’il était « inacceptable » de mettre FO sur le même plan que la CGT et la FSU, puisque FO, pour sa part, avait selon eux « appelé » à la grève générale... certes le 12 juin, mais « mieux vaut tard que jamais » et « ce n’était pas trop tard ». Enfin, sortant l’argument bureaucratique par excellence, on m’a accusée de vouloir entraver la construction du syndicat avec une « résolution dénonciatoire »... C’est avec de tels arguments qu’on dit toujours « oui amen » à l’appareil, qu’on n’engage pas la lutte contre les bureaucrates syndicaux et qu’on se refuse à mener le combat pour que les adhérents se réapproprient leur syndicat !

Bien sûr, j’ai argumenté et défendu mon amendement. Malheureusement, les participants au Comité national ont préféré suivre la direction qui n’a pas ménagé ses efforts pour faire échec à ma proposition. Ainsi la commission chargée de préparer la résolution générale, à laquelle j’ai participé, l’a-t-elle rejetée par 21 voix contre, 2 pour et 2 abstentions. Cependant, la discussion n’en a pas moins eu un résultat non négligeable : un amendement opposé au mien, proposé par l’un des principaux dirigeants lambertistes du syndicat, disant carrément que FO avait « respecté son mandat » (sic !), n’a obtenu que 9 voix pour, 7 voix contre et 13 abstentions — résultat qui prouve que tous les participants, y compris certains lambertistes (qui se sont divisés sur cette question), n’étaient pas prêts à avaler une couleuvre aussi grosse, et qu’une discussion plus approfondie eût peut-être permis de mener plus loin le combat contre la direction. Enfin, en séance plénière, mon amendement a obtenu trois voix, 38 votant contre et 6 s’abstenant.

...et refusent d’exiger que FO cesse de collaborer aux contre-réformes du gouvernement

Lors de cette même réunion, je me suis également battue pour que mon syndicat exige que la confédération FO cesse de participer aux instances de concertation mises en place par le gouvernement pour préparer ses prochaines contre-réformes, notamment contre la Sécurité sociale, l’école, les services publics, etc. J’ai proposé d’ajouter le passage suivant à la résolution générale : « Comme sur la question des retraites l’an dernier, conformément au calendrier prévu par Maastricht, le gouvernement Chirac-Raffarin lance ‘grands débats nationaux’, tables rondes et autres réunions de concertation sur des questions aussi décisives que la Sécurité sociale ou l’école, tel le soi-disant Haut Conseil de réflexion sur l’avenir de la Sécurité sociale. Cela a pour seule et unique fonction de faire participer les représentants des organisations syndicales à la mise en œuvre de ces contre-réformes. Aussi le Comité national demande-t-il à la direction de la Confédération et à son secrétaire général de ne pas participer à l’élaboration de ces contre-réformes et par conséquent à boycotter les organismes destinés à les préparer et à les mettre en place. »

Réponse des dirigeants lambertistes : « Il faut laisser les mains libres au secrétariat général [de la confédération]. » L’amendement que l’un d’eux a proposé concluait donc sans trop se mouiller : « Aussi le Comité national demande-t-il à la direction de la Confédération de maintenir ses revendications. » Mon amendement a obtenu 6 voix sur 17 dans la commission chargée de préparer la résolution générale, et 7 voix en séance plénière.

En un mot, les lambertistes, nombreux et politiquement hégémoniques au sein de ce Comité national, ont été tous d’accord pour « dénoncer » les dirigeants des autres confédérations, mais ont entièrement couvert ceux de la leur, la seule belle, la seule vraie et, paraît-il, comme l’un d’entre eux n’a pas hésité à le dire naïvement, « la seule qui va jusqu’au bout »… Ils lui ont délivré un satisfecit aussi bien pour son passé (la trahison du mouvement de mai-juin) que pour son avenir (les trahisons en préparation au sein des réunions de concertation). Pour clore cette réunion, les lambertistes ont fait voter une résolution qui affirmait notamment : « FO à tous les niveaux a respecté [son] mandat » et qui préconisait que, pour l’avenir, « FO maintienne ses revendications »...

Voilà où mène l’opportunisme trade-unioniste du PT, la couverture de Blondel échangée contre quelques postes, en un mot l’intégration progressive des militants du PT dans l’appareil de FO. »


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