Le CRI des Travailleurs
n°23
(septembre-octobre 2006)

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Syndicalisme étudiant : le congrès de la Fédération Syndicale Étudiante discute le bilan du mouvement


Auteur(s) :Paul Lanvin
Date :15 septembre 2006
Mot(s)-clé(s) :étudiants, syndicalisme, FSE, CPE
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Lors de son congrès national de juin, la Fédération Syndicale étudiante (FSE), dont toutes les sections ont été à l’avant-garde de la grève générale étudiante contre le CPE, la loi sur l’égalité des chances et le CNE, a tiré un bilan mitigé de celui-ci et de son action en son sein.

Accord fondamental sur la trahison des principales directions syndicales

On a pu constater lors du congrès un accord général des sections pour refuser de caractériser le résultat du mouvement comme une victoire. Les militants de la FSE ont globalement bien conscience que la puissance de la mobilisation pouvait lui permettre d’obtenir bien plus que la suppression du CPE, d’ailleurs remplacé par une extension des dispositifs existants de contrats précaires pour les jeunes. À la question de savoir pourquoi on n’a pas obtenu plus, la réponse est claire : la FSE a considéré majoritairement que les direction syndicales (CGT, FO, FSU) avaient trahi le mouvement en refusant d’étendre les revendications, de préparer et d’appeler à la grève générale et en appliquant la tactique habituelle des journées d’actions dispersées. Les sections de la FSE ont pour la plupart dénoncé cette trahison pendant le mouvement lui-même.

Discussion sur la participation aux réunions des bureaucrates et la signature de leurs communiqués

C’est au sujet de la responsabilité de la FSE et de son rôle réel que des désaccords importants sont apparus. Le premier problème concerne l’attitude à adopter vis-à-vis des réunions nationales des organisations de jeunesse, qui ont orienté la mobilisation avec les directions syndicales, fixant les dates des journées d’actions et rédigeant des communiqués au nom du mouvement.

Au début, la FSE était représentée dans ces réunions, mais refusait de signer ces communiqués (à l’exception de l’un d’eux au début). Par la suite, lorsque la plupart des universités ont été en grève, et que ces communiqués refusaient toujours d’appeler à la grève et trahissaient sciemment la lutte, la FSE, sans l’avoir réellement décidé (les militants parisiens ont cessé de s’y rendre), n’a plus participé à ces réunions de bureaucrates. Or certaines sections ont pensé que cela n’était pas juste, et qu’il aurait fallu non seulement participer à ces réunions, mais également en signer les appels, sous prétexte que cela aurait donné une meilleure visibilité à la FSE, et parfois même une plus grande crédibilité face aux autres organisations. D’ailleurs, on a constaté que la question des médias, souvent posée pendant ce mouvement, est fétichisée par bien des militants (et par un certain nombre d’étudiants mobilisés). C’est ainsi que des actions « coups de poings » ont souvent été décidées sous prétexte d’attirer les journalistes, alors même qu’il arrivait très fréquemment que ceux-ci soient chassés des assemblées générales et surtout des coordinations nationales.

Cependant, pendant la discussion du congrès, d’autres sections ont considéré, à juste titre selon nous, que ces arguments concernant « visibilité » étaient trop opportunistes : si la FSE a tout intérêt à être visible et à pouvoir faire passer son message, il est évident que signer des appels en tous points contraires aux intérêts du mouvement ainsi qu’à la ligne du syndicat serait revenu à couvrir les appareils traîtres sur leur gauche et en réalité à changer de position. Il est impossible de combattre frontalement ces directions, d’appeler à manifester devant leurs sièges pour imposer nos revendications, de présenter des motions qui dénoncent explicitement leur attitude, et en même temps de signer avec elles les textes par lesquels elles mettent en œuvre leur politique trahison. De ce point de vue, le contre-modèle est fourni par les directions de Sud-Étudiants et des JCR. Celles-ci n’ont pas combattu réellement les bureaucrates, mais elles ont signé tous leurs appels communs. Peut-être estimaient-ils qu’ils pouvaient les tirer à gauche, peut-être étaient-ils justement en quête de reconnaissance, mais ce qui est sûr, c’est que leur rôle objectif, aussi bien dans les réunions au sommet qu’au sein des coordinations, a été la couverture sur la gauche des appareils (cf. nos articles de bilan du mouvement dans Le CRI des travailleurs n° 22).

Finalement, la discussion ne s’est pas conclue sur ce point, le congrès étant très partagé. Mais ce débat a révélé que les militants de la FSE ne sont pas convaincus que c’est la nature même des directions des organisations syndicales qui est en cause et non pas seulement leur attitude face à telle ou telle mobilisation. Il est donc nécessaire de continuer à expliquer que ces directions défendent en réalité le gouvernement et le système capitaliste lui-même. De fait, pendant le mouvement, plusieurs sections de la FSE ne sont pas allées jusqu’au bout du combat politique indispensable contre les directions syndicales.

Débat sur l’intervention de la FSE en tant que fédération nationale

Une autre question a été âprement débattue par les délégués : le fait que la FSE n’ait pas tenu de réunion nationale pendant la mobilisation. Selon nous, elle s’est ainsi privée d’une intervention coordonnée et donc efficace au sein même du mouvement contre les forces qui refusaient l’extension des revendications et l’appel à la grève générale. Or ces forces étaient pour leur part nombreuses et coordonnées (UNEF, PS et MJS, PCF et JC, couverts sur leur gauche par les JCR, LO et la Fraction de LO). De fait, La FSE a été isolée dans son combat contre les bureaucrates, pas autant présente que cela aurait été possible dans les coordinations nationales, ses sections ne sont pas assez battues pour que leurs militants soient élus en AG pour les représenter au niveau national, préférant souvent s’en tenir à un travail purement local. Et surtout, le manque d’homogénéité des motions présentées dans les AG, l’impréparation et le manque de compréhension du rôle réel des forces en présence ont terriblement handicapé la FSE dans son combat.

Or si le congrès a unanimement reconnu la nécessité de réunions nationales pour homogénéiser les positions et préparer un véritable lutte politique, toutes les sections ne sont pas convaincues de l’importance d’avoir des élus au niveau de la coordination nationale (et ce sont parfois les mêmes parfois que celles qui sont pour signer les appels des bureaucrates). C’est même la majorité des sections qui refuse qu’une réunion nationale de la FSE puisse se tenir sur le même lieu qu’une coordination nationale, sous prétexte de préserver l’indépendance de celle-ci… alors qu’il n’y a pas d’autre façon de réunir toutes les sections pendant un mouvement ! En maintenant une telle ligne formaliste, la FSE se priverait d’un moyen de coordination nécessaire pour combattre efficacement les bureaucrates.

Toutes les leçons n’ont donc pas été tirées du mouvement, toutes les erreurs comprises. La FSE doit se pencher encore sur son propre bilan, et comprendre que cela n’est pas une mince responsabilité que de se préparer au mieux pour la suite.


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