Le CRI des Travailleurs
n°25
(janvier-février 2007)

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Retrait pur et simple du projet de décrets de Robien ! (Déclaration du CILCA)

Des décrets datant de 1950 (un pour les agrégés et certifiés, un pour les professeurs de lycée professionnel (PLP)) définissent les obligations de service des enseignants. De Robien et le gouvernement veulent remettre en cause ces décrets pour accroître le temps de travail des enseignants, diminuer leur salaire, augmenter la polyvalence, casser la notion de poste et accroître la subordination des enseignants au chef d’établissement. Le ministre prévoit de présenter son projet devant le Comité Technique Paritaire le 11/12 ou 18/12 et de signer les textes dans la foulée. Parallèlement, à la rentrée 2006, des postes correspondant à 3 500 Équivalent Temps Plein (ETP) ont encore été supprimés. Les proviseurs mettent les bouchées doubles pour installer les « conseils pédagogiques » instaurés par la loi Fillon.

Mise en cause des notions de poste et de discipline

Les nouveaux décrets prévoient qu’un enseignant ne pouvant effectuer son service complet dans un seul établissement pourrait être contraint de le compléter dans deux autres sans limite géographique au sein de son académie. Une telle disposition accroît la flexibilité et revient à un allongement important du temps de travail, car le temps perdu en trajets et la fatigue occasionnée seraient bien supérieurs à la réduction des obligations de service prévue d’une heure (établissements dans des communes limitrophes) ou deux heures (communes non limitrophes).

Dans la même logique, le décret assouplit les conditions permettant à l’administration de contraindre un enseignant à effectuer une partie de son service dans une autre discipline que la sienne ; pour les titulaires remplaçants (TZR), cela pourrait même aller jusqu’à la totalité du service.

Le ministère veut imposer la bivalence comme la règle : les dispositions indiquées forceront les collègues à choisir entre un service éclaté entre plusieurs disciplines ou dans une discipline sur plusieurs établissements. Le ministère essaie de faire passer la pilule en faisant miroiter aux enseignants concernés qu’ils pourraient toucher une prime, selon des modalités fixées par arrêté. Mais, non intégrée au traitement, elle ne serait surtout pas automatique (« peut percevoir », art. 3, 5°). Quel serait son montant ? Qui déciderait de son attribution ?

Augmentation du temps de travail et baisse de salaire

Aujourd’hui, 70 % des professeurs de lycée bénéficient d’une réduction d’une heure de leurs obligations de service, soit parce qu’ils ont un travail particulier à effectuer en plus de leurs cours (heure de vaisselle en SVT, de laboratoire en physique-chimie, de cabinet en histoire, de laboratoire de langue, d’Union Nationale du Sport Scolaire,..), soit parce qu’ils bénéficient d’une heure de première chaire (classes à examen) ou de pondération (heures de cours données en sections de techniciens supérieurs ou en classes préparatoires). Les projets de décrets Robien prévoient de supprimer de fait les heures de vaisselle, laboratoire et cabinet, et de modifier le mode de calcul pour l’heure de première chaire, ce qui revient de fait à la supprimer à moyen terme. Aujourd’hui, pour bénéficier d’une heure de première chaire, il faut effectuer 6 heures d’enseignement dans des classes à examen (les heures données à des classes ayant même programme, même nombre d’heures et même coefficient n’étant prises en compte qu’une fois). Or le décret prévoit de ne plus comptabiliser pour son attribution que les heures effectuées dans les disciplines donnant lieu à un examen à la fin de l’année, au lieu de toutes les disciplines enseignées dans les classes à examen. Par exemple, les heures de mathématiques données en première sont actuellement prises en compte pour le calcul des heures donnant droit à une heure de première chaire, car la classe de première est une classe à examen (épreuves anticipées du bac) ; si les nouveaux décrets passent, elles ne le seraient plus, car les mathématiques elles-mêmes ne sont pas soumis à examen à la fin de la première. Enfin, les décrets actuels allongent l’obligation de service des collègues enseignant plus de 8 heures dans des « classes » ayant un effectif inférieur à 20 élèves. Le projet Robien remplace de façon ambiguë la notion de « classe » par celle de « division » : cela vise-t-il les demi-groupes (langue, TP, etc.) ? Si c’était le cas, cela reviendrait à allonger d’une heure les services des collègues de SVT, de physique-chimie et de langues.

Une heure supplémentaire d’enseignement devant les élèves représente une hausse du temps de travail réel bien supérieure à une heure (préparation des cours, correction de copies, conseils de classe, etc.). Cela représenterait pour tous les enseignants une hausse des obligations de service, donc une baisse du salaire horaire. Dès la première année (2007), le ministère espère diviser au moins par deux le nombre de professeurs de lycée bénéficiant d’une heure de première chaire, c’est-à-dire passer de 70 % à 35 %. De plus, si l’on tient compte des projets de réduction massive des horaires d’enseignement et de la flexibilité accrue (mise en cause du poste réel et bivalence généralisée), cela signifie concrètement que la plupart des enseignants vont perdre cette heure de première chaire à moyen terme.

Les décrets visent aussi à faire des économies sur le dos des enseignants en réduisant drastiquement le nombre d’HSA (Heures Supplémentaires Année), soit une perte de salaire significative pour nombre de collègues, qui essaient de compenser l’insuffisance de leur traitement en travaillant plus. En effet, il y a des HSA à effectuer essentiellement parce que les heures de cours à donner et les services des enseignants d’un établissement ne concordent pas tout à fait. Or la flexibilité accrue (mise en cause du poste réel et bivalence généralisée) réduirait cet écart à presque rien.

Enfin, ces dispositions impliquent une réduction encore accrue des recrutements, déjà terriblement diminués les années précédentes, avec une hausse du chômage à la clé.

Que vise la suppression de la définition des services exclusivement en heures d’enseignement ?

Ce deuxième aspect du projet de décrets de Robien est presque passé inaperçu. C’est pourtant une réforme structurelle d’une extrême gravité, qui remet profondément en cause à la fois le statut et les conditions de travail des enseignants. Les obligations de service des enseignants ne seraient plus exclusivement définies en heures d’enseignement, mais incluraient des « actions de formation et d’éducation autres que l’enseignement » (art. 10). Il s’agirait premièrement de « l’encadrement d’activités pédagogiques particulières au bénéfice des élèves de l’établissement ou d’un réseau d’établissements ». Si le Ministre voulait rémunérer l’organisation de voyages scolaires, il lui faudrait d’abord revenir sur les nouvelles dispositions qui suppriment la prise en charge du voyage des enseignants accompagnateurs ; s’il voulait rémunérer l’organisation de sorties scolaires, il n’aurait qu’à débloquer les HSE (Heures Supplémentaires Effectives) nécessaires et relever leur montant ; il en va de même pour l’organisation d’heures de soutien. Le projet prévoit de plus des actions de « formation et (d’)accompagnement des enseignants ». Si Robien voulait mettre en place un tutorat des néo-titulaires par des enseignants plus expérimentés et le payer, il n’aurait qu’à étendre la définition des cas donnant droit à des décharges de service au lieu de les réduire ! Le projet parle enfin de « coordination d’une discipline ou d’un champ disciplinaire, d’un niveau d’enseignement, ou d’activités éducatives au titre d’un établissement ou d’un réseau d’établissements » (à mettre en relation avec le « conseil pédagogique »). Là encore, il suffirait d’étendre les possibilités de décharges et de débloquer des HSE. Bref, il n’y a aucun motif valable pour remettre en cause la définition des obligations de service en maxima horaires d’enseignement. Quel est donc en réalité l’objectif poursuivi ?

Cette mesure vise à faire un pas décisif vers l’attribution d’une autorité pédagogique au chef d’établissement et vers la création d’une hiérarchie entre les enseignants, avec d’un côté quelques petits chefs, déchargés d’une partie de leurs tâches d’enseignement, et de l’autre les collègues ayant des journées de travail toujours plus longues. Ce n’est pas simplement l’objectif explicitement exposé dans les rapports récemment commandés par le Ministre (cf. ci-dessous), mais c’est aussi la fonction du « conseil pédagogique ». La loi Fillon instaurant le « conseil pédagogique » prévoit qu’il soit présidé par le chef d’établissement, ce qui est de fait lui donner autorité en matière pédagogique et donc porter atteinte à la liberté pédagogique des enseignants. Ce conseil a d’ores et déjà compétence pour « coordonner les enseignements, la notation et l’évaluation des activités scolaires » (art. L421-5 du Code de l’Éducation).

Par ailleurs, le texte ne précise pas la manière dont ces heures seront comptabilisées (renvoyant ce point à un arrêté), ni jusqu’où s’étendra la définition de « actions de formation et d’éducation autres que l’enseignement ». D’une part, le ministère, une fois le principe adopté, calculera de façon ridicule le temps réel passé à ces tâches et y fera rentrer progressivement des tâches qui donnaient jusqu’alors droit à une rémunération supplémentaire (professeur principal, etc). D’autre part, il en profitera pour imposer aux enseignants des missions ayant peu de rapport avec l’enseignement d’une discipline, comme des actions en partenariat avec des collectivités territoriales ou des entreprises (étant donné la conception très large qu’ont de l’enseignement les ministres depuis Allègre). Les enseignants ne peuvent en aucun cas accepter de mettre le doigt dans cet engrenage dont Ségolène Royal a osé formuler tout haut (alors que bien d’autres y pensent tout bas) l’objectif final : des enseignants obligés de rester 35 heures dans leurs établissements pour faire gratuitement des heures d’aides individualisées, de la surveillance d’heures d’étude actuellement confiée à des surveillants, etc. Le projet de décret précise que « les actions prévues à l’article 10 sont confiées à l’enseignant par les autorités académiques ou le chef d’établissement dans des conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l’éducation » (article 11). Certes, l’article 10 précise qu’il faut « l’accord de l’enseignant concerné » ; mais c’est là une concession de pure forme : les collègues récalcitrants se verront confier les pires services (classes les plus difficiles, horaires éclatés, service sur plusieurs établissements, etc.).

La feuille de route du gouvernement :
le rapport sur la grille horaire des enseignements au collège et au lycée

Le décret de Robien n’est que la pointe la plus avancée d’une offensive générale contre le statut des enseignants. Dans la ligne des réformes Allègre et Fillon, le gouvernement s’apprête à engager une attaque plus générale contre l’enseignement public. À la lecture des rapports commandés par de Robien sur « la grille horaire des enseignements au collège » (disponible sur http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/bib_res/182.pdf) et « la grille horaire des enseignements au lycée général et technologique » (établi par Pierre Lepetit, inspecteur général des finances, Alain Dulot, inspecteur général de l’administration de l’Éducation Nationale et de la Recherche, et Daniel Charbonnier, Inspecteur général de l’Éducation Nationale, octobre 2006, en ligne sur http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/bib_res/184.pdf), on se rend compte qu’il s’agit d’une offensive d’ensemble de destruction de l’enseignement public. Ici, nous analysons le rapport consacré au lycée ; le rapport sur le collège arrive bien entendu à des conclusions tout à fait semblables.

L’objectif : économies sur le dos des élèves, autonomie accrue des établissements, destruction du caractère national de l’enseignement

Les rapporteurs avaient reçu pour mission de proposer des moyens de faire des économies budgétaires et de renforcer l’autonomie pédagogique des établissements. Les experts zélés ont trouvé comment supprimer 35 000 Équivalents Temps Plein. Une telle politique ne peut conduire qu’à une dégradation accrue de l’enseignement public et à l’accroissement des inégalités entre les enfants des classes populaires et ceux de la bourgeoisie. C’est pourquoi le rapport précise qu’il faudra à tout prix masquer l’objectif réel des réformes pour les faire avaler tant aux parents qu’aux enseignants : « Cette réflexion devra attacher une importance toute particulière à l’impact de la réforme sur les conditions du métier enseignant et éviter que le pilotage par les objectifs et les résultats soit perçu uniquement sous l’angle de l’efficacité et des injonctions adressées aux agents pour les amener à cette efficacité et non sous l’angle du projet et de la liberté qu’il donne. » (P. 5.)

Les rapporteurs constatent que le coût annuel d’un élève est supérieur de 30 % à la moyenne des pays de l’OCDE. Ils affirment également que les horaires des lycéens (calculés en additionnant les heures de cours et les heures supposées de travail personnel) seraient trop lourds, supérieurs de 20 % à 30 % à la moyenne des pays de l’OCDE. Ils fixent donc l’objectif d’une diminution massive des horaires d’enseignement. D’un côté, ils dressent une liste des mesures à prendre dès la rentrée 2007. Néanmoins, d’un autre côté, ils soulignent qu’« une réduction significative des horaires ne pourra être obtenue sans une réforme d’ensemble de l’organisation des enseignements et du pilotage du système éducatif ».

Les mesures proposées : tir groupé contre les intérêts des élèves et des enseignants

Voici une liste non exhaustive des ingénieuses trouvailles des rapporteurs pour faire des économies sur le dos des élèves dès la rentrée 2007 :

• Plafonnement de l’horaire annuel des élèves : 900 heures annuelles en 2nde, 950 en 1ère et terminale générale, 1100 en 1ère et terminale technologiques ; cela impliquera logiquement une nouvelle réduction drastique des programmes,

• Suppression des « dédoublements systématiques » ;

• Nouvelle réforme des baccalauréats technologiques « simplifiant les spécialités actuelles et allégeant la charge horaires des enseignements » ;

• Limitation des redoublements à 2 % par niveau, interdiction du redoublement en seconde, etc. Loin de considérations pédagogiques, il s’agit simplement pour le gouvernement de faire des économies.

• « Suppression des groupes inférieurs à 15 élèves en langue », ce qui signerait un arrêt de mort pour la plupart des langues, sauf l’anglais et l’espagnol dans les conditions actuelles ; mais le rapport propose de bouleverser encore plus profondément les structures de l’enseignement en organisant les enseignements de langue non par classes, mais par cycle, voire entre cycles, avec des adaptations variables dans chaque établissement. Une telle contre-réforme irait bien au-delà de l’enseignement des langues : elle remettrait en cause la structure du système d’enseignement en attaquant l’existence de classes, de filières et de programmes nationaux.

• Le baccalauréat est dénoncé comme un obstacle à l’autonomie pédagogique réelle des établissements (p. 8) ; si les auteurs n’en recommandent pas explicitement la suppression, à cause du caractère explosif d’une telle mesure, comme l’avait montré le puissant mouvement lycéen de 2005, on comprend qu’elle s’inscrit dans leur logique.

Et voici une liste, elle aussi non exhaustive, de mesures préconisées contre les enseignants :

• Subordination des enseignants aux chefs d’établissement via le « conseil pédagogique » : remise en cause de la liberté pédagogique : les rapporteurs jugent que les « deux chaînes distinctes — la « chaîne fonctionnelle pédagogique » et la « chaîne hiérarchique » — empêchent un véritable management et favorise les surenchères » (p. 24). Ils préconisent donc que les enseignants soient davantage soumis à l’autorité des chefs d’établissement (et éventuellement à d’autres collègues nommés par ce dernier au sein du conseil pédagogique), y compris d’un point de vue pédagogique : « L’autorité proprement pédagogique du proviseur n’est guère reconnue et la "liberté pédagogique" de l’enseignant est fréquemment opposée aux équipes de direction soucieuses de porter une réforme des organisations et des pratiques. Cette autorité reste à conforter. Le chef d’établissement, en particulier, doit pouvoir s’appuyer sur le conseil pédagogique instauré par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école. Présidée par lui, cette instance "a pour mission de favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation et l’évaluation des activités scolaires". Or, elle tarde à se mettre en place. » (pp. 25-26).

• Suppression des horaires nationaux par discipline, annualisation des services des enseignants et définition locale des services. Le rapport recommande également de remplacer la définition nationale des horaires dans chaque discipline par la fixation de minima horaires, en laissant la répartition des 15 % à 20 % restants à répartir localement selon les choix pédagogiques du chef d’établissement, présidant le conseil pédagogique. Le rapport préconise en outre de « supprimer l’obligation réglementaire de service hebdomadaire des professeurs pour abroger les grilles horaires hebdomadaires des élèves » au profit d’un « référentiel national », autrement dit l’annualisation du temps de travail des enseignants.

• « Pilotage par les moyens » : le rapport recommande de substituer le « pilotage par les moyens » à l’affectation relativement égalitaire de moyens en fonction de critères nationaux. Dans un cadre déréglementé, ce sera un instrument pour contraindre les établissements à appliquer les directives ministérielles et les enseignants à obéir au proviseur le doigt sur la couture du pantalon. En effet, d’un côté, seuls les projets des rectorats et des établissements conformes aux vœux ministériels recevront des crédits ; de l’autre, les collègues seront enfermés dans le projet pédagogique de l’établissement, fixé par le conseil pédagogique. L’autonomie croissante des établissements sera donc synonyme d’inégalités accrues entre les élèves selon leur origine sociale et de remise en cause profonde de la liberté pédagogique des enseignants. C’est là un mécanisme tout à fait comparable à celui mis en place dans la réforme « LMD » à l’université.

• Allongement de l’année scolaire à 36 semaines ; cela signifierait pour les enseignants une réduction des congés sans la moindre compensation salariale.

Préparer la grève nationale des enseignants pour faire échec au décret de Robien et à tout le projet gouvernemental contre l’enseignement public

Cette offensive contre l’enseignement est liée à celle qui est menée contre l’ensemble des salariés par le patronat et le gouvernement. Les attaques contre le statut et les conditions de travail des enseignants sont indissociables de celles contre la qualité de l’enseignement public, donc contre les élèves des classes populaires. Face à la dégradation de l’enseignement public, les riches pourront toujours payer des cours particuliers à leurs enfants ou les inscrire dans des établissements privés. Les salariés ne peuvent se défendre efficacement s’ils se laissent artificiellement opposer entre professeurs et parents d’élèves.

Que fait la direction du SNES ?

Face à cette offensive très grave, la direction du SNES-FSU, principal syndicat de l’enseignement secondaire, se borne à un service minimum. Sur le fond, elle s’oppose surtout à la partie du décret qui concerne la hausse des horaires et la dégradation des conditions de travail. Dans l’US n° 643 du 28/10, le texte sur le projet de réforme des décrets de 1950 ne dit même pas un mot des gravissimes articles 10 et 11 (suppression de la définition des services en maxima hebdomadaires d’heures d’enseignement). Cette orientation, fausse sur le fond, a en outre pour conséquence de diviser les différentes catégories d’enseignants, puisque les professeurs de collège et de lycée professionnels (PLP) ne sont guère concernés directement par les décharges réduisant de maxima hebdomadaires d’horaires d’enseignement (heure de première chaire, etc). Pour ce qui concerne l’action, la direction du SNES, organise comme à son habitude plus ou moins mollement des réunions d’information dans les établissements, fait signer une pétition, prévoit le 29/11 « une « journée nationale d’expression sur le temps de travail » et parle d’une première manifestation nationale le samedi 20 janvier (alors que Robien va signer les textes mi-décembre !). C’est évidemment très insuffisant pour espérer organiser une riposte capable de faire céder le gouvernement.

Que faut-il faire ?

Les syndicats ne doivent participer à aucune concertation avec le gouvernement, car celle-ci ne peut avoir d’autre but que de casser les acquis. Ils doivent au contraire préparer activement le combat contre ce projet de décret, contre toute remise en cause des décrets de 1950, contre l’ensemble de cette politique de casse de l’enseignement, donc contre le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy. Il est plus qu’urgent d’organiser partout des réunions pour expliquer précisément l’ensemble des attaques, mais également proposer de rédiger des plates-formes incluant les autres revendications légitimes des enseignants (réduction du temps de travail, hausse du traitement, etc), car c’est la condition pour enclencher un mouvement d’ensemble.

Mais il faut aussi mettre à l’ordre du jour la discussion sur les moyens de gagner. L’expérience montre que les simples « journées d’action » dispersées sont inefficaces et démobilisatrices : elles ne créent pas un rapport de forces suffisant pour faire céder le ministre et leur échec démoralise les collègues sur la possibilité de gagner par la lutte. De même, les grèves décidées localement, établissement par établissement, sont inefficaces pour obtenir le retrait d’une contre-réforme nationale, car les collègues partis les premiers sont épuisés et financièrement à bout quand les autres les rejoignent : la constitution de syndicats nationaux a précisément pour but de permettre la mobilisation de tous le salariés d’une profession en même temps, à l’appel de leurs directions. Enfin, une mobilisation nationale est aussi le seul moyen d’échapper au dilemme entre faire réellement grève en renonçant à faire cours même dans ses classes à examen et faire cours dans ces classes en renonçant à son droit à se défendre contre les attaques du gouvernement.

Seule la grève nationale des enseignants jusqu’au retrait peut permettre de gagner. Les étudiants ont montré au printemps dernier que la façon d’infliger des défaites à ce gouvernement, c’est d’être fermes sur les revendications et radicaux quant aux méthodes. C’est par une grève nationale, avec occupation des universités et construction d’une coordination nationale reposant sur les délégués élus et mandatés dans chaque établissement, qu’ils ont pu obtenir une victoire partielle, malgré le maintien par les directions des confédérations de la tactique suicidaire des journées d’action. C’est cette perspective que les enseignants doivent se fixer, contrairement à ce qui a été fait en 2003.

•  Retrait pur et simple du projet de décret de Robien, défense des décrets de 1950 !

• Abandon intégral des rapport sur les grilles horaires au lycée et au collège !

Abrogation de la loi Fillon !

• Maintien de la définition des obligations de service exclusivement en maxima hebdomadaires d’heures d’enseignement !

• Diminution des maxima hebdomadaires de 3 h pour les PLP, de 2 h pour les certifiés, d’1h pour les agrégés !

• Extension des réductions des obligations de service à d’autres situations (effectifs élevés, établissements difficiles, néo-titulaires, etc.) !

• Maintien de toutes les heures de cours pour les élèves !

• Titularisation des précaires et création de tous les postes nécessaires à un enseignement public de qualité !

• Hausse réelle des salaires !

Il faut proposer partout aux collègues de s’adresser aux directions académiques et nationales des syndicats pour qu’elles reprennent ces positions. Il faut lutter pour imposer à tous les niveaux l’unité des organisations syndicales sur cette orientation, dont la première étape pourrait être une MANIFESTATION NATIONALE AU MINISTÈRE MI-DÉCEMBRE !

25 novembre 2006


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