Le CRI des Travailleurs
n°22
(printemps 2006)

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Un exemple édifiant : le refus des directions d'appeler à la grève générale contre la privatisation de GDF

L’une des meilleures preuves du refus des directions syndicales de combattre pour l’extension de la grève étudiante et lycéenne aux travailleurs, c’est leur refus d’utiliser l’occasion en or offerte par Villepin lorsqu’il a annoncé par surprise, quelques jours après le CPE, la privatisation de GDF sous prétexte de fusion avec Suez au nom du fameux « patriotisme économique ». Les fédérations des Mines et de l’Énergie sont particulièrement puissantes, notamment celle de la CGT majoritaire, avec un fort taux de syndicalisation, de solides traditions de lutte et un statut protecteur encore préservé quoique désormais ébréché par les « réformes » récentes. Dans cette situation, les directions fédérales et les confédérations avaient la possibilité d’engager une lutte résolue contre la privatisation, d’autant plus que le gouvernement leur avait promis par la loi en 2004 (pour les faire capituler et trahir la mobilisation) que l’État garderait 70 % du capital. À partir de ce bastion du salariat français, il était tout à fait envisageable de commencer à construire concrètement la convergence de la grève des travailleurs avec celle des jeunes scolarisés — tout en popularisant la lutte par la dénonciation des scandaleuses augmentations tarifaires pour les particuliers, au seul bénéfice des actionnaires.

Or, en pleine montée en puissance du mouvement de la jeunesse scolarisée, les fédérations se sont contentées de convoquer une « journée d’action » pour le 23 mars, soit plus d’un mois après l’annonce de la privatisation ! Parallèlement, elles ont continué les concertations avec le Ministre Breton : qu’y a-t-il à négocier puisque le gouvernement a déjà décidé et annoncé la privatisation intégrale ? On est proprement stupéfait à la lecture du volumineux document (particulièrement pénible à lire, étant donné son vocabulaire et son style archi-technocratiques) édité par la fédération CGT des mines et de l’énergie : « Pour la Cgt, la politique énergétique mérite un autre débat. Il faut prendre le temps de construire des propositions aptes, d’une part à renforcer le contrôle public sur l’énergie, d’autre part à assurer une pérennité du Groupe Suez. » La CGT est « favorable à la constitution d’un Pôle public de l’énergie, dont le noyau serait Edf-Gdf fusionnés, permettant des partenariats sur des projets industriels avec l’ensemble des acteurs dont Suez et Total. Le partenariat prévu à Fos entre Gdf et Suez, et celui de Suez dans le projet Epr montrent que de tels partenariats ne nécessitent pas la fusion des entreprises. » Autrement dit, la CGT ne revendique par la renationalisation, sous le contrôle des travailleurs, des usines et établissements de Suez, EDF et GDF en France (en lien avec le soutien à l’exigence de nationalisation des usines et établissements d’EDF, GDF et Suez à l’étranger, usines et établissements qui doivent revenir aux prolétariats et aux peuples qui les font tourner) ; la CGT demande seulement le « contrôle public » sur ces entreprises et la constitution de sociétés mixtes public-privé.

C’est cette ligne de capitulation idéologique et politique face aux privatisations et au capitalisme qui explique le refus de la CGT de mobiliser les gaziers, électriciens et salariés de Suez. Là encore, on ne saurait prétendre que ces travailleurs ne seraient pas prêts à combattre : Le Monde expliquait que « certains salariés de GDF refusent cependant d’attendre jusqu’au 23 mars pour déclencher l’épreuve de force. Les terminaux méthaniers de Montoire-de-Bretagne, en Loire-Atlantique, et Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, pourraient être touchés dès lundi 13 mars par des mouvements de grève d’ores et déjà votés en assemblée générale ». Les fédérations ont certes déposé des préavis pour couvrir ces initiatives de la base, mais elles ont refusé d’appeler à la grève générale du secteur, qui aurait pourtant pu être le point de départ de la convergence de la grève des salariés avec celle des étudiants et lycéens. Elles ont même refusé de s’appuyer sur la dynamique du 28 mars pour enclencher cette grève générale seule à même de stopper la privatisation. Puis, alors que les confédérations appelaient à une nouvelle « journée d’action » contre le CPE pour le 4 avril, les fédérations de l’énergie ont décidé d’appeler les gaziers de manière isolée pour… le 11 ! Leur prétexte était de ne pas mélanger les revendications ! En fait, la convergence des électriciens et gaziers avec les étudiants et lycéens pouvait être le point de départ d’une grève générale qui aurait permis d’obtenir en quelques jours à la fois le retrait du CPE, de la LEC, du CNE et du projet de privatisation intégrale de GDF, tout en ouvrant la voie du combat pour les autres revendications des travailleurs et des jeunes.


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