Le CRI des Travailleurs
n°22
(printemps 2006)

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Propositions du Groupe CRI pour continuer le combat en préparant la prochaine étape, pour la grève générale


Auteur(s) :Groupe CRI
Date :4 mai 2006
Mot(s)-clé(s) :CPE, France
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Il faut rassembler les étudiants, lycéens, travailleurs, militants et organisations ouvrières sur la base d’un ensemble de revendications cohérentes et conséquentes

Les jeunes qui ont été à l’avant-garde du mouvement constituent un point d’appui d’une importance cruciale pour faire progresser politiquement l’ensemble de la classe ouvrière et préparer ainsi le mieux possible la prochaine phase de l’affrontement avec le pouvoir. Étant donné l’important recul sur le CPE et l’affaiblissement considérable du gouvernement, cette prochaine phase pourrait arriver bientôt, car les jeunes et les travailleurs savent maintenant qu’ils peuvent le faire céder. De nouvelles luttes sont d’autant plus vraisemblables au cours des prochains mois que l’affaiblissement politique du gouvernement ne l’empêche nullement de poursuivre son chemin en annonçant et préparant de nouveaux coups : loi CESEDA de Sarkozy contre les immigrés et les droits des étrangers, privatisations de GDF et d’Aéroports de Paris, fermeture des services de chirurgie, nouvelles mesures contre les jeunes sous prétexte de lutter contre le chômage et la précarité qui les frappent, etc. Cette contradiction apparente entre la faiblesse sociale du gouvernement et son arrogance est due au fait qu’il se sait décidément protégé par les partis de gauche et les directions syndicales et Villepin n’a personnellement plus rien à perdre, puisque son discrédit va de toute façon, selon toute vraisemblance, l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle.

Les communistes révolutionnaires doivent donc se battre maintenant pour organiser les étudiants, les lycéens et les travailleurs les plus avancés. Il faut d’une part dresser le bilan du mouvement de février-avril 2006 (le Groupe CRI soumet à la discussion le présent bilan général du mouvement, le bilan de son intervention : tracts hebdomadaires et interventions dans les AG et à la Coordination nationale) ; il faut d’autre part se rassembler sur la base d’un programme de revendications cohérentes et conséquentes, qui seront capables de mobiliser ensemble à la fois les trois fractions de la jeunesse qui, depuis un an, se sont soulevées en ordre dispersé contre le gouvernement (les lycéens au printemps 2005, les jeunes de banlieue en novembre 2005, les étudiants et les lycéens au printemps 2006), et les différents secteurs de la classe ouvrière qui se sont mobilisés ces dernières années ou qui sont prêts à se mobiliser si c’est pour gagner. Un tel programme, corollaire au bilan des mouvements qui se sont produits depuis novembre-décembre 1995, et notamment depuis mai-juin 2003, permettrait de préparer politiquement la prochaine phase de montée vers la grève générale. Le Groupe CRI propose de se rassembler par exemple sur la base de dix revendications principales :

• Retrait de toute la loi dite « sur l’égalité des chances ».

• Retrait du CNE et interdiction de la précarité : suppression de toutes les lois de droite et « de gauche » qui l’ont instaurée depuis vingt-cinq ans, transformation de tous les contrats précaires en CDI ou postes de fonctionnaires selon les cas.

Abrogation des lois Fillon et Balladur sur les retraites : retour aux 37,5 annuités pour tous et aux 10 meilleures années, baisse de l’âge de la retraite.

• Baisse générale du temps de travail pour embaucher les chômeurs, sans perte de salaire, sans annualisation et sans flexibilité (contrairement aux lois Aubry).

• Arrêt des attaques contre les immigrés : arrêt des expulsions, régularisation des sans-papiers, retrait du projet de loi Sarkozy (CESEDA) et de toutes les lois anti-immigrés.

Retrait de la réforme Fillon contre l’école publique et de la réforme Lang des diplômes universitaires (LMD), ouverture des postes aux concours à hauteur des besoins (pour réaliser la revendication de 20 élèves par classe à l’école, au collège et en lycée professionnel, 25 au lycée).

• Retrait du projet de privatisation de GDF et de toutes les autres privatisations, renationalisation sous le contrôle des travailleurs, défense et développement des services publics utiles à la population (hôpitaux, écoles, poste, transports, etc.).

• Augmentation générale des bas et moyens salaires, le SMIC à 1500 euros, non au « salaire au mérite ».

Droit au logement : construction massive et obligatoire de logements sociaux, plafonnement

des loyers, réfection des logements insalubres et délabrés.

Bien évidemment, un tel programme ne pourra être imposé ni par un gouvernement de droite, ni par un gouvernement de « gauche plurielle » nouvelle mouture, quelles que soient ses frontières à gauche. Un tel programme ne pourra être imposé que par la grève générale, contre l’orientation des directions syndicales et des partis de la gauche gouvernementale, en aidant les travailleurs et les jeunes à affronter politiquement et sans concession ces appareils. En dernière analyse, la réalisation pleine et entière d’un tel programme pose la question de la révolution prolétarienne : il s’agit d’ « aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles et le programme de la révolution socialiste. Ce pont doit consister en un système de revendications transitoires, partant des conditions actuelles et de la conscience actuelle de larges couches de la classe ouvrière et conduisant invariablement à une seule et même conclusion : la conquête du pouvoir par le prolétariat » (Léon Trotsky, Programme de transition fondateur de la IVe Internationale, 1938).

Il faut construire l’organisation communiste révolutionnaire

Pour sa part, sans faire de son orientation un préalable à l’action commune pour la grève générale et contre les bureaucrates, le Groupe CRI estime qu’il faudra se battre dans l’objectif de rompre avec le capitalisme, donc pour un gouvernement des travailleurs, par les travailleurs et pour les travailleurs. Pour cela, comme pour préparer le plus efficacement possible le prochain mouvement qui remettra concrètement à l’ordre du jour la grève générale, il est nécessaire de construire une organisation communiste révolutionnaire internationaliste qui soit capable d’intervenir efficacement dans la lutte de classe, en ne sombrant ni dans l’opportunisme à l’égard des bureaucrates, ni dans le gauchisme qui préconise la désertion des organisations de masse et/ou refuse sous différents prétextes le patient travail de construction du parti. De ce point de vue, le combat politique contre les directions des principales organisations d’extrême gauche (LCR, LO et PT) est particulièrement important, car elles comptent à elles toutes plus de 15 000 militants, dont un grand nombre d’authentiques révolutionnaires. Or il y a une contradiction de plus en plus patente entre leurs discours et ambitions révolutionnaires officiels et leur soumission opportuniste réelle à l’égard des partis de la gauche de la gauche et/ou des bureaucrates syndicaux. Cette contradiction rend de plus en plus intenable le décalage entre la situation historique réelle ouverte par la chute du Mur de Berlin, puis le regain des luttes de classe depuis le milieu des années 1990, d’une part, et d’autre part l’incapacité des organisations d’extrême gauche à se développer de manière massive, faute de savoir prendre leurs responsabilités en impulsant la nécessaire reconstruction du mouvement ouvrier aujourd’hui en crise. Les étudiants, lycéens et travailleurs qui se sont radicalisés pendant le mouvement, les syndicalistes lutte de classe et les militants de ces organisations d’extrême gauche doivent donc ouvrir la discussion entre eux pour définir une stratégie de construction de l’organisation communiste révolutionnaire et les étapes de ce processus, qui sera nécessairement long, qui dépendra en dernière analyse des prochaines avancées de la lutte de classe, mais qui dépend aussi, dans l’immédiat, de la décision de tous les étudiants, lycéens et travailleurs qui franchiront individuellement le pas de l’engagement dans les rangs du marxisme révolutionnaire et du bolchevisme authentique.

Il faut développer une campagne de syndicalisation de masse corrélée au combat contre les bureaucrates à l’intérieur des syndicats

D’autre part, le Groupe CRI appelle tous ceux qui ont participé au mouvement à se syndiquer massivement, car la construction et le renforcement de syndicats de combat sont indispensables pour aider la jeunesse et les salariés à défendre leurs revendications et à reforger une conscience de classe élémentaire dans un cadre organisé. Chez les lycéens, un véritable syndicat reste entièrement à construire, l’UNL et la FIDL étant dans la plupart des endroits des coquilles vides animées par des bureaucrates en herbe liés au PS ; dans certains cas locaux où existent des sections regroupant un nombre significatif de lycéens, il peut cependant être utile d’y adhérer. Chez les étudiants, l’UNEF est avant tout une structure de bureaucrates, flanqués sur leur gauche de JCR opportunistes, sans véritable assise de masse dans la plupart des universités. C’est sans doute la FSE qui est le meilleur des syndicats de lutte, malgré sa faiblesse numérique, la tendance au « localisme » gauchisant de certaines de ses sections et les limites de son orientation au niveau national ; mais la construction d’un véritable syndicat étudiant de lutte de classe et de masse passera nécessairement par un processus de fusion de la FSE et d’autres syndicats de combat, tels qu’un certain nombre de sections de SUD-Étudiants, de la CNT-FAU, du CVSE ainsi que de syndicats locaux isolés tels que l’AGEN de Nanterre, etc. (cf. sur ce point nos articles dans les deux derniers numéros du CRI des travailleurs). Enfin, en ce qui concerne les travailleurs, il est indispensable de mener aujourd’hui une campagne particulière pour une syndicalisation massive, de préférence dans les syndicats de masse traditionnels du mouvement ouvrier, donc en priorité à la CGT et à la FSU, exceptionnellement à FO et à SUD selon les situations concrètes des professions, des entreprises ou des villes. Indissociablement, il faut combattre à l’intérieur des syndicats à la fois pour la démocratie ouvrière la plus ample et contre l’orientation des bureaucrates, voire pour les chasser dès que le rapport de force le permet. De ce point de vue, le Comité pour un courant intersyndical lutte de classe antibureaucratique (auquel participent activement les militants du Groupe CRI) a commencé depuis décembre 2005 un indispensable travail d’élaboration et d’organisation de militants syndicaux de lutte de classe, tout en luttant de manière systématique pour l’action commune avec d’autres regroupements de militants syndicaux lutte de classe (pour connaître l’activité et la méthode de ce Comité, cf. ci-dessous l’adresse aux délégués du 48e congrès de la CGT et le site Internet http://courantintersyndical.free.fr).

Il faut consolider les liens tissés entre individus et organisations en maintenant les AG et Coordinations nationales transformées en Comités unitaires de mobilisation et de préparation de la grève générale

Enfin, l’indispensable travail pour construire des organisations permanentes doit être complété, après le grand mouvement que nous venons de connaître dans ce pays, par l’ouverture d’un large débat sans préalables entre tous ceux qui y ont participé, qu’ils soient militants ou non. En effet, rien ne serait plus absurde que chacun retourne à ses petites affaires sans faire tout son possible pour poursuivre la discussion politique collective et l’action commune qui ont été menées pendant près de deux mois. Rien ne serait plus absurde que les AG et les Coordinations nationales, qui sont un acquis extrêmement précieux du mouvement malgré leurs faiblesses, cessent de se réunir. Et ce serait absurde que chaque organisation se contente de tirer profit pour elle seule de son intervention dans le mouvement (cela est bien normal, mais très insuffisant et politiquement faux si l’on s’en tient là). C’est pourquoi le Groupe CRI propose aux étudiants, lycéens, travailleurs, aux militants et organisations d’extrême gauche et aux syndicats de lutte qui ont réellement participé à la construction du mouvement, de consolider, au-delà des différences et des divergences, les relations nouées dans la lutte. Nous proposons tout particulièrement que les AG continuent de se tenir, notamment dans les universités, et de se coordonner au niveau national. Nous proposons qu’elles se structurent maintenant en une fédération nationale de Comités de mobilisation et de préparation de la grève générale. De tels Comités permettront en effet que, au-delà de leurs diverses sensibilités et de leurs organisations différentes, les militants lutte de classe et tous ceux qui ont participé au mouvement continuent de débattre politiquement et d’agir ensemble contre les attaques du gouvernement comme pour préparer l’avenir. Or l’objectif reste et doit rester la grève générale, seule capable d’inverser enfin de manière décisive le rapport de forces entre, d’une part, les étudiants, les lycéens, les jeunes révoltés des banlieues et les travailleurs et, d’autre part, la bourgeoisie, son État, ses gouvernements successifs, ses partis de droite et de gauche et ses bureaucrates syndicaux.


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