Derniers articles sur
le site du CILCA

Feed actuellement indisponible

Le CRI des Travailleurs n°18     << Article précédent | Article suivant >>

Palestine-Israël : Les politiques de Sharon et d'Abbas confirment l’échec du prétendu « processus de paix » imposé par l’impérialisme


Auteur(s) :Paul Lanvin, Nina Pradier
Date :15 mai 2005
Mot(s)-clé(s) :international, Palestine, Israël
Imprimer Version imprimable

Que signifie la décision israélienne de retirer les colons de Gaza ?

Pour répondre à cette question, il faut laisser la parole à Dov Weisglass, l’un des principaux conseillers d’Ariel Sharon et l’un des initiateurs du plan de désengagement de Gaza : « La signification de notre plan de désengagement, a-t-il déclaré, est le gel du processus de paix. Cela fournit le formol nécessaire pour qu’il n’y ait pas de processus politique avec les Palestiniens. » Dans cette interview accordée au quotidien israélien Haaretz, Dov Weisglass s’explique : « Quand vous gelez le processus, vous empêchez la création d’un État palestinien, vous évitez toute discussion sur les réfugiés, les frontières et Jérusalem (...). Effectivement, cet ensemble appelé État palestinien, avec tout ce que cela suppose, a été supprimé indéfiniment de notre calendrier. Et tout cela a été obtenu avec (...) une bénédiction présidentielle et la ratification par les deux chambres du Congrès [américain]. » De fait, George Bush et les représentants de la bourgeoisie ont apporté leur chaud soutien au plan Sharon-Weisglass de retrait de Gaza et à leur exigence que les frontières officielles d’Israël soient fixées largement au-delà de celles de 1967, contrairement à ce que prévoient les résolutions internationales, les accords d’Oslo et même la « feuille de route ».

Le retrait de Gaza — qui d’ailleurs est annoncé de longue date, mais sans cesse reporté — n’est donc rien d’autre, selon l’un de ses principaux auteurs lui-même, que le complément de la construction du fameux mur dit « de protection » en Cisjordanie : il ne s’agit en aucun cas d’avancer vers la construction d’un État palestinien, mais de réorganiser la sécurité de l’État d’Israël et de ses colons pour la rendre plus efficace, tout en donnant habilement du grain à moudre aux responsables de l’Autorité palestinienne qui, derrière Mahmoud Abbas, font croire que le « dialogue » est possible avec le bourreau Sharon. Pour sa part, ce dernier le reconnaît publiquement : « Nous avons amorcé le désengagement (...) afin d’améliorer la capacité d’Israël à défendre ses citoyens. » Pour l’État sioniste, le désengagement de Gaza et la construction du mur permettent surtout de concentrer les tâches de protection des colons et mettent fin à des opérations coûteuses en argent et en hommes. Face à cela, la promesse de libérer 900 prisonniers palestiniens, sur 8000 qui croupissent dans des conditions infâmes au fond des geôles sionistes, ne pèse pas lourd. D’autant moins qu’il s’agirait soit de prisonniers qui ont presque fini leur condamnation, soit de prisonniers administratifs, c’est-à-dire en fait détenus arbitrairement puisqu’ils ne sont ni accusés, ni condamnés (on en compte 1200 dans ce dernier cas).

Après l’échec avéré du « processus de paix », quelle solution ?

Le retrait des colons de la bande de Gaza n’améliorera donc pas beaucoup les conditions de vie des Palestiniens, par rapport au désastre économique et politique que constitue pour eux la construction du mur de Cisjordanie. Par contre, cette tactique du gouvernement Sharon — que soutiennent et auxquels participent les travaillistes — montre une nouvelle fois l’échec toujours plus évident du prétendu « processus de paix » initié par la conférence de Madrid en 1989 et formalisé par les accords d’Oslo en 1993. En ce sens, cette tactique a au moins le mérite de confirmer qu’aucune solution de la question palestinienne n’est possible dans le cadre de ce processus impulsé par l’impérialisme et cautionné par la direction palestinienne bourgeoise et capitulatrice de l’OLP.

En fait, la question palestinienne étant une question nationale, la seule solution légitime et donc efficace, passe par la reconnaissance du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, ce qui suppose tout particulièrement la reconnaissance du droit au retour pour les réfugiés parqués dans les camps au Liban, en Jordanie et ailleurs, depuis 1948 pour certains, après avoir été chassés de leur terre ancestrale par les colons israéliens, avec la complicité (ouverte ou cachée) des puissances impérialistes et de l’ONU (sans oublier l’URSS hier). La reconnaissance de ce droit au retour, première condition pour résoudre la question nationale palestinienne, n’implique en aucun cas le déni du droit des Juifs à continuer à vivre sur la terre de la Palestine historique, où ils vivent pour certains depuis des siècles, et où ils ont cru pour d’autres devoir s’installer pour se protéger des persécutions antisémites, après la Première Guerre mondiale, et du génocide hitlérien.

Par contre, la reconnaissance même de ce double droit des Arabes chassés de revenir en Palestine et des Juifs émigrés d’y rester, implique de trouver une solution politique originale, qui ne lèse aucun peuple et qui par conséquent organise la coexistence pacifique de tous en tant que citoyens, sur la base d’une égalité des droits strictement reconnue et respectée. Il n’y a pas d’autre solution à la question palestinienne, il n’y a pas d’autre alternative réaliste à la violence coloniale sioniste. C’est la seule solution aussi aux attentats de Palestiniens arabes désespérés qui y répondent.

Pour une République laïque et démocratique sur toute le territoire de la Palestine, point de départ de la révolution socialiste !

Cette solution passe par le démantèlement de l’État d’Israël en tant qu’État colonial raciste, et de l’ « Autorité palestinienne » en tant qu’institution collaboratrice qui a abandonné la revendication du droit au retour contre la vaine promesse de mettre en place un État palestinien sur quelques bouts de terre atomisés, véritable bantoustans entourés de barbelés et de miradors israéliens. À la place de ces institutions édifiées l’une et l’autre non par les peuples, mais par l’impérialisme (respectivement en 1948 et 1993), les peuples arabe et juif de Palestine devront prendre en mains eux-mêmes leur propre destin commun, en édifiant ensemble une République laïque sur tout le territoire de la Palestine historique, avec Jérusalem comme capitale, sur la base de l’égalité des droits entre les citoyens — notamment en reléguant la religion au rang de l’affaire privée qu’elle doit être. Quelle sera la forme de cette République ? Reposera-t-elle uniquement sur les individus citoyens, comme en France, ou reconnaîtra également dans sa Constitution des communautés culturelles et linguistiques, comme en Suisse ? Sur cette question comme sur les autres, il reviendra aux peuples de décider, dans le cadre d’une Assemblée constituante qui décidera de la forme de l’État.

Par contre, le contenu de classe de cette République ne fait aucun doute : ni la bourgeoisie coloniale et raciste d’Israël, ni les États impérialistes sans lesquels elle n’existerait pas (à commencer par les États-Unis), ni la bourgeoisie palestinienne, qui est socialement faible, politiquement veule et moralement corrompue, ne voudront s’engager dans un tel processus politique. C’est pourquoi la République palestinienne laïque et démocratique, respectueuse des droits individuels et collectifs de tous les citoyens juifs et arabes, ne pourra être édifiée que par le prolétariat avec ses deux composantes arabe et juive, en alliance avec les masses populaires arabes et juives, contre les bourgeoisies arabe et juive. Elle supposera donc une véritable révolution. Par là même, l’Assemblée constituante qui la mettre en place aura nécessairement un caractère de classe : elle constituera une rupture non seulement politique et idéologique, mais aussi économique et sociale, avec la bourgeoisie coloniale sioniste et la bourgeoisie arabe collaboratrice. Elle ne pourra être élue que sur la base de délégués ouvriers et populaires élus, mandatés et révocables. Elle ne manquera pas de mettre en avant des revendications sociales contre les patrons juifs et arabes, posant alors la question d’une alternative proprement socialiste. Il y aura ainsi nécessairement un processus de « révolution permanente », une transcroissance spontanée de la révolution démocratique en révolution socialiste menée par les travailleurs juifs et arabes.

Les communistes révolutionnaires arabes et juifs de Palestine, comme ceux de tous les pays, doivent se battre pour un tel programme politique. Ils doivent aider le prolétariat juif et les masses populaires à rompre avec le sionisme en tant qu’idéologie politique : c’est la condition pour qu’ils puissent vivre en paix avec les Arabes, tout en gardant leur propre culture, leur langue et leur religion pour ceux qui le souhaitent. Les communistes révolutionnaires doivent en même temps aider le prolétariat et les masses populaires à sortir de cette impasse que constitue le refuge, par rancœur légitime à l’égard de l’OLP et de l’Autorité palestinienne, mais aussi par désespoir, dans les bras de l’islamisme politique réactionnaire, voire dans les attentats contre des travailleurs juifs : cette rupture est la condition pour qu’ils puissent vivre en paix avec les Juifs, tout en gardant leur propre culture, leur langue et leur religion pour ceux qui le souhaitent.

Les tâches actuelles des communistes révolutionnaires

En Palestine, la tâche de l’heure, pour le prolétariat et les masses populaires, ne saurait se réduire à la lutte armée contre Israël. Les actions militaires des Arabes palestiniens contre les patrons juifs exploiteurs et contre les forces d’occupation israéliennes sont légitimes, mais peu efficaces à l’heure actuelle : elles doivent être limitées à l’autodéfense ponctuelle, car elles manquent du caractère de masse qui permettrait de les rendre systématiques. Quant aux attentats contre les travailleurs juifs, ils sont l’un des principaux fléaux que les travailleurs arabes doivent combattre dans leurs propres rangs, car ils aggravent la division des travailleurs juifs et arabes, et soudent les masses juives derrière le gouvernement sioniste, alors qu’il faut au contraire tout faire pour les faire rompre avec lui. C’est pourquoi, en Palestine, l’exigence du front unique ouvrier et du front unique anti-impérialiste contre l’État Israël passe par l’exigence et la condition sine qua non que toutes les forces susceptibles de s’allier rejettent le colonialisme et le sionisme, ainsi que la méthode des attentats contre les travailleurs juifs, qui en est le produit désespéré. Il faut notamment exiger publiquement des syndicats israéliens et leur imposer qu’ils rompent avec le sionisme, qu’ils reconnaissent les droits nationaux du peuple palestinien et qu’ils combattent leur propre État bourgeois et raciste, qui leur fait payer très cher la note de l’occupation coloniale et du militarisme. Et il faut exiger des organisations arabes petites-bourgeoises qui ont la confiance d’une partie des masses, comme le Hamas, qu’elles renoncent à cette méthode et qu’elles rompent avec tout antisémitisme. Cette tactique permet aux communistes révolutionnaires de lever les illusions en montrant pratiquement aux masses que, en réalité, ces forces ne sont pas celles qu’il leur faut pour combattre l’État d’Israël et la colonisation, pour imposer une véritable solution politique de la question palestinienne.

Le combat du prolétariat et des masses arabes et juives de Palestine doit être organisé selon l’axe de la lutte de classe, contre le patronat exploiteur, contre la bourgeoisie juive sioniste et la bourgeoisie arabe collaboratrice. C’est avant tout sur le terrain de la lutte de classe la plus résolue, par l’exigence des droits démocratiques et sociaux identiques pour tous, par les manifestations unitaires des travailleurs juifs et arabes, par leurs grèves sociales et politiques contre les mêmes patrons, par le sabotage tous ensemble de la colonisation et des interventions militaires et policières de l’État sioniste, que l’unité de tous les travailleurs de Palestine, quelle que soit leur origine ethnique, pourra se réaliser progressivement.

Ce combat du prolétariat et des masses juives et arabes de Palestine est indissociable du combat du prolétariat et des masses du monde entier, et notamment du reste du Moyen-Orient. L’union des forces ouvrières et anti-impérialistes du Moyen-Orient est une nécessité absolue : le prolétariat et les masses de Palestine ne pourront imposer tout seuls la solution de la question palestinienne, le démantèlement de l’État d’Israël et de l’Autorité palestinienne, l’édification d’une République palestinienne laïque, démocratique et socialiste. Du point de vue des communistes révolutionnaires, l’objectif historique qu’il faut affirmer haut et fort, notamment contre le projet de Bush d’un « grand Moyen-Orient » soumis à l’impérialisme et contre l’utopie désormais largement frelatée d’une « nation arabe » bourgeoise, est celui des États-Unis socialistes du Moyen-Orient. Dans chacun de ces pays soumis à l’impérialisme et où les masses sont privées des droits démocratiques les plus élémentaires, les revendications politiques et sociales immédiates se concentrent dans le mot d’ordre de l’Assemblée nationale populaire anti-impérialiste et constituante.


Le CRI des Travailleurs n°18     << Article précédent | Article suivant >>