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Le CRI des Travailleurs n°29     << Article précédent | Article suivant >>

Non au traité européen !
Pour lui faire échec, il faut vaincre Sarkozy par la lutte !


Auteur(s) :Quôc-Tê Phan
Date :20 novembre 2007
Mot(s)-clé(s) :Union-européenne
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Le projet de « mini-traité » européen élaboré par Sarkozy a été adopté le 19 octobre dernier au sommet de Lisbonne. Ce projet est à présent soumis à un processus de ratification dans chacun des pays membres de l’Union Européenne (UE).

Évidemment, à la suite des « non » français et néerlandais au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen (TCE) au printemps 2005, quelques changements cosmétiques ont été apportés pour justifier de ramener le sujet sur la table. Ainsi, le terme de « Constitution », l’hymne, la devise et la fête annuelle de l’UE ne figurent pas dans le nouveau traité. En revanche, les dispositifs qui comptent réellement pour les bourgeoisies européennes sont soit maintenus tels quels (par exemple les « avancées institutionnelles »), soit conservés sous forme de références aux anciens traités qui restent en vigueur (par exemple la partie qui fixe les politiques et le fonctionnement de l’UE concernant marché intérieur, la concurrence, l’agriculture, l’Union monétaire, la coopération judiciaire et policière, etc.) La référence aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe » est également conservée, ainsi que l’expression « concurrence libre et non faussée », qui disparaît des objectifs de l’Union mais réapparaît sous une forme détournée dans un protocole annexe.

Qui de mieux pour juger de la véritable portée des changements entre le nouveau traité et le TCE que Valéry Giscard d’Estaing (VGE), ancien président français et fin connaisseur de la « construction européenne » capitaliste (il est en effet le « père » du défunt projet de TCE) ? Celui-ci affirme très sincèrement que « [les rédacteurs du projet de « mini-traité »] sont partis du texte du traité constitutionnel, dont ils ont fait éclater les éléments, un par un, en les renvoyant, par voie d’amendements aux deux traités existants de Rome (1957) et de Maastricht (1992) » (1). Ainsi, toujours selon VGE, « les réponses apportées aux adversaires du TCE [...] représentent davantage des satisfactions de politesse que des modifications substantielles ».

Dès lors, il est clair que, du point de vue des travailleurs, ce nouveau traité doit être dénoncé et combattu tout aussi fermement que la copie originale, le TCE. En effet, les « avancées institutionnelles » contenues dans les deux versions du traité sont un pas en avant décisif sur la voie de la constitution de l’UE comme entité juridique et politique autonome. L’UE se verrait ainsi dotée d’un véritable gouvernement européen, souverain dans de nombreux domaines, à commencer par l’économique et le social. Le but est donc, pour les bourgeoisies européennes, de disposer d’une arme politique et juridique redoutable, à la fois pour mener leur lutte de classe contre les travailleurs européens et pour faire valoir leurs intérêts collectifs dans le cadre de la concurrence capitaliste internationale (2).

Dans ce contexte, il n’était donc pas étonnant que le PS se précipite pour dire « oui » à ce nouveau traité, confirmant ainsi une nouvelle fois sa nature de parti purement et simplement bourgeois (3).

Attentisme et illusions démocratiques des partis ouvriers

Du côté des organisations ouvrières, LO dénonce le nouveau traité et évoque certes l’objectif d’une « Europe socialiste, œuvrant pour le bien commun de tous ses habitants, et non pour les profits des groupes capitalistes », mais, en attendant, elle ne propose rien pour lutter contre l’adoption de ce traité réactionnaire (Lutte Ouvrière du 26 octobre 2007). Les autres organisations, quant à elles, réclament la tenue d’un nouveau référendum. Ainsi l’éditorialiste du PT écrit-il dans Informations ouvrières le 31 octobre 2007 : « Pour notre part, nous pensons que la démocratie, c’est que le peuple doit décider. La démocratie, c’est qu’il y ait référendum. La démocratie, c’est l’unité pour le rejet du traité de Lisbonne. La démocratie, c’est une fois pour toutes sortir des institutions antidémocratiques, d’exploitation, d’oppression et de régression de l’Union européenne. » De son côté, la LCR a signé, avec le PCF et d’autres, l’« appel unitaire sur le traité européen dit "simplifié" » (4) du « Collectif national du 29 mai ».

Cet appel commence par dénoncer – correctement – le caractère anti-démocratique de la manoeuvre de Sarkozy, qui veut faire adopter le nouveau traité par le Parlement, alors que le TCE a été rejeté par référendum. Cependant, l’appel se poursuit par une critique typiquement petite-bourgeoise du contenu du nouveau traité. L’appel critique ainsi le projet d’une Europe qui serait « une zone aménagée de libre échange et de promotion des politiques néo-libérales » soumise au « règne sans partage des multinationales et des marchés financiers », c’est-à-dire qu’il dénonce une certaine variante du capitalisme (« néo-libéral », « financier », etc.) mais jamais il ne remet en cause le cadre capitaliste de la « construction européenne »(5). Enfin, et ce qui est grave pour une organisation qui se réclame du communisme révolutionnaire comme la LCR, cet appel se conclut sur la nécessité que « les citoyens et les élus, quel qu’ait été leur vote le 29 mai 2005, [...] refuse[nt] que la démocratie et la volonté populaire soient bafouées et exige[nt] un nouveau referendum ».

Il faut rappeler que, si les travailleurs ont réussi à imposer une défaite à la bourgeoisie et ses hommes politiques lors du référendum du 29 mai 2005, c’était en partie grâce à un contexte politique et social spécifique : le discrédit du couple Chirac-Raffarin à la tête du pays était alors au plus haut. Le référendum en tant qu’événement politique n’en est pas pour autant devenu un moyen « démocratique » grâce auquel la « volonté populaire » pourrait s’exercer. En effet, le référendum, comme toutes les autres formes de suffrage bourgeois (présidentiel, législatif, municipal, etc.) repose d’abord et avant tout sur l’atomisation des « citoyens » dans l’isoloir. Le terrain électoral (avec le matraquage médiatique qui l’accompagne inévitablement) est le terrain le moins favorable à la classe ouvrière, qui ne peut y exercer son poids social comme dans les luttes. C’est encore plus vrai dans le cas des référendums de la Ve République, qui jouent un rôle de plébiscites pour le président-bonaparte. Réclamer qu’un tel référendum ait lieu aujourd’hui, comme le font le PCF, la LCR et le PT, alors que Sarkozy a été élu récemment au suffrage universel, mais commence à être combattu par la lutte de classe, est donc tactiquement erroné. De plus, l’argument purement démocratique avancé pour justifier cette demande de référendum revient à semer parmi les masses des illusions inacceptables sur la « démocratie » bourgeoise.

De fait, l’appel du « Collectif national du 29 mai » s’adresse aux « citoyens et [aux] élus » (et non pas aux travailleurs), et ce « quel qu’ait été leur vote le 29 mai 2005 » ! Mais même sur le plan formel, la tenue d’un tel référendum aujourd’hui serait anti-démocratique. En effet, s’il est clair pour tout le monde que le nouveau projet de traité européen ne diffère en rien de l’ancien, organiser un nouveau référendum revient à nier le résultat du premier, alors qu’une nette majorité de la population s’y est prononcée contre la « construction européenne » telle qu’elle est imposée par la bourgeoisie.

Pour entraver la « construction européenne », infligeons une défaite à Sarkozy par la lutte de classe !

La nécessité aujourd’hui n’est donc pas de réclamer un nouveau référendum, mais bien d’imposer par la lutte de classe que le résultat du premier soit pleinement respecté. Cela implique de vaincre Sarkozy en construisant la grève interprofessionnelle, jusqu’à la grève générale. C’est la seule voie réaliste pour entraver la « construction européenne » capitaliste, aller vers l’abrogation des anciens traités (Rome, Maastricht, etc.) et ouvrir la voie d’une Europe anti-capitaliste, révolutionnaire, des travailleurs eux-mêmes.

Pour cela, les militants communistes révolutionnaires doivent, au-delà de la dénonciation de la manœuvre de Sarkozy et de la critique du contenu du traité d’un point de vue ouvrier, montrer concrètement le rôle de l’Union Européenne capitaliste dans les attaques actuelles du gouvernement contre les travailleurs et les jeunes. Par exemple, le démantèlement de l’Université publique incarnée aujourd’hui par la loi dite de « libertés et responsabilités des universités » est encadré par le processus de Bologne concocté en 1999 par une conférence interministérielle de l’UE (avec la participation conjointe de Chirac et de Jospin), visant à mettre en concurrence les universités à l’échelle européenne. De même, les privatisations entamées ou en préparation des entreprises publiques comme EDF, GDF, la SNCF, etc., sont régies par des directives de l’UE. Ces privatisations font partie des préoccupations des salariés de ces entreprises, qui sont par ailleurs en première ligne des combats actuels. Le rôle des militants révolutionnaires est donc d’aider les travailleurs et les jeunes à faire déboucher leurs revendications sur la nécessité d’en finir avec l’Union Européenne capitaliste. Réciproquement, une victoire des travailleurs et des jeunes sur Sarkozy mettrait un sérieux coup de frein à la « construction européenne » dont celui-ci est l’ardent promoteur.


1) Le Monde du 26 octobre

2) Pour plus de détail, notamment sur le caractère anti-démocratique, religieux, militariste, etc., de ces traités, cf. Le CRI des travailleurs n° 8, octobre 2003, http://groupecri.free.fr/article.php?id=192

3) Cf. l’article sur la nature du PS dans Le CRI des travailleurs n° 25, http://groupecri.free.fr/article.php?id=324

4) Appel que l’on peut consulter à l’adresse http://www.collectifdu29mai.org/Appel-unitaire-sur-le-traite.html

5) Pour une critique plus détaillée, voir notre analyse de l’« appel des 200 » dans Le CRI des travailleurs n° 15, (http://groupecri.free.fr/article.php?id=125) qui est également valable pour le présent appel. Ceci n’est pas étonnant puisque, grosso modo, le « Collectif national du 29 mai » regroupe les mêmes organisations que feu le « Collectif des 200 »…


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