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Le CRI des Travailleurs n°29     << Article précédent | Article suivant >>

Correspondances de militants CRI et de sympathisants des universités


Auteur(s) :Militants et sympathisants CRI
Date :20 novembre 2007
Mot(s)-clé(s) :étudiants
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Université de Rouen :
Une grève précoce et puissante, grâce à l’activité des militants de lutte et à la faiblesse relative des appareils

La mobilisation pour l’abrogation de la LRU a pris naissance à l’université de Rouen (site de Mont-Saint-Aignan, UFR des lettres et sciences humaines) dès le 17 octobre. À cette date s’est tenue une première assemblée générale d’étudiants, de personnels enseignants et non-enseignants, convoquée par un comité de mobilisation, lui-même soutenu par la FSU (SNESup, SNCS, SNASUB, SNEP), la CGT (FERC-Sup, SNTRS), l’UNSA (SNPTES, A&I), l’UNEF et Sud-Étudiant. En cette veille de grève massive chez les cheminots, les électriciens et les gaziers, il s’agissait d’emblée d’articuler les revendications : j’ai proposé une motion se prononçant pour l’abrogation immédiate et inconditionnelle de la LRU, rétablissement des 22 000 emplois de fonctionnaires (dont 11 200 dans l’Éducation nationale) liquidés dans le Budget de 2008 et des 25 000 postes supprimés au cours des cinq années précédentes, contre toute remise en cause des statuts de la Fonction publique, contre la privatisation de la Sécurité sociale et les franchises médicales, contre la remise en cause des régimes de retraite : 37,5 pour tous, contre la traque des sans-papiers, contre les tests ADN et la loi anti-immigrés d’Hortefeux, contre la remise en cause du droit de grève. La motion se terminait par l’appel à la mobilisation et à la construction de la grève.

Adoptée ce 17 octobre, elle a ensuite été soumise au vote des AG suivantes, de plus en plus nombreuses : de 80 à la mi-octobre, elles rassemblaient entre 300 à 400 personnes fin octobre, et jamais moins de 1 000 à partir de début novembre. C’est sur la base de ce texte qu’un mandat a été défini, porté par deux délégués (un étudiant et moi-même, enseignante-chercheuse) à la première coordination nationale (Toulouse).

La faculté de Rouen est la première où la grève et le blocage aient été votés, dès le 24 octobre, qui plus est à une confortable majorité. Ensuite, ils ont été régulièrement reconduits par vote, pour des périodes de 2 à 4 jours. Le blocage se révèle actif, vivant, politique : des débats s’y déroulent dans les halls restés ouverts des bâtiments bloqués. Le président de l’université a bien tenté d’y faire obstacle, en convoquant par exemple une AG concurrente (et en utilisant les adresses électroniques de tous les étudiants inscrits !) ou encore en envoyant ses partisans dans les bibliothèques restées ouvertes pour appeler à voter contre le blocage… Mais devant l’ampleur et la puissance de la mobilisation, il a dû assez vite renoncer à ses manœuvres. À l’exception d’une journée, la fac n’a jamais été fermée administrativement.

Les forces organisées présentes sur la fac de Rouen sont très minororitaires. Il y a 5 ou 6 militants de l’UNEF « majo » (reconnus par la direction nationale), qui n’ont pas cherché à s’opposer à la mobilisation ; ils ont été d’emblée très clairs sur la revendication « abrogation de la LRU », sont actifs sur le terrain, votent les motions proposées, mais ils ont centré le mouvement sur le 20 novembre et sur la demande de « plus de moyens ». Une tendance minoritaire de l’UNEF (non reconnue par la direction nationale), plus droitière, mais disposant sur la fac du soutien du doyen (Lettres) et par conséquent d’un bureau et de matériel, a été rapidement balayée : prétendant lors d’une des premières AG monopoliser la tribune, s’acharnant à garder le micro, sa dirigeante a indiqué à ceux qui « n’étaient pas contents » qu’ils pouvaient aller se réunir ailleurs ; les 350 personnes présentes se sont levées, ont quitté la salle et se sont installées dans un autre amphi où l’AG s’est finalement tenue, abandonnant les 4 « UNEF dissidents », restés seuls et penauds, à leur triste sort.

D’autre part, on remarque les « autonomes » (autodésignés « AntiFrance » pendant la mobilisation anti-CPE) : ils sont actifs, très prolixes dans les AG, très antimotions, très manifestations-aux -flambeaux-suivies-du-démontage-d’un-MacDonalds. Ils ont le verbe haut mais sont assez peu nombreux (une douzaine, qui occupent de nuit l’amphi principal de l’UFR des Lettres). Malgré les sollicitations répétées, aucune délégation n’avait été élue pour participer à la deuxième coordination nationale (Rennes) (et ce bien que le principe de la participation et le mandat aient eux-mêmes été votés) ; les autonomes s’y sont donc invités, en prétendant avoir été élus, tandis que des étudiants sympathisants de SUD s’y rendaient de leur côté… Cela a créé une grande confusion et de vives tensions, qui prouvent que la question de l’élection des délégués mandatés et révocables est décidément une question clé dans tout mouvement si l’on veut qu’il soit auto-organisé démocratiquement.

Chez les personnels, l’intersyndicale s’est réunie à plusieurs reprises durant la mobilisation, mais elle a démontré la passivité, parfois le ralliement de 25e heure de certains responsables syndicaux. Une division s’est présentée au grand jour notamment entre des élus dans les instances de cogestion, ne condamnant pas frontalement la LRU, voire commençant à la mettre en application, et des militants syndicaux déterminés à se mobiliser et à construire la grève. La politique des directions syndicales a fait l’objet d’un vote en assemblée générale, le 5 novembre (AG rassemblant environ 1 200 personnes). J’ai proposé une motion qui a été adoptée à l’unanimité moins 6 voix contre et quelques abstentions : « Nous appelons les directions syndicales de l’enseignement supérieur à rejoindre la mobilisation et à appeler à la grève immédiatement. »

C’est donc dans un cadre politique très intéressant que se que se déroule la mobilisation. Depuis le début, celle-ci est portée par des assemblées générales puissantes qui se tiennent en moyenne deux fois par semaine. Des textes et initiatives d’action y sont discutés et adoptés. L’un des enjeux concerne la manière d’étendre la mobilisation :

- aux personnels enseignants et non-enseignants, très minoritaires encore dans les AG ; pour ce faire, l’intersyndicale a convoqué plusieurs assemblées générales spécifiques de personnels (rassemblant en moyenne 80 à 100 personnes), destinées à expliquer les répercussions concrètes de la loi pour tous ceux qui travaillent à l’université. Des équipes de diffusion se sont constituées pour apporter l’information salarié par salarié, service par service, pour appeler aux AG et à la grève.

- aux sites non encore touchés par la grève et le blocage : depuis début novembre, alors que jusqu’à présent seules les UFR de Lettres et de Psychologie-sociologie étaient en mouvement, des AG se tiennent en Sciences et en STAPS ; elles ont décidé la grève et le blocage lors des journées de mobilisation interprofessionnelle, dont le 14 novembre ;

- aux lycéens : des tournées d’information et de mobilisation se sont déroulées en particulier lors des manifestations (rassemblant de 200 à 1 000 personnes selon les jours), auxquels des lycéens ont participé ;

- dans une perspective interprofessionnelle : mandatés par l’AG, nous sommes rendus le 13 novembre au matin au dépôt SNCF des Quatremares à Sotteville-les-Rouen et en gare de Rouen, pour distribuer un tract expliquant les raisons de la mobilisation dans les universités et la nécessité de la convergence des luttes. L’accueil a été chaleureux et l’initiative jugée très positive. Le soir même s’est tenue dans les locaux de SUD-Rail une réunion regroupant des cheminots, des étudiants et moi-même ; une décision a été prise de rédiger un projet de tract commun, qui sera soumis en AG (SNCF et fac), de se rendre en délégations dans nos AG respectives (cheminots à l’université et vice-versa) et de proposer la tenue d’une première AG interprofessionnelle le 19 novembre.

La grève et l’activité politique des étudiants et personnels de la faculté de Rouen sont donc extrêmement avancées et prometteuses, jouant un rôle réel dans la construction d’un grand mouvement interprofessionnel contre la politique de Sarkozy.

L., militante CRI

Université Paris-I (site de Tolbiac) :
Toujours parmi l’avant-garde du mouvement malgré une présidence de choc, grâce à la forte présence militante et à l’expérience vivante de 2006

Le site de Tolbiac de l’université Paris I est en grève avec blocage depuis mardi 30 octobre. C’est ainsi la deuxième faculté à avoir pris cette décision après celle de Rouen. Les militants de la FSE (et parmi ceux-ci les militants CRI) ont joué un rôle moteur dans la construction de la mobilisation dans un contexte de forte tradition militante — la faculté de Tolbiac en est à sa quatrième grève avec blocage depuis le printemps 2003 et elle était la seule à être partie en grève, pendant 24 heures, suite à l’élection de Sarkozy…

Avant même le déclenchement de la grève, la direction de l’université a embauché des vigiles privés (pour contrôler les cartes d’étudiants les jours d’AG) et a refusé de nous accorder des amphis pour nous réunir. Il a fallu alors s’organiser pour prendre des amphis et débrayer des cours. Suite à un débrayage, une première AG significative a réuni mardi 16 octobre environ 350 étudiants. Sur proposition de la FSE, l’AG a adopté à la quasi-unanimité une motion qui dit notamment : « Nous nous fixons comme objectif la grève nationale des universités, avec piquets de grève. Pour la construire démocratiquement, nous nous prononçons pour la tenue d’une coordination nationale des universités. » De plus, après la puissante journée de grève et de manifestation du 18 octobre, le comité de mobilisation de Tolbiac a adopté l’appel adopté par l’AG interprofessionnelle tenue à la Bourse du travail dans la foulée de la manifestation parisienne. Cela montre que la conscience politique des militants et des étudiants qui constituent l’avant-garde du mouvement (nombreux à avoir déjà participé à celui de 2006 contre le CPE et la LEC) était mûre pour participer à la constuction d’un puissante mobilisation d’ensemble contre Sarkozy.

Jeudi 25 octobre, une nouvelle AG a réuni environ 150-200 étudiants. Alors que la direction de l’UNEF voulait s’appuyer sur la mobilisation relativement faible pour ne rien faire, nous avons convaincu l’AG d’organiser des interventions massives et de reconvoquer une autre AG en fin d’après-midi. Les faits nous ont donné raison puisqu’en fin d’après-midi, environ 350 étudiants motivés qui se réunissaient et décidaient de convoquer une AG mardi 30 octobre dans le plus grand amphi de Tolbiac, avec à l’ordre du jour la grève avec piquets de grève. Deux mandatés (FSE et CNT) ont été élus pour la coordination nationale de Toulouse ; une candidature de l’UEC, soutenue par l’UNEF, a été balayée, recueillant une dizaine de voix.

La veille de l’AG du 30 octobre, lors du comité de mobilisation, la direction de l’UNEF a tenté de décourager les étudiants de tenir l’AG prévue dans le grand amphi (où devait se tenir un cours) et a proposé de tenir l’AG dans un petit amphi qu’elle avait négocié avec la direction de la fac, afin d’empêcher le vote de la grève. De justesse, nous avons réussi à convaincre le noyau dur de respecter le vote de la dernière AG et d’imposer la tenue de l’AG dans le grand amphi.

Mardi 30 octobre, l’AG a voté à une très large majorité la grève avec piquets de grève et a adopté l’appel suivant sur proposition de la FSE : « Mardi 30 octobre 2007, nous nous mettons en grève, avec piquets de grève pour obtenir l’abrogation de la LRU et de l’ensemble des contre-réformes du gouvernement (franchises médicales, lois sécuritaires et anti-immigres, remise en cause du statut de la fonction publique, attaques contre les retraites, etc.). Pour faire plier le gouvernement, nous devons construire la grève nationale des universités, avec piquets de grève, avec pour objectif la grève générale interprofessionnelle. Cheminots, électriciens, gaziers, travailleurs de tous les secteurs, c’est par la grève, tous ensemble que nous vaincrons le gouvernement. Alors que la quasi-totalité des syndicats de personnels s’est prononcée pour l’abrogation de la LRU, nous leur lançons un appel : ne laissez pas les étudiants isoles et appelez l’ensemble des personnels des universités à nous rejoindre dans la grève. »

Mercredi 31 octobre, une AG d’environ 1000 étudiants a reconduit la grève avec blocage. Un bras de fer s’est alors instauré avec la direction de l’université qui a multiplié les actes de répression (avec l’appui unanime des directeurs d’UFR affichant leur "solidarité totale" avec la présidence) : fermetures administratives (du 2 au 6 novembre, les 8, 10, 14 et 15), intervention policière (7 novembre à 22h), communiqués mensongers… Malgré la fermeture administrative, les grévistes ont pu rentrer de force dans le centre lundi 5 novembre. Mercredi 7, une AG énorme de 1300 étudiants a revoté les piquets de grève à une large majorité, ainsi que l’occupation. Vendredi 9, une nouvelle AG a élu 5 mandatés à la coordination nationale (FSE, SUD et non syndiqués), rejetant une nouvelle fois la candidature d’un militant de l’UNEF.

Nouvelle manœuvre de la présidence : elle a décidé d’organiser un référendum électronique du mardi 13 au jeudi 15 novembre. Mardi 13, l’AG de 1300 étudiants a reconduit la grève avec blocage à une écrasante jusqu’au mardi suivant. L’AG a également voté pour la démission immédiate du président de Paris-I et le boycott de son référendum. Mercredi 14 et jeudi 15, la présidence décidait une nouvelle fois de fermer Tolbiac.

Nous devons donc faire face à une présidence hargneuse qui nous empêche de nous auto-organiser correctement et de mettre en place des activités alternatives à Tolbiac. Autre problème : le mouvement n’est pas encore assez fort et déterminé pour chasser de force les vigiles privés qui contrôlent encore l’accès à l’université. En outre, la direction du SNESup Paris-I refuse de soutenir les piquets de grève et même de demander le départ des vigiles privés ou de condamner les interventions policières ! Pire, la dirigeante locale du SNESup a pris à partie les grévistes qui tenaient les piquets. Toutefois, la tension règne au sein de ce syndicat à Paris-I et des enseignants ont effectué une collecte pour aider le comité de grève.

En ce qui concerne la CGT, assez forte à Paris-I, elle refuse de soutenir la grève des étudiants et même de condamner l’intervention des CRS contre eux, se bornant à dire dans un communiqué que « cela ne règle rien » ! De plus, si elle affirme son « opposition » à la loi LRU et condamne ceux qui participent à l’élaboration des nouveaux statuts de Paris-I avec la présidence, elle ne se prononce pas pour l’abrogation de la loi et elle présente aux personnels la grève des étudiants en passant sous silence sa revendication primordiale, qui est justement l’abrogation de cette loi.

Au niveau étudiant, la direction de l’UNEF est totalement marginalisée. Les militants JCR au sein de l’UNEF construisent le mouvement, mais pâtissent de leur appartenance à l’UNEF. En revanche, les militants FSE, mais aussi SUD, CNT et « autonomes », sont parmi les plus combatifs dans ce mouvement

S., militant CRI

Sorbonne :
Un enjeu important pour la mobilisation…
mais un site très difficile à bloquer !

Le site de la Sorbonne (qui regroupe Paris I, III, IV et V) est de façon générale assez difficile à mobiliser. La plupart des militants syndicaux (FSE, SUD-Étudiant, CNT, TUUD de l’UNEF, essentiellement composée par la JCR) préfèrent consacrer leurs forces sur Tolbiac, considérant nécessaire que ce centre soit en grève pour qu’un mouvement puisse commencer à la Sorbonne. Cependant, ce qui peut se passer à Tolbiac ou sur d’autres centres ne peut avoir qu’une répercussion très faible sur la Sorbonne si un travail préalable d’information et de mobilisation n’y a pas été fait.

Un premier comité s’est réuni juste avant la rentrée pour essayer d’organiser la mobilisation sur la Sorbonne : nous avons décidé de diffuser un tract appelant à une première assemblée générale le 17 octobre. À cette AG, nous avons fait voter une motion demandant l’abrogation de la loi Pécresse et désignant la grève avec piquets de grève comme seul véritable moyen de mobilisation, mais soulignant aussi la nécessité de construite un mouvement unitaire avec les autres secteurs en lutte. Il a aussi été décidé de bloquer le CA de Paris-IV qui devait se tenir le vendredi 19 octobre. À l’ordre du jour de ce CA figurait le vote sur la composition du futur CA en application de la loi Pécresse. Cependant, le matin du jour où le CA se tenait, peu d’étudiants ont pu venir du fait de la grève des cheminots, et nous n’avons pas eu les forces pour bloquer.

D’autres AG ont été organisées, les 23 et 26 octobre, réunissant entre cinquante et soixante-dix étudiants. Les débats ont essentiellement porté sur la question de l’élargissement de nos revendications. Certains étaient en effet convaincus qu’il fallait d’abord faire un important travail d’information sur la loi Pécresse avant d’élargir et semblaient résumer cette question à une solidarité qu’on afficherait auprès des travailleurs mais qui ne serrait pas compréhensible dans l’immédiat par les étudiants. Pour la coordination de Toulouse, il a été décidé que les revendications qui devaient être défendues étaient : l’abrogation de la LRU, des lois Hortefeux/CESEDA, de la loi concernant les mineurs délinquants, pour la défense des régimes spéciaux de retraite, et contre les franchises médicale. L’appel de l’assemblée générale inter-professionnelles du 18 octobre a aussi été adopté. Pour la construction du mouvement l’AG s’est prononcée pour que la coordination appelle à la grève, avec piquets de grève dans les universités dès que possible.

L’AG suivante était prévue le mercredi à 12h, mais en raison de certaines tensions à l’AG de Tolbiac, elle a été reportée en fin d’après midi. Le blocage ayant été voté à Tolbiac, nous avons proposé a des étudiants en grève de venir nous aider pour débrayer TD et amphis pour l’AG de la Sorbonne qui a réuni une cinquantaine d’étudiants alors qu’elle n’avait pas eu lieu à un horaire prévu. Le vendredi 2 novembre devait se tenir un comité de mobilisation, mais suite à la fermeture administrative de Tolbiac, beaucoup d’étudiants grévistes sont venus à la Sorbonne. Il a donc été décidé à nouveau de débrayer, et avec une soixantaine d’étudiants l’AG s’est tenue. Nous avons soumis une motion soulignant que la LRU touchant l’ensemble de la communauté universitaire et non seulement les étudiants, les enseignants et les personnels devaient nous rejoindre dans la lutte, et d’autre part que, le SNESup, s’étant prononcé pour l’abrogation, il devait s’investir pour construire la mobilisation.

Le nombre d’étudiants en AG n’augmentant pas, il nous est apparu nécessaire d’accélérer la mobilisation en proposant que la question des piquets de grève soit mise à l’ordre du jour de l’AG suivante, et annoncée sur le tract. Mardi 6 novembre, environ 300 personnes étaient en AG, probablement aussi parce que la grève commençait à s ’étendre dans les universités. Les piquets de grève ont été soumis au vote et adoptés à une majorité très nette. Le problème de l’occupation s’est posé pour anticiper une fermeture administrative probable de la Sorbonne et une centaine d’étudiants est restés jusqu’à ce qu’à ce que les CRS les délogent vers 23h sans incidents. Depuis, les piquets de grèves restent très difficiles à mettre en place...

C., militante CRI

Université Paris-IV (centre Malesherbes) :
Montée en puissance de la mobilisation à partir des liens étudiants/personnels et de l’auto-organisation

Le centre Malesherbes (Université Paris-IV) a toujours été difficilement mobilisé : deux jours de grève simplement pendant le mouvement anti-LEC du printemps 2006. Mais l’intervention volontariste de la FSE et l’investissement d’étudiants jusque-là non mobilisés et l’organisation qui se met en place laissent espérer de bien meilleures perspectives pour cette année.

Se sont tenues plusieurs assemblées générales. Elles sont largement soutenues par le personnel : la première était appelée avec FO, les personnels viennent témoigner leur soutien aux étudiants pendant les AG, contribuent à l’élaboration des tracts, aident à la réservation de salles… Les trois premières AG n’ont rassemblé qu’entre 10 et 20 étudiants chaque fois. Mais cette dizaine d’étudiants s’est transformée en comité de mobilisation rédigeant les tracts, les distribuant, faisant des interventions en TD et en amphis… Pour la plupart, ils participent pour la première fois à la construction d’une mobilisation. Ce sont maintenant des étudiants sur qui l’on peut compter, qui sont formés, savent expliquer la loi et prennent l’initiative de la rédaction des tracts. Un véritable comité de mobilisation s’est créé : diffusions quotidiennes, liste électronique d’information et de discussion…

C’est spontanément que les premières AG ont exprimé la volonté de se voir représentées en coordination nationale, montrant qu’elles en comprenaient l’intérêt crucial. L’appel issu de l’AG interprofessionnelle du 18 octobre a été adopté au centre Malesherbes.

L’AG du 7 novembre a réuni 70 étudiants. L’abrogation de la loi Pécresse a été votée par une écrasante majorité après un long débat de fond sur la privatisation, la professionnalisation et la démarche même de la loi. L’AG a mandaté un militant FSE en observateur à la coordination nationale. Une collecte a rapporté 30 euros pour le financement du billet. Enfin, après une longue discussion, le principe du blocage a été adopté à la quasi-unanimité (3 abstentions et 2 contre). Il a été décidé de mettre la question du blocage effectif à l’ordre du jour de la prochaine AG.

L’AG du 13 novembre a réuni plus de 500 étudiants. Ils se sont prononcés pour la solidarité avec les autres secteurs en lutte, pour le blocage du conseil d’administration, pour l’abrogation de la loi Pécresse. Le blocage a été refusé après un vote à bulletin secret : 272 contre 221 (et quelques dizaines de vote nuls dont « blocage le jour des manifestations » ou abstentions) Les militants FSE sont intervenus pour expliquer que seule la grève générale des universités permettait de construire le rapport de force suffisant pour faire barrage à Sarkozy, et que sa construction n’était pas possible sans le blocage. L’idée doit encore faire son chemin parmi les étudiants du centre…

M., militante CRI

Université Paris-VII :
La mobilisation monte en puissance, les JCR refusent d’étendre et même de voter les revendications, mais des liens se tissent avec les cheminots de la gare d'Austerlitz

La mobilisation contre la LRU a commencé mi-octobre à l’Université Paris-VII, mais a eu d’abord du mal à s’amplifier, les premières AG réunissant seulement 70-80 personnes. Le jeudi 8 novembre s’est tenue la première AG importante, avec environ 300 participants, essentiellement des étudiants. Cette AG a voté pour l’abrogation de la LRU à une très large majorité et a décidé la mise en place de barrages filtrants pour mardi 13 novembre au matin. L’AG du 13 novembre à midi a réuni plus de 500 participants et a décidé le blocage de Paris-VII à partir du lundi 19 novembre (280 voix pour, 100 contre). Ce blocage a été mis en place avec succès le 19 novembre et a donné lieu à une AG importante (450 participants) compte-tenu de la grève dans les transports en commun. Cette AG a reconduit le blocage jusqu'à mardi 20 midi (240 pour, 180 contre). Sur proposition du comité de mobilisation, six délégués de l'AG des cheminots de la gare d'Austerlitz sont intervenus à cette AG et y ont reçu un accueil chaleureux. Des initiatives interprofessionnelles concrètes, notamment avec les cheminots de la gare d'Austerlitz, seront discutées lors des prochaines AG.

Sur le plan politique et syndical, la CGT ne participe guère aux AG. La principale force organisée à Paris-VII est de loin les JCR, qui dominent la section de l’UNEF. Les militants JCR construisent activement le mouvement et dirigent de fait le comité de mobilisation, ainsi que la tribune des AG. Cependant, ils ont limité leur intervention au cadre strict des actions et revendications étudiantes, sous prétexte d’éviter de « braquer » les étudiants. Ainsi, aussi bien en comité de mobilisation qu’en AG, ces militants n’ont jamais cherché à articuler les revendications et les luttes des étudiants avec celles des travailleurs autrement qu’en évoquant un vague « contexte de luttes ». Pire, ils sont allés jusqu’à appeler l’AG à « ne pas prendre part au vote » lorsque j’ai proposé l’adoption de revendications – élémentaires dans le contexte actuel – comme « défense des régimes spéciaux, retour aux 37,5 pour tous ». Plus généralement, sous prétexte d’éviter de faire durer les AG, ils ont contribué à évacuer le débat sur les revendications et les perspectives nationales et donc à empêcher l’adoption de décisions claires sur ces sujets. Ainsi les délégués de Paris-VII aux Coordinations Nationales et à la Coordination Parisienne n’étaient-ils pas investis de mandats précis, ce qui pose un véritable problème aussi bien en termes d’efficacité de la coordination que de démocratie.

Or, parallèlement à leurs tâches quotidiennes dans la mobilisation, les militants révolutionnaires doivent constamment chercher à faire progresser la conscience politique des travailleurs et des jeunes en lutte. Dans le cas présent, cela implique en particulier de montrer comment la LRU s’inscrit dans le cadre général des attaques du gouvernement Sarkozy-Fillon, et de proposer des moyens concrets pour aller vers la convergence avec les luttes des cheminots et des fonctionnaires (par exemple des rencontres et AG interprofessionnelles), afin de construire la grève interpro, seul moyen de vaincre Sarkozy.

C., militant CRI

École normale supérieure (Paris, site Ulm) :
Mobilisation limitée, mais conscience politique avancée

Un noyau combatif d’étudiants de l’ENS existe depuis le mouvement de 2006 contre le CPE et la LEC. Sa majorité s’est organisée dans un syndicat SUD-Étudiant, créé à l’issue de ce mouvement, avec notamment des militants d’Alternative libertaire et un militant CRI. Ce syndicat est actif et très avancé politiquement. C’est lui qui a été à l’initiative de la mobilisation sur l’ENS et qui en est le principal moteur, avec quelques enseignants et/ou chercheurs non syndiqués.

Une AG a eu lieu le 18 octobre, avec 70 participants (nombre assez important pour ce petit établissement qui regroupe avant tout des chercheurs et universitaires, ainsi que des élèves issus pour la plupart des classes supérieures). L’intervention CRI à cette AG a porté sur la nécessité d’inscrire la lutte pour l’abrogation de la loi Pécresse dans une lutte d’ensemble des travailleurs des jeunes, contre la tactique des « journées d’action », pour la grève générale et pour demander que les syndicats refusent de participer aux négociations avec le gouvernement. L’AG a exprimé son accord avec cette orientation en adoptant à une forte majorité et l’appel suivant : « Sarkozy et son gouvernement sont entrain de mener des attaques extrêmement graves contre les travailleurs et les jeunes. Sa stratégie est claire : c'est diviser pour régner. Seule une riposte d'ensemble des travailleurs et des jeunes pourra donc les faire reculer et imposer :

• Abrogation de la loi LRU !

• Défense des régimes spéciaux de retraite !

• Défense du statut de la fonction publique. Rétablissement des 22000 postes supprimés !

• Contre la privatisation de la sécurité sociale. Abrogation des franchises médicales !

• Abrogation des lois anti-immigrés d’Hortefeux et CESEDA !

• Abrogation du CNE, de la Loi sur l’Égalité des Chances !

L’expérience de 2003 montre que la tactique des journées d’action isolées et épisodiques ne pourra faire pas gagner. Seule la grève interp ofessionnelle reconductible jusqu ‘à la satisfaction des revendications mènera à la victoire. Pour cela, nous appelons l’ensemble des syndicats à refuser de participer aux négociations avec le gouvernement et à préparer dans l ‘unité la mobilisation. Sur la base de cet appel, l’AG mandate des délégués :

1) à la coordination interprofessionnelle du 18 octobre à 18h à la Bourse du Travail ;

2) à la coordination des jeunes du 18 octobre au CICP ;

3) à la coordination des Universités le 20 octobre à Toulouse. »

En l’absence d’appel à la mobilisation et à la grève des syndicats nationaux, il y a eu ensuite un creux dans la mobilisation : les AG suivantes n’ont pas été aussi nombreuses, mais elles se sont tenues régulièrement, réunissant 30 à 40 personnes, avec à chaque fois quelques nouveaux venus. Mais, avec le développement de la grève des universités, la mobilisation s’est amplifiée, toujours sur des bases politiques saines (même si la question du blocage ne peut être posée avec seulement quelques dizaines de personnes mobilisées : l’unique tentative de blocage de 2006 avait fait long feu face aux anti-bloqueurs et à la multiplicité des entrées). C’est ainsi que l’AG du 8 novembre, rassemblant une soixantaine de personnes a précisé ce que signifie sa demande d’abrogation de la loi LRU : « On ne peut se satisfaire d’amendements dans l’application de cette loi. C’est pourquoi nous ne reconnaissons aucune légitimité à l’UNEF pour représenter le mouvement contre la LRU et pour négocier quoi que ce soit avec le gouvernement au nom de ce mouvement. La coordination nationale est le seul organe habilité à représenter ce mouvement. Nous appelons l’ensemble des syndicats d’étudiants, de lycéens, de IATOSS, de l’enseignement supérieur, de la recherche et des professeurs du secondaire à exiger l’abrogation de la LRU et à cesser toute négociation avec le gouvernement. C’est sur cette revendication que la mobilisation doit se construire et qu’il faut appeler à la grève. » Sur cette base, le cortège de l’ENS aux manifestations du 8, du 14 et du 16 novembre était organisé et bien visible.

Enfin, l’intervention CRI a permis que la question de l’interpro soit remise à l’ordre du jour lors de l’AG du 16 novembre. Après discussion, cela a abouti au vote très largement majoritaire d’amendements à la motion proposée, notamment les suivants :

« • Nous affirmons notre soutien à la grève reconductible dans les transports et plus généralement à l’ensemble des salariés en grève. Nous appelons à soutenir financièrement les cheminots en grève, en constituant une caisse de grève que nous verserons au dépôt de la Porte d’Orléans.

• Maintien des régimes spéciaux et 37,5 annuités pour tous.

• Nous condamnons l’ensemble des violences policières. (…)

• Augmentation des salaires et du point d’indice de la fonction publique. »

Il reste maintenant à faire vivre concrètement cette orientation, qui n’a malheureusement pas été reprise dans le tract élaboré ensuite par le comité de mobilisation… La conviction que la jonction interprofessionnelle est nécessaire est acquise, mais elle reste encore formelle pour certains, qui n’en voient pas toute la pertinence politique pour gagner contre Sarkozy.

L., militant CRI

Université de Bordeaux-III :
Mobilisation difficile à engager…
mais désormais bien partie

Depuis fin octobre, des comités de mobilisations avaient été formés dans les différentes facs du campus et se tenaient actifs (collage, tractage). Quelques AG avaient été organisées, réunissant entre 80 et 200 personnes.

Le 13 novembre s’est tenue une AG à Bordeaux-III. Malgré la fermeture par la direction de l’amphi prévu pour nous accueillir, nous étions environ 1000 sur le parvis de la fac. L’AG s’est déroulée en deux temps : d’abord une présentation de la loi Precresse, puis une discussion sur les modalités de l’action.

Durant la première partie, un consensus global s’est établi contre la loi (quelques membres de l’UNI ont essayé de la défendre et se sont fait massivement huer !), avec toutefois d’importantes nuances :

L’UNEF a appelée à la mobilisation des étudiants, mais « surtout en faisant très, très attention » !… Cette touchante précaution se retrouve lorsqu’un membre de l’UNEF d’une autre fac du campus, pour l’instant non encore touchée par la mobilisation, déclare « réfléchir à l’organisation d’une table ronde »…

La Confédération Etudiante a dit que le meilleur moyen de changer la loi LRU était encore de négocier avec le gouvernement (en précisant, comme de bien entendu, qu’il fallait être « réaliste ») !

Sud-Étudiant (qui compose l’essentiel du comité de mobilisation) a eu une position assez correcte sur la loi elle-même, mais sans vraiment la relier aux autres attaques de Sarkozy contre la jeunesse et la classe ouvrière. D’ailleurs, si ces militants ont abondamment justifiés la présence de syndicalistes salariés à l’AG (un membre de l’UNI s’en est en effet trouvé incommodé… plus, apparemment, que par la présence prévue par cette loi de patrons dans les conseils d’administration des universités !), ils ne les ont pas fait monter à la tribune, ni ne leur ont offert la parole…

La deuxième partie de l’AG a été plus mouvementée. Le blocage était loin de faire l’unanimité, malgré des interventions plutôt positives sur ce point de membres du MJS et de l’UEC. Beaucoup d’étudiants, encartés ou non, et quelques enseignants, ont défendu le blocage avec une grande énergie. Évidemment, les sempiternels arguments hypocrites des droitiers sont apparus (« cette AG est illégitime, vous ne pensez pas aux étudiants défavorisés, vous êtes des soixante-huitards bourgeois à la papa-maman », etc.), et le vote final a été plutôt serré (450 non), mais le blocage a fini par passer.

A également été voté un appel à manifester au coté des salariés du public le mardi 20 Novembre et l’AG s’est terminée par un appel à manifester devant la préfecture contre l’expulsion de Talibé Kebé , responsable du collectif des sans-papiers de Montreuil, actuellement détenu au centre de rétention administrative de Bordeaux.

À l’AG suivante, le 16/11, le blocage a été reconduit jusqu’au 21/11 avec une majorité beaucoup plus confortable que le 13 : 1 500 voix contre 600. Maintenant, il s’agit d’étendre la mobilisation aux autres facultés de Bordeaux…

R., sympathisant CRI

Université de Dijon
La grève et l’auto-organisation se développent malgré les manigances bureaucratiques

L’AG du mardi 13 novembre, qui a rassemblé plus de 1500 personnes, a adopté les revendications suivantes :

• Abrogation de la loi Pécresse ;

• Réengagement financier massif de l’État ;

• Participation aux manifestations du 14 et du 20 novembre ;

• Solidarité avec les autres étudiants en lutte contre lesquels s’abat une très forte répression.

La cinquième revendication proposée a été rejetée : il s’agissait de s’unir le lendemain à la grève de cheminots, mais l’UNEF et la tribune s’y sont opposées, en prétendant que les cheminots ne seraient pas d’accord avec la convergence des luttes !

Enfin, le vote du blocage du bâtiment droit-lettres du campus est passé, mais pas à une très grande majorité. À vue d’œil, une bonne moitié des étudiants a voté pour le blocage, l’autre étant composée d’un tiers d’abstentionnistes et de deux tiers d’opposants au blocage.

Les BU et BS sont restées ouvertes. Les étudiants préparant le CAPES, l’agrégation et les diplômes d’État, ainsi que les doctorants et chercheurs, peuvent entrer.

Des points d’informations sont organisés tous les jours à 19h. Une réunion d’information pour le bâtiment Gabriel qui regroupe les scientifiques, qui ne sont pas encore mobilisés, a été oganisée.

La prochaine AG aura lieu mardi 20 novembre à 10h et le vote comptera pour toute la faculté. Les scientifiques verront par eux-mêmes l’utilité ou non d’appliquer la décision à Gabriel.

Les actions qui avaient été décidées par le collectif d’occupation mardi 13 au soir sont les suivantes :

• Manif le mercredi 14 à 11h 30 à la Préfecture.

• Manif le mardi 20 à 14h place de la Libération.

• Mercredi 21 : journée de sensibilisation afin d’informer les lycéens et leurs parents à l’occasion de la journée « portes ouvertes » de la fac.

• Manif nationale à Paris à une date ultérieure.

• Enfin, le collectif d’occupation, sous la pression notamment de la CNT et de la FSE, a décidé de s’adresser aux lycéens, en faisant la tournée des lycées, pour les associer à la mobilisation contre la loi LRU.

Les forces en présence dans les AG et le collectif d’abrogation sont la TUUD de l’UNEF (majoritaire à Dijon, avec notamment des militants de la LCR), la CNT-FTE, les JC/UEC et la FSE, ainsi que des militants de LO, pour certains à l’UNEF. Il y a des tensions entre et dans les organisations, qui font perde beaucoup de temps. C’est le cas notamment au sein de l’UNEF, entre la TUUD majoritaire et les militants du MJS qui essaient de reprendre la main. De leur côté, les JC/UEC sont en conflit avec l’UNEF et tentent de marginaliser la FSE, car ils essaient de construire une « CGT-Jeunes » sur la fac. Enfin, il y a aussi beaucoup d’« autonomes » sectaires, qui cherchent à faire ce qu’ils veulent, tout en imposant leur propre interprétation de l’auto-gestion aux autres… Cependant, l’ampleur de la mobilisation met en échec les tentatives de récupération du mouvement par les organisations à direction bureaucratique.

Tout dépendra maintenant de l’auto-organisation démocratique des étudiants et personnels, mais aussi de l’indispensable convergence des luttes, à laquelle s’oppose à ce stade la majorité des organisations présentes sur la fac.

É., sympathisant CRI

Université de Tours :
L’orientation des syndicats a rendu difficile le démarrage du mouvement, mais la grève se construit

La situation à l’Université de Tours est révélatrice de la force et des faiblesses du mouvement, dues à l’absence d’un groupe important de militants réellement révolutionnaires défendant avec acharnement une stratégie de front unique et capables de la faire triompher. Chacun des groupe syndicaux et politiques présents joue en effet à sa manière la partition de la division, avec pour but plus ou moins conscient de faire obstacle à une réelle centralisation des luttes et à l’affrontement avec le gouvernement Sarkozy.

Il faut reconnaître toutefois que la position la plus correcte, malgré toutes ses limites, est celle de SUD-Étudiants, qui a été à l’initiative de la première réunion intersyndicale le 27 septembre. À cette réunion étaient présents deux représentants de l’UNEF, deux de SUD-Étudiants, un de SUD-Éducation, un Biatoss de la FERC-Sup-CGT et moi-même, militant du SNESup et du CILCA mais non mandaté par la direction bureaucratique de mon syndicat, absente de la réunion comme elle le sera des deux autres des 23 et 30 octobre. Le SNPREES-FO, dont la seule intervention dans le mouvement est l’appel à signer la pétition des Cordeliers (comme si on en était encore là !) était absent de cette réunion, alors que le mouvement de grève et d’occupation s’amorçait dans toute la France et que la coordination nationale universitaire de Toulouse devait se réunir à la fin de la semaine (27-28 octobre).

À cette réunion pourtant, les représentants de SUD-Étudiants, malgré leurs divergences avec l’UNEF qui s’était sans surprise prononcée contre le mot d’ordre d’abrogation de la LRU, fit bloc avec, elle avec l’appui du représentant de la CGT, pour s’opposer à ce que cette revendication figure dans le tract qui devait être rédigé en commun pour l’appel intersyndical à une première AG le 16 octobre.

Quelques jours après, les militants de la FERC-Sup-CGT annonçait par courriel leur retrait de l’intersyndicale selon eux fictive du fait de l’absence d’autres organisations syndicales (et alors ? C’était justement une raison pour construire quelque chose et les contraindre à agir conformément à leur mandat !). Ces militants, qui sont par ailleurs sympathisants de LO, ne daignèrent même pas répondre à mes remarques sur le fait que leur attitude était un sabotage de l’AG : celle-ci deviendrait dès lors une AG essentiellement étudiante et non plus inter-professionnelle et cela aboutirait en fait à conforter l’inaction des directions bureaucratiques, notamment celle du SNESup, sans même tenter de les interpeller.

Comme cela était prévisible, l’AG du 16 (essentiellement des étudiants, au nombre de 200, avec trois profs seulement et les camarades de la FERC-Sup-CGT venus en observateurs) ne fut pas positive. Ma proposition de motion ouvrant la perspective de la grève pour l’abrogation et appelant à se joindre aux actions prévues le 18 octobre, avec la perspective d’élire des délégués pour une coordination régionale (à l’exemple de celle qui devait se réunir le 18 au soir à la Bourse du travail de Paris à l’initiative du 2e Forum de la résistance sociale), ne fut pas examinée pour des raisons oiseuses de temps de parole. Il faut noter que les appréciations pessimistes portées sur l’état d’esprit des étudiants par l’UNEF, la FERC-Sup-CGT et même Sud-Etudiant lors de l’intersyndicale du 27 septembre, qui étaient censées justifier la relative timidité du tract d’appel à l’AG (notamment le fait qu’il ne reprenne pas le mot d’ordre d’ « abrogation »), se sont révélées erronées : l’ambiance de l’AG était assez combative, notamment chez les participants les plus jeunes (étudiants de première année), visiblement issus des luttes lycéennes de 2006.

Lors de la seconde intersyndicale du 23 octobre, les mêmes organisations étaient réunies en l’absence du SNESup, mais avec la présence d’un représentant du SNPREES-FO. Le camarade de la FERC-Sup-CGT, apparemment repenti de son retrait de l’intersyndicale, a d’abord expliqué, comme d’habitude, que le climat n’était pas propice à la lutte chez les personnels et les profs et qu’il fallait se concentrer sur la journée du 20 novembre… Comme j’objectais que, sans remettre en cause la participation à la journée du 20 novembre, qui allait de soi pour des militants syndicaux, il fallait quand même réagir à ce qui était en train de se passer dans les Universités avec la constitution d’une coordination devant se réunir à Toulouse en fin de semaine, les représentants de SUD-Étudiants se rallièrent alors, à ma grande surprise à cette position très minimaliste visant, une fois de plus, à éluder la question de la lutte concrète pour l’abrogation de la LRU.

À la troisième réunion intersyndicale (sans FO cette fois et toujours sans la direction du SNESup), alors que je citai pour conforter mon point de vue la déclaration adoptée par la coordination de Toulouse appelant à la grève et au blocage, le militant de la FERC-Sup-CGT (ils étaient deux cette fois-ci et tous deux sympathisants LO), visiblement excédé, m’a vivement pris à partie en prétendant que je disais « n’importe quoi » lorsque je soutenais que cette coordination se voulait « universitaire » et non uniquement étudiante. Comme j’essayais de rechercher l’appui d’un des militants de SUD-Étudiant qui venait de se déclarer d’accord avec la coordination, celui-ci, très embarrassé et ne voulant pas se désolidariser du militant de la FERC-Sup-CGT, a alors botté en touche en faisant une déclaration assez floue et générale sur la nécessité de ne pas se diviser entre nous, etc.

Résultats des courses : nous étions le 30 octobre et rien n’avait encore démarré à Tours ! Cependant, les étudiants de SUD ont été à l’initiative d’une AG de 800 personnes le 5 novembre qui a voté à une majorité des 2/3 la grève avec blocage jusqu’au lundi 12.

Bien entendu, la direction du SNESup a mis une semaine pour finalement accepter de convoquer une réunion de section. À cette réunion qui a rassemblé un très faible nombre de participants (7 enseignants sur 80 syndiqués au SNESup), une discussion assez riche a eu lieu, débouchant sur l’adoption à l’unanimité d’un appel à la grève pour le vendredi 16 novembre, avec appel à une AG interprofessionnelle suivie éventuellement d’une manifestation devant la Préfecture (en conjonction avec les manifestations prévues devant l’Assemblé Nationale lors du vote du budget).

Il faut tout de même souligner que Jean Fabbri, professeur à l’Université de Tours et secrétaire général du SNESup national, après avoir voté en faveur de cet appel, a tenté une manœuvre de dernière minute : il a essayé de lui substituer la position plus timorée des autres syndicats de l’Université (CGTsup, SGEN, FO) qui, lors de la réunion intersyndicale tenue dans la soirée (en même temps que l’AG des étudiants), ont préféré s’en tenir à une simple préparation de la journée Fonction Publique du 20 novembre. Il a envoyé en effet aux six adhérents présents à la réunion un courriel dans lequel il leur demandait de re-confirmer leur choix en faveur de la grève, au vu des réticences manifestées par les autres syndicats ! Devant la réaction indignée desdits adhérents qui demandaient à ce que leur vote soit respecté, il a finalement accepté d’acter la décision prise à l’unanimité…

L’AG des étudiants qui s’est tenue le 12 novembre de 16 à 20 h était très nombreuse (1000 participants environ), mais il y avait très peu de profs (trois ou quatre) et de personnels (moins d’une dizaine). Après des débats houleux dus à la présence d’anti-bloqueurs particulièrement agressifs, l’AG a finalement décidé de poursuivre la grève et le blocage par 700 voix environ contre 300 (un nombre tout de même assez conséquent). Je suis intervenu en tant qu’enseignant membre du SNESup et du CILCA pour souligner l’appel de la Coordination nationale universitaire de Rennes à l’extension de la grève aux enseignants et personnels et pour inviter l’AG à se préoccuper aussi d’envoyer des signaux forts aux syndicats d’enseignants et de personnels présents sur l’Université, afin de leur demander de mettre en conformité leurs actes avec leurs déclarations, d’entrer en grève, de participer aux AG et à la composition des délégations aux futures Coordination nationales universitaires.

Le lendemain, mardi 13 novembre, l’isolement dans lequel les étudiants ont été laissés du fait de l’orientation des organisations syndicales professionnelles a produit ses premières conséquences négatives : devant le refus du président d’Université de laisser la prochaine coordination nationale se tenir à Tours, comme les étudiants en avaient décidé en AG, une centaine d’étudiants ont occupé son bureau. Au sortir de cette occupation, vers 21 h, deux étudiants ont été arrêtés aux portes de la fac des Tanneurs par la BAC et maintenus en garde à vue jusqu’au lendemain matin 8 h. Au moment où ces lignes sont écrites (jeudi 15 novembre 00h 30), il n’y a eu, à notre connaissance, aucune déclaration syndicale pour condamner ces injustifiables méthodes policières et la collusion évidente entre l’administration de l’Université et les forces de répression !

Comme pendant le conflit de 2006 contre le CPE et la LEC, où il fallut attendre un bon mois pour que les enseignants et les personnels soient enfin appelés à se mettre en grève, il est clair que, sous des prétextes et avec des argumentaires différents, les directions du SNESup et de la FERC-Sup-CGT locale (les camarades appartenant à cette organisation étaient encore membres en 2006 du SNASUB-FSU) laissent les étudiants isolés — quitte après à prendre prétexte de quelques erreurs vénielles dans la gestion par ceux-ci de la grève, pour justifier leur inaction ou leur retrait. Cette orientation mène toujours, mais encore plus dans la période que nous vivons, à un échec certain.

Une fois de plus, l’incompréhension, y compris par les militants animés des meilleures intentions du monde, du rôle des directions bureaucratiques du mouvement ouvrier et de la nécessaire politique visant à leur imposer le front unique, se conjugue avec la trahison délibérée des réformistes déclarés, pour faire obstacle à la convergence et à la centralisation des luttes de la classe ouvrière et de la jeunesse, seules capables de faire reculer Sarkozy et son gouvernement, à l’Université comme dans tout le pays.

F., militant SNESup (sympathisant de la tendance « Front unique »), membre du CILCA


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