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Palestine-Israël : Le « Mur de la honte », un pas de plus dans l'occupation et la terreur sionistes


Auteur(s) :Laura Fonteyn
Date :15 novembre 2003
Mot(s)-clé(s) :international, Palestine, Israël
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Le « mur de la honte » que construit en ce moment l’État colonial, raciste et oppresseur d’Israël autour des Territoires « autonomes » palestiniens est la nouvelle avanie conçue pour voler toujours plus de terres aux Palestiniens, à coups d’assassinats, de destructions de maisons et d’arrachages de plantations. Mais aussi pour leur ôter, un peu davantage chaque jour, le sentiment d’être chez eux sur leur terre. Le but final semble se résumer en une phrase : que les Palestiniens s’en aillent ; soit qu’ils renoncent, épuisés, à défendre leurs terres et leurs droits, soit qu’on les « transfère » de force, soit que l’armée israélienne les liquide physiquement, comme c’est le cas chaque jour ou presque. On peut d’ailleurs penser que les récentes provocations d’Israël — ses menaces de chasser Arafat mort ou vif ; le raid lancé le 4 octobre sur le territoire syrien, etc. — constituent autant de pas effectués vers une guerre officiellement déclarée, pour en finir avec le « problème » palestinien, en fait avec le peuple palestinien.

Le mur est une humiliation supplémentaire infligée par un État surarmé et surprotégé par les impérialismes, américain bien sûr, mais aussi européens. Haut par endroits de huit mètres, fait de béton et de barbelés, s’étendant sur plus 500 kilomètres, sa construction est un moyen pour Israël de s’emparer de nouvelles terres palestiniennes, puisque son tracé annexe plusieurs kilomètres en Cisjordanie et au moins 36 puits d’eau, ressource absolument essentielle dans la région.

Le mur vient s’ajouter aux outrages du bouclage total qui, périodiquement — lors des fêtes juives notamment —, interdit à Gaza et à la Cisjordanie tout contact avec l’extérieur, et qui a pour effet de multiplier par plus de deux le nombre de chômeurs dans les Territoires. En dehors de ces périodes, le quotidien des Palestiniens reste une succession de brimades et de violences, et les Territoires constituent une prison où la population étouffe (1). La vie de tous les jours, dans ses moindres détails, dépend du bon vouloir d’Israël : il faut une autorisation administrative israélienne pour sortir des Territoires ; les quelques marchandises produites à Gaza et surtout en Cisjordanie (essentiellement des récoltes alimentaires, auxquelles s’ajoutent quelques produits textiles) font l’objet de tels contrôles et de rétentions par les soldats et douaniers israéliens qu’elles sont parfois périmées quand elles en sortent. On sait le passage humiliant que représente le franchissement d’un check point. Pour aller d’un village à l’autre, voire d’un quartier d’une même ville à un autre, il faut parfois prendre un bus, faire ensuite un kilomètre à pied, avant de reprendre un autre bus, subir interrogatoires et fouilles corporelles. Effectuer un trajet de vingt kilomètres peut ainsi durer de nombreuses heures, quand ce n’est pas plusieurs jours. Les personnes âgées ou malades ne peuvent souvent effectuer un tel parcours, même quand il signifie pour elles aller se soigner dans une clinique de l’autre côté du barrage.

Enfin, les colonies sionistes qui ne cessent de s’étendre coupent parfois les villages en deux, bloquent la communication des villes palestiniennes entre elles et entre la ville et son arrière-pays. Dans la bande de Gaza, les Palestiniens ne sont plus autorisés à emprunter la route du front de mer, à cause des colonies situées à proximité. Le réseau de routes de contournement construites exclusivement pour les colons israéliens contribue lui aussi à spolier les Palestiniens de leurs terres, volées et bitumées pour le confort de ces seuls colons. Israël exerce un contrôle sur toute l’activité palestinienne. L’armée israélienne interdit même les danses traditionnelles, telle la dabka, sous prétexte qu’elles supposent un regroupement.

Les intérêts de classe de la bourgeoisie palestinienne

Dans les prisons israéliennes, les militants palestiniens subissent les coups et la torture. Mais les geôles palestiniennes ne sont guère plus amènes pour les militants palestiniens emprisonnés. Dans les centres pénitentiaires d’Hébron ou de Jéricho, par exemple, les prisonniers sont battus eux aussi, parfois à mort ; des grenades lacrymogènes sont régulièrement lancées dans les cellules. Car l’Autorité palestinienne fait la police, au service direct d’Israël — en arrêtant et en emprisonnant des dizaines de militants — et pour servir ses propres intérêts de classe corrompue, clientéliste et autoritaire. Les services de sécurité palestiniens peuvent se révéler aussi redoutables que les troupes occupantes.

La clique de l’autocrate Arafat s’est enrichie au détriment du peuple palestinien et le train de vie des responsables de l’Autorité, financé par les monarchies du Golfe, est évidemment sans commune mesure avec les conditions d’existence des Palestiniens survivant vaille que vaille dans ces Territoires surpeuplés, quand ce n’est pas dans les camps de réfugiés, aisément comparables à des bidonvilles. Certaines grandes familles de la bourgeoisie d’affaires palestinienne assurent leur domination politique et économique sur la population. Israël soutient d’ailleurs de longue date ces « élites » traditionnelles qui relaient l’armée sioniste dans le maintien de l’ordre et la répression contre les militants de l’ « Intifada », pour la majorité issus des couches populaires (2). Une fraction de la bourgeoisie palestinienne est par ailleurs liée au pouvoir jordanien, et la dynastie hachémite verrait d’un bon œil l’annexion de la Cisjordanie à son royaume, comme elle le fit en 1949 (3).

La revendication des « deux États » : entre illusion et trahison

Dans ces conditions, la « solution » des deux États ne peut être, au mieux, qu’une illusion, au pire, qu’une trahison. Quelle viabilité, quelle souveraineté — hormis celle d’avoir son hymne national, son drapeau et ses timbres-poste — un État palestinien aurait-il en effet, véritable enclave entourée par les miradors israéliens ? Que proposent ceux qui jugent cette revendication « réaliste » ? De concéder aux Palestiniens à peine 20% des territoires de la Palestine historique ? De leur laisser deux bandes de terre, l’une, la Cisjordanie, d’à peine 100 km de large, l’autre, Gaza, de 20 km, frappées par la discontinuité géographique et placées à la merci de leurs puissants voisins ? Cette Palestine-là ne pourrait être par essence qu’un État en danger. Et tous ceux qui déplorent l’extension des colonies sionistes simplement parce qu’elles seraient « illégales », et qui réclament le retour aux frontières de 1967 au prétexte qu’elles sont reconnues par l’ONU et la « communauté internationale », jugent sans doute a contrario « légale » la spoliation de tout un peuple avant 1967 parce qu’elle a obtenu la grâce et l’appui de cette même ONU et de cette même « communauté internationale ».

Avancer cette revendication de « deux États », c’est interdire une fois pour toutes aux réfugiés chassés par centaines de milliers de leurs terres en 1948 et après le droit de retourner dans leur pays. C’est aussi taire la nature même de l’État israélien, fondé sur des critères raciaux et religieux, qui entretient la discrimination et l’apartheid, surexploitant et brimant ceux qui ne sont pas les « élus », ou qui ne sont que des demi-élus — que l’on songe aux Éthiopiens juifs transplantés en Israël et qui y vivent en serviteurs, aux immigrés de toutes nationalités, venus en particulier d’Europe de l’Est et de Russie, sans parler des Arabes israéliens maintenus dans une situation de citoyens de seconde zone. C’est enfin et surtout laisser les Palestiniens à leur propre sort, en les confinant dans leur État-bantoustan et en les coupant littéralement de la classe ouvrière d’Israël et des autres peuples de la région. De plus, c’est croire et faire croire que les revendications du peuple palestinien seront satisfaites par les bourgeoisies de la région, par Israël, mais aussi par les classes dirigeantes arabes, via le jeu diplomatique négocié entre les États. Or, Américains et Israéliens continuent d’imposer leur loi au gouvernement palestinien, avec la bénédiction de l’Union européenne : ils font et défont les premiers ministres, comme cela a été le cas avec Mahmoud Abbas, et pourchassent les militants : le 6 septembre, la France et l’Union européenne ont entériné la demande des États-Unis de reconnaître le Hamas comme une organisation terroriste contre laquelle la lutte doit être engagée par tous les moyens — c’est aussi au nom de la « lutte contre le terrorisme » menée par la coalition des pays impérialistes que ceux-ci ferment les yeux sur l’effroyable massacre du peuple tchétchène perpétré par l’armée de Poutine. Les États-Unis, pour infiltrer l’Autorité palestinienne, forment des officiers supérieurs palestiniens dans l’État de Virginie, implantent des agents de la CIA au sein des Territoires, décident des choix économiques palestiniens et israéliens dans leur volonté de s’y assurer des marchés (4).

Le Hamas, un parti au programme réactionnaire

Face à cette situation d’oppression, les partis islamistes, tels le Hamas et le Djihad islamique, qui envoient de jeunes Palestiniens désespérés tuer des civils israéliens dans des opérations suicidaires, sèment leurs illusions auprès d’une partie de la population palestinienne. Aujourd’hui, le Hamas, émanation politique des Frères musulmans et soutenu à l’origine par Israël afin d’affaiblir l’OLP, bénéficie d’une forte popularité, tant en raison des services d’aide sociale et de charité qu’il propose à la population que de la corruption et de la trahison des dirigeants palestiniens, par rapport auxquels il fait figure de seul parti nationaliste conséquent. Mais, s’il vise officiellement à « libérer » la Palestine par la destruction de l’État sioniste, le Hamas, parti nationaliste petit-bourgeois réactionnaire, n’a pour programme que de chasser les Juifs hors de Palestine et de soumettre la population arabe à un autre joug, celui de l’intégrisme religieux. Sa Palestine serait à nouveau définie en fonction de critères religieux, signifierait la persécution des Juifs, la poursuite de l’exploitation capitaliste et l’oppression de tous, à commencer par celle des femmes. Comme en Iran, une autre bourgeoisie imposerait sa loi réactionnaire au peuple. D’ores et déjà, un contrôle moral et social extrêmement pesant s’exerce sur la population par les islamistes et impose une islamisation des mœurs, surtout à Gaza où la population est totalement coupée du reste du monde en raison de l’occupation.

Pour une ligne révolutionnaire

Si donc la tâche des véritables militants révolutionnaires aujourd’hui n’est pas de revendiquer deux États et une « force d’interposition » de l’ONU, dont on connaît la responsabilité dans la création même de l’État sioniste et le rôle qu’elle joue dans les pays qu’elle occupe (5), il est clair qu’il est également impossible de compter sur le Hamas et le Djihad islamique pour libérer le peuple palestinien, mais qu’il faut au contraire combattre ces partis. Ici comme ailleurs, il n’y a qu’une solution : il faut construire un parti ouvrier révolutionnaire regroupant les travailleurs quelle que soit leur origine, luttant de front contre l’impérialisme et contre les bourgeoisies israélienne et arabes qui oppriment les peuples. C’est là la seule voie « réaliste », pour combattre à la fois en faveur du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même et pour le droit des travailleurs de toutes origines et de toutes religions à vivre sur le territoire de la Palestine. Et ce combat ne peut avoir comme objectif ultime que les États-Unis socialistes du Proche-Orient, qui seuls libèreront les peuples de la région des régimes racistes et dictatoriaux et de leur exploitation par la classe bourgeoise. Dans cette perspective, il est possible et nécessaire que les travailleurs d’Israël et des Territoires imposent le front unique des travailleurs et de leurs organisations ouvrières syndicales et politiques, qui doivent rompre les unes avec l’État sioniste, les autres avec l’Autorité palestinienne. Il faut que les travailleurs imposent aux dirigeants de leurs organisations le front unique ouvrier sur la base des mots d’ordre transitoires suivants, et qu’ils engagent le combat pour chasser tous les bureaucrates qui refusent de les mettre en avant :

• Halte à la construction du mur ! Démantèlement de toutes les colonies !

• Halte aux assassinats de militants et à toutes les opérations de terreur de l’armée israélienne contre les Palestiniens et leurs biens ! Retour des soldats à la maison !

• Liberté de circulation pour tous les Palestiniens !

• Libération de tous les militants politiques détenus en Israël et en Palestine !

• Égalité des droits sociaux et économiques sur tout le territoire de la Palestine historique ! Un seul Code du travail ! Une seule Sécurité sociale ! Conventions collectives identiques ! Une seule confédération syndicale !

• Rupture de toutes les organisations ouvrières en Israël avec l’État sioniste !

• Pour une seule République laïque et démocratique sur le territoire de toute la Palestine historique ! Pour la convocation d’une Assemblée constituante rassemblant les délégués de toute la Palestine historique, quelles que soient leur origine et leur religion !


1) À Gaza, la densité est de plus de 3 700 habitants au kilomètre carré.

2) Ainsi, lorsqu’un jeune militant du Fath, Mahmoud al-Jemayel, est mort sous les coups de ses geôliers palestiniens dans une prison de Naplouse, en 1996, une gigantesque manifestation contre l’Autorité palestinienne s’est-elle dirigée contre l’un des grands notables, le maire de la ville, Ghassan Shaka, qui a sans doute trempé dans ce meurtre. (Cf. Laetitia Bucaille, Générations Intifada, Paris, Hachette, 2002, p. 69.)

3) Après la guerre de 1948, les conventions d’armistice signées à Rhodes entre février et juillet 1949 permirent au roi Abdallah de Transjordanie — qui devint alors Jordanie —, d’annexer la Cisjordanie.

4) Marwan Bichara, « La succession de Yasser Arafat sous haute surveillance », in Alain Gresh et Didier Billion (dir.), Actualités de l’État palestinien, Paris, Complexe, 2000, p. 110.

5) Cf. les articles de Paul Lanvin dans le numéro 7 et dans le prochain numéro du Cri des travailleurs.


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