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Le CRI des Travailleurs n°29     << Article précédent | Article suivant >>

Conférence nationale sur les union locales CGT :
Contribution à la discussion


Auteur(s) :P
Date :20 novembre 2007
Mot(s)-clé(s) :syndicalisme, CGT
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L’Union Locale des syndicats CGT est le lieu où se réalise de manière concrète la solidarité interprofessionnelle des militants impliqués dans des activités professionnelles différentes. Le caractère interprofessionnel qui préside au fonctionnement même des UL est le ciment qui garantit le fonctionnement démocratique de notre confédération. En ce sens, la direction des UL doit impérativement garder la marque de la commission exécutive qui exprime les décisions des différents syndicats constitués en son sein.

Avec le développement des grands groupes et la tendance à la concentration inhérente au capitalisme financier actuel, le risque principal est de voir émerger un syndicalisme d’entreprise totalement coupé des structures de base de notre organisation. Toutefois, rien ne permet de dire sérieusement aujourd’hui que la nature du travail ait changé ou qu’une hypothétique transformation sociale aurait balayé le vieil antagonisme historique entre le capital et le travail. 

« La structure et la nature des emplois changent, le contenu du travail change, les conditions de travail changent, la finalité du travail change… », peut on lire dans le rapport préparatoire à la conférence nationale sur les unions locales. Si on en croit ce passage du texte, on devrait en conclure que l’exploitation capitaliste est définitivement derrière nous et qu’en conséquence il ne nous reste qu’à accompagner ces changements en œuvrant au mieux dans les intérêts des salariés. Malheureusement la réalité est bien différente : la finalité du travail est toujours l’accumulation du capital, la nature du travail est bien toujours le salariat et les conditions de travail se rapprochent de plus en plus de celles de l’esclavage.

Le texte préparatoire à la conférence a le mérite de mettre en relief un certain nombre de problèmes qui mettent en danger l’existence même des UL. Ainsi, le repliement sur un syndicalisme d’entreprise des adhérents travaillant dans les grandes entreprises de taille nationale. La question n’est pas nouvelle et sa résolution passe davantage par une volonté énergique d’en finir avec ce corporatisme plutôt que par la remise en cause du fonctionnement des UL. Dans les grandes entreprises, l’activité syndicale s’articule trop exclusivement autour d’un délégué syndical central qui est lui-même exclusivement en relation avec les instances dirigeantes de sa fédération. Ce mode de fonctionnement déconnecte totalement les militants du travail interprofessionnel et conduit vers le corporatisme.

Cette situation n’est pas une fatalité. Les délégués syndicaux de site travaillent dans des localités où existent le plus souvent des UL. Les USD doivent servir de lien entre ces militants et l’activité syndicale locale.

La restructuration actuelle du capital passe davantage par un pillage du service public que par le développement de nouvelles forces productives. La réforme hospitalière de 1991 a été un formidable levier pour l’investissement capitaliste dans le domaine de la santé. L’émergence de grands groupes de santé privée ne matérialise pas une amélioration du service de santé mais bien un pillage du service public de santé. Au niveau local, chaque syndiqué vit à proximité d’un hôpital, d’une agence EDF, d’une poste ou autres services publics mis à mal par les politiques de privatisation. Pour peu que nous sachions mettre en relief le combat pour la défense des services publics et le combat des salariés qui luttent contre des conditions de travail insupportables, des salaires de misère, la précarité nous aurons un lien local fédérateur entre les salariés du secteur public et ceux du privé. En ce sens, l’exemple de l’UL d’Arcueil me semble inverser les questions et les réponses. Pourquoi faire intervenir la fédération des postes et télécommunication, l’UD, etc., et demander à deux camarades extérieurs de tenir des permanences, alors qu’en toute logique un syndicat des postes et télécommunications devrait être présent au sein de cette UL. La démarche des camarades de cette UL est sans doute louable mais elle est de fait vouée à l’échec. Redynamiser les UL, c’est combattre pour en finir avec le corporatisme inhérent au syndicalisme d’entreprise et non organiser bureaucratiquement de l’extérieur des sections syndicales de base.

Le moment n’est pas de redéfinir le rôle des UL dans le cadre du syndicalisme confédéré, mais bien de réaffirmer la place centrale de l’union locale comme ossature fondamentale du syndicalisme ouvrier confédéré.

Nous sommes aujourd’hui devant un choix qui peut avoir des conséquences importantes pour l’avenir d’un véritable syndicalisme de classe au niveau du pays. Soit nous construisons les structures de la CGT dans le cadre de la redéfinition géographique que veut imposer l’Union Européenne (structures régionales avec son lot de décentralisation et de désertification dans certains secteurs géographiques, réorganisation économique avec l’émergence de grands pôles d’activité concentrés au niveau régional…) et nous considérons comme une fatalité la destruction des services publics, l’émergence de régions directement intégrées au processus de construction de l’Europe libérale ; soit nous affirmons la nécessité de défendre les services publics et les communes comme structures élémentaires de la vie démocratique dans notre pays.

Il faut être clair et comprendre que l’Europe libérale n’est qu’une stratégie du capital visant à redéfinir l’ensemble des structures politiques au sein des pays de l’Europe. Le vieux schéma bourgeois national ne correspond plus aux besoins du capital transnational. Mais le vieux schéma bourgeois n’a pu se développer qu’en étant porteur d’un certain progrès social. Les services publics, la protection sociale, l’enseignement sont la colonne vertébrale de ce vieux schéma. Tout comme au niveau politique la commune, le département, la région sont les structures politiques de la « nation française ».

Le rôle du syndicalisme ouvrier est aujourd’hui de faire comprendre à la classe ouvrière les enjeux qui se cachent derrière cette redéfinition des structures politiques au sein de l’Europe capitaliste. L ’intégration des régions dans le cadre de l’Europe libérale n’est pas le résultat d’une évolution mécanique, mais elle est le produit d’une volonté politique de destruction de l’ancien schéma.

Le développement des grands groupes financiers transnationaux favorise l’émergence d’un syndicalisme d’entreprise et la concentration économique autour des pôles régionaux. Toutefois, nous savons que ces grands groupes ne peuvent se développer qu’en faisant un véritable dumping sur les coûts salariaux (délocalisation de la sous-traitance vers d’autres pays et parfois même à l’intérieur des pays européens). Notre rôle n’est donc pas d’accompagner le capital dans la modification de ses schémas d’exploitation, mais bien de défendre les intérêts des salariés partout où ils se trouvent. Avant tout, nous devons être à même de fédérer les actions locales autour de la défense des services publics. Défendre le bureau de poste du coin, ce n’est pas seulement défendre le gagne-pain du facteur, c’est surtout défendre un service de proximité accessible à tous. Or, le facteur du coin et l’employé d’UPS ne peuvent se rencontrer qu’au niveau de l’union locale. L’infirmier de l’hôpital du coin ne peut rencontrer l’infirmier de la clinique privée qu’un niveau de l’union locale, etc.

Les unions locales CGT ne peuvent devenir un simple point de rencontre où s’exprime une vague solidarité entre les salariés de diverses professions. Le caractère interprofessionnel de notre syndicat passe par la reconnaissance d’intérêts de classe communs et l’élaboration d’une plate-forme revendicative autour de ces intérêts. Combattre pour la défense du droit de grève dans les transports, c’est combattre pour la défense du droit de grève tout court. Qui peut sérieusement penser que cette remise en cause du droit de grève va se limiter aux transports ? Défendre les services publics, c’est défendre l’accessibilité du plus grand nombre à un service de soin performant, c’est défendre des bureaux de poste de proximité répartis sur l’ensemble du territoire, c’est combattre pour un enseignement public et laïque gratuit, c’est combattre pour un service de l’énergie fiable et peu coûteux pour les usagés. En ce sens, il ne peut y avoir d’antagonismes entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public.

La réorganisation du capital autour de l’Europe des régions et des grandes entreprises à vocation européenne implique une destruction des services publics et une harmonisation vers le bas des conquêtes sociales des travailleurs et salariés de ce pays. La baisse des coûts salariaux (largement développée par la politique d’exonération de charges sociales et la loi Fillon qui favorise une politique salariale de bas salaires) remet en cause l’existence même de notre système de protection sociale.

Dans ce cadre, redynamiser les UL, c’est avant tout exprimer une opposition résolue à l’Europe du « projet constitutionnel », c’est s’opposer aux mystifications d’une « sécurisation des parcours professionnels » qui n’est qu’une porte ouverte aux licenciements sauvages et à la flexibilité de la main-d’œuvre dont rêve le capital européen depuis des décennies.

Sauvegarder l’originalité de nos UL c’est développer la force de la CGT ; c’est-à-dire combattre pour préserver un acquis historique de classe plus que jamais indispensable.

Vive les UL ! Vive la CGT !

P., délégué CGT dans la santé privée


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