Derniers articles sur
le site du CILCA

Feed actuellement indisponible

Le CRI des Travailleurs n°29     << Article précédent | Article suivant >>

Une puissante grève nationale étudiante a commencé !


Auteur(s) :Paul Lanvin
Date :20 novembre 2007
Mot(s)-clé(s) :étudiants
Imprimer Version imprimable

Dix-huit mois après la mobilisation contre la loi sur l’égalité des chances (LEC), avec la grève nationale étudiante semi-victorieuse contre le CPE, c’est reparti ! Depuis la semaine du 18 octobre, les Assemblées Générales dans les universités ont regroupé des centaines, puis des milliers d’étudiants. Au 19 novembre, la grève avec piquets s’étend à plus d’une quarantaine de centres universitaires. Les cortèges des manifestations des 8, 14 et 16 novembre ont rassemblé des milliers d’étudiants. Les actions reprennent, comme les blocages de route ou de gare, qui démontrent une volonté de jonction avec les travailleurs…

Depuis les premières rencontres inter-organisationnelles du mois de septembre (cf. le dernier numéro du CRI des travailleurs), un Collectif contre la LRU est né. Ce Collectif rassemble Sud-Étudiant, la FSE, la Tuud de l’UNEF, l’AGEC (Association Générale des Étudiants de Clermont), Émancipation tendance intersyndicale, la tendance Pour un Syndicalisme de Lutte du SNASUB-FSU, l’UEC les JCR, le Groupe CRI… Le rôle de ce Collectif a été important pour permettre d’appeler dans le plus d’universités possibles à la mobilisation ; il a appelé à rejoindre les travailleurs dans la rue à chacune de leur journée de mobilisation ; il a mis d’emblée les principales revendications en avant et a annoncé l’objectif immédiat de la grève. Il a également montré son utilité pour la première coordination nationale universitaire, qui a réuni des délégués de 21 universités dès les 27-28 octobre. C’est à l’appel de l’ AG de Toulouse-le-Mirail qu’elle s’est réunie, le Collectif contribuant à relayer plus largement cet appel.

Une nouvelle fois, les forces syndicales et politiques de lutte montrent qu’elles contribuent au mouvement d’une manière décisive malgré leur faiblesse et leurs divisions. En particulier, le plan de mobilisation volontariste décidé au congrès et au CN de la FSE a été efficace, de même que l’essentiel de sa ligne politique : extension des revendications, jonction avec les travailleurs et mise en avant immédiate de la question de la grève et des piquets de grève. La présence sur le terrain de la FSE a elle aussi été importante : toutes les universités ou elle est implantée ont été parmi les premières en grève. Enfin, la FSE s’est battue pour que la Coordination nationale se tienne le plus tôt possible, car la centralisation auto-organisée de la lutte est un facteur décisif pour son renforcement.

Maintenant que la Coordination nationale s’est dotée de porte-paroles, il s’agit, pour les organisations de lutte, de tout faire pour la mettre en avant, avec ses représentants légitimes. C’est une nécessité pour favoriser l’auto-organisation des étudiants et donc le progrès de leur conscience politique. C’est aussi nécessaire parce que la Coordination a été d’emblée plus avancée que bien des membres du Collectif contre la LRU : ses appels avancent les revendications et les moyens d’actions les meilleurs à mettre en œuvre dans ce mouvement. En revanche, l’UEC, par exemple, s’est prononcée contre l’appel de la coordination de Rennes à bloquer les gares avec les cheminots, non pour des raisons tactiques, mais par refus d’œuvrer concrètement à la convergence des luttes. Or, par ses relais médiatiques et la légitimité que lui confère sa participation au collectif, l’UEC est apparue bien plus souvent que les porte-paroles de la coordination et les organisations qui soutenaient l’appel de Rennes. Plus grave encore, suivant en cela l’orientation politique des directions du PC et de la CGT, l’UEC est tentée de mettre en avant ses « propositions » pour l’université — ce qui pourrait préparer une ligne de « négociation », sur les pas de l’UNEF.

Il s’agit de combattre maintenant au sein des Assemblées générales et donc de la Coordination nationale contre ces tentatives de détournement ou d’appropriation du mouvement par des organisations qui refusent de combattre jusqu’au bout pour les revendications, pour la jonction avec les autres secteurs, vers la grève interprofessionnelle. L’expérience du mouvement de 2006, la situation marquée par la combativité d’un certain nombre de secteurs, ont rendu ce mouvement possible. Les étudiants mobilisés en sont souvent conscients et le montrent dans leurs plates-formes de revendications.

Bien sûr, rien n’est gagné : le gouvernement est fort, même s’il tire l’essentiel de sa force du refus délibéré de toutes les directions syndicales de l’affronter. C’est ainsi que l’intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche, après avoir appelé à l’abrogation de la LRU en juillet, n’a pas mis cette revendication en avant pendant tout les mois de septembre et d’octobre, sous prétexte que cela ne faisait pas consensus avec l’UNEF qui s’était prononcée pour la « réforme ». Les directions des principales organisations, la FSU et la CGT, dans la recherche, chez les enseignants et chez les personnels, n’ont rien fait pour construire la mobilisation, ni au niveau national, ni le plus souvent au niveau local. Quant à l’UNEF, après que Bruno Julliard, son président, a ridiculement avoué que Sarkozy lui avait promis des efforts sur le budget s’il l’aidait à faire passer la loi Pécresse (Libération du 19/10/07), elle essaie aujourd’hui de se raccrocher au mouvement : ses militants votent pour l’abrogation de la loi dans les AG et même parfois ici ou là pour les piquets de grève. Mais dans beaucoup de grosses AG, ils sont sans influence, le mouvement étant parti absolument sans eux. L’UNEF reste bien sûr un obstacle sur la voie de la mobilisation, mais sa capacité de nuisance se concentre cependant avant tout, pour le moment, dans son omniprésence médiatique dès qu’il est question des étudiants. Ce n’est pas à négliger, car la masse des étudiants non mobilisés, qui ne vont pas encore aux Assemblées Générales, sont évidemment bien plus sensibles à son discours.

Les communistes révolutionnaires doivent s’efforcer de contribuer à la victoire de ce mouvement. Pour cela, il est nécessaire de faire encore progresser la conscience de l’avant-garde en montrant les aspects généraux et politiques du mouvement : il faut insister encore sur la nécessité du mouvement d’ensemble et de la construction de la grève générale. Dans les AG étudiantes, il faut proposer des délégations massives auprès des AG de cheminots, d’agents de la RATP et d’EDF-GDF. Les grèves ne peuvent s’étendre à d’autres secteurs que si les premiers en grève agissent comme l’avant-garde d’un mouvement d’ensemble, mettant en avant des revendications qui permettent aux autres secteurs de les rejoindre. Il faut aussi patiemment argumenter auprès des étudiants les plus radicalisés qui, dans leur désir de construire vite un mouvement décisif, tendent à ne pas accorder assez d’attention et à consacrer assez d’efforts à convaincre les indécis de la nécessité du mouvement, voire tentent plutôt le coup de force.

De plus, il faut bien sûr combattre les manœuvres des directions des universités qui veulent mettre en place des référendums pour briser la grève. Il est nécessaire de rappeler que seules les AG permettent un vote démocratique, car elles seules permettent à chacun, à travers le débat précis, de se forger sa propre opinion en échappant à la pression des médias et de l’opinion publique qui expriment toujours les intérêts de la classe dominante. De ce point de vue, il faut, à l’image des étudiants d’Aix-Marseille, se saisir de la bourde de Pécresse invitant les étudiants à aller en AG pour faire valoir leur avis : elle a ainsi elle-même légitimé les AG !

Enfin, il est toujours nécessaire d’expliquer sans relâche le rôle des bureaucraties syndicales : les étudiants doivent comprendre qu’elles ont un pouvoir sur la mobilisation et qu’il faut faire pression sur elles, en les dénonçant, en les interpellant à la fois par le biais d’appels, mais aussi de délégations massives aux sièges des syndicats. En même temps, il faut expliquer la nécessité de s’organiser, de se syndiquer, en s’appuyant sur l’efficacité dont ont fait preuve les organisations de lutte et en particulier la FSE.


Le CRI des Travailleurs n°29     << Article précédent | Article suivant >>