Le CRI des Travailleurs
n°24
(novembre-décembre 2006)

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La régression sociale ne se négocie pas !
(Déclaration du CILCA)

Les directions syndicales doivent refuser de s’associer aux discussions sur les projets de contre-réformes du MEDEF et du gouvernement !
Les syndicalistes de lutte de classe doivent imposer le boycott de toutes les réunions de « concertation » convoquées par Villepin et le MEDEF !

Malgré son échec sur le CPE, le gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy entend mener jusqu’au bout ses attaques contre les travailleurs : privatisation de GDF, nouveau budget d’austérité pour 2007, suppression de milliers de postes dans la Fonction publique, nouvelles exonérations pour les patrons alors que le pouvoir d’achat des salariés est plombé par l’inflation, menaces contre la carte scolaire, chasse aux sans-papiers, provocations de Sarkozy contre les jeunes des cités ouvrières, envoi des troupes françaises au Liban pour désarmer la résistance du peuple libanais et participer au remodelage du « grand Moyen-Orient » exigé par Bush, etc. Mais tout cela ne suffit pas à la bourgeoisie française, qui est en perte de vitesse au niveau international : elle veut aller beaucoup plus loin dans les « réformes » pour faire baisser encore davantage le « coût du travail », c’est-à-dire pour démanteler les droits qui nous restent. Le patronat ne veut pas se contenter de tout ce qu’il a déjà obtenu ces dernières années au détriment des travailleurs : il exige la mise en chantier de nouvelles contre-réformes pour briser l’assurance-chômage, le contrat de travail à durée indéterminée et les règles du Code du travail qui limitent encore la « liberté » de licencier.

Dialogue social et diagnostic partagé : un scénario bien rodé pour les contre-réformes

Cependant, l’échec du MEDEF et du gouvernement sur le CPE, d’une part, l’approche des élections de 2007, d’autre part, les engagent à une relative prudence. C’est pourquoi ils décident aujourd’hui de revenir à la méthode du prétendu « dialogue social » en proposant aux directions syndicales toute une série de rencontres visant à les associer à leurs plans. C’est cette méthode que Villepin avait décidé de ne pas suivre pour le CPE, avant d’être contraint de reculer face à la grève générale étudiante et aux puissantes manifestations des salariés. Pour le patronat et le gouvernement, il s’agit donc de renouer avec une méthode plus sûre, car elle est bien rodée depuis plusieurs années : elle a fait ses preuves pour la contre-réforme Fillon des retraites en 2003, pour la contre-réforme Douste-Blazy de l’assurance-maladie en avril 2004, pour le changement de statut d’EDF et de GDF en mai 2004, pour la privatisation de la RTM à l’automne 2005, etc. À chaque fois, les étapes du scénario se déroulent à peu près de la même façon :

1) Le patronat et le gouvernement mettent sur la table tel ou tel dossier pour lequel ils ont décidé d’engager une contre-réforme, et ils utilisent pendant des mois les médias pour conditionner l’ « opinion publique » ;

2) Ils convoquent les directions syndicales pour les associer à un travail commun de préparation de la contre-réforme, sous prétexte d’écouter les revendications, en fait pour obtenir un « diagnostic partagé » sur l’état des lieux du domaine en question ; c’est ainsi que les directions syndicales ont accepté de participer au « Conseil d’Orientation des Retraites » en 2002-2003, au « Haut conseil de l’assurance-maladie » en 2003-2004, aux discussions sur le changement de statut d’EDF et de GDF en 2004, aux rencontres sur les problèmes financiers de la RTM, etc. ;

3) Le gouvernement rend public un projet de contre-réforme, en ayant obtenu l’accord explicite des syndicats jaunes (CGC, CFDT…) et en ayant réussi à associer les autres au principe même d’une « réforme », à travers le « diagnostic partagé » sur les « problèmes » et le début d’un « dialogue » sur les « solutions » ;

4) Les directions syndicales qui ne sont pas d’accord avec le projet de « réforme » (CGT, FO, FSU…) convoquent des « journées d’action » plus ou moins espacées, qui connaissent généralement un succès ; mais elles refusent d’engager l’épreuve de force décisive pour gagner, de préparer et de construire la grève générale, seule solution pour faire reculer le gouvernement (comme le prouve la grève générale étudiante du printemps dernier) ;

5) Au bout de quelques semaines, les mobilisations s’essoufflent faut de perspective, les travailleurs se démoralisent, les directions syndicales appellent au cessez-le-feu en ayant obtenu au mieux quelques amendements marginaux.

6) L’ essentiel de la contre-réforme est adopté et peut s’appliquer ; le gouvernement et le patronat, victorieux, se préparent pour s’attaquer au dossier suivant, selon le même scénario, mais avec plus de travailleurs démoralisés...

Si l’on tire les leçons de ces expériences, aucun doute n’est permis en cet automne 2006 : l’invitation faite aux directions syndicales de participer à toute une série de réunions avec le MEDEF et le gouvernement ne vise pas à ouvrir de vraies négociations qui permettraient d’obtenir des avancées pour les travailleurs sur la base d’un rapport de force favorable, mais uniquement à atteler les directions syndicales à la co-élaboration des prochaines contre-réformes. Bien sûr, quand il est possible d’obtenir de réelles avancées, il est juste de négocier sur la base des revendications des travailleurs ; mais rien ne peut justifier que des organisations syndicales dignes de ce nom acceptent d’aller « négocier » sur la base des revendications du patronat ! C’est pour cette raison que les directions syndicales doivent boycotter les réunions convoquées cet automne par le MEDEF et le gouvernement.

Non au projet de loi sur le prétendu « dialogue social » permanent avec le patronat !

Le premier dossier proposé aux syndicats cet automne est le projet de loi sur le « dialogue social », présenté en septembre par les ministres Borloo et Larcher. Le but du MEDEF est de redéfinir « ce qui doit relever de la compétence des partenaires sociaux et ce qui doit relever du législateur » ; en clair, il veut réduire au minimum les garanties législatives car elles cristallisent durablement les rapports de force entre les classes en accordant des acquis à l’ensemble des travailleurs ; et il veut les remplacer par des accords avec les syndicats, dont le champ d’application est généralement plus restreint et qui peuvent être faits et défaits selon le bon vouloir du patronat et les rapports de forces circonstanciels entre les classes. C’est ce qu’expliquait à sa façon la présidente du MEDEF après sa réunion avec Larcher le 11/09 : « Nos interlocuteurs comprennent que dans le monde économique d’aujourd’hui, les choses évoluent très vite et que peut-être l’action économique et sociale serait plus efficace si l’on pouvait s’adapter plus vite aux évolutions. Il est certain que par l’accord on aurait une plus grande souplesse que par la loi. »

Dans ce cadre, le projet de loi gouvernemental est double. D’une part, il veut instaurer une « concertation préalable » obligatoire avant tout projet de loi concernant le droit du travail. Il s’agit de multiplier les chances d’obtenir le soutien d’au moins une partie des syndicats pour mieux désamorcer toute contestation sérieuse. Et il s’agit d’instaurer une pression permanente pour que les responsables syndicaux s’intègrent à l’élaboration des contre-réformes. D’autre part, le gouvernement veut enfermer les syndicats dans un « agenda partagé » de négociations et de « réformes », c’est-à-dire en fait obliger les syndicats à ne discuter que sur la base des projets patronaux et gouvernementaux, en leur faisant admettre la prétendue « nécessité » des contre-réformes. Or les confédérations syndicales ont donné leur accord avec le principe de la cette loi. Elles n’ont de réticences que sur l’ « agenda partagé » (sauf la CFDT, qui est pour) ; c’est la raison pour laquelle le gouvernement a renoncé à faire passer sa loi avant la fin de l’année, tout en annonçant qu’il doit être adopté au début de 2007. Dans l’intérêt des travailleurs, les directions syndicales doivent refuser d’aller discuter sur la base de ce projet de loi et exiger son abandon pur et simple. Et elles doivent refuser le principe d’un prétendu « dialogue social » institutionnalisé et permanent, qui ne peut tourner qu’à l’avantage du patronat, limiter l’indépendance des syndicats et leur capacité d’initiative, émousser leur esprit de lutte.

Non aux concertations qui visent à briser la carte scolaire !

Un autre dossier ouvert en septembre est celui de la carte scolaire. Sarkozy, relayé par Ségolène Royal, est parti en guerre contre cette disposition qui limite les inégalités des élèves face à l’enseignement. Bien qu’elle soit loin d’être parfaite et doive donc faire l’objet de véritables revendications pour l’améliorer, il faut avant tout la défendre quand elle est menacée. Or les buts du gouvernement sont clairs : en proposant une « concertation » pour « assouplir » la carte scolaire, De Villepin et De Robien n’ont aucunement l’intention de tenir compte des revendications des enseignants et des parents, puisque ceux-ci n’ont pas créé de rapport de force pour être en mesure de les imposer. Là encore, il s’agit uniquement d’intégrer les syndicats et les associations de parents dans de prétendues « discussions » sur le terrain du gouvernement, pour préparer une contre-réforme, notamment pour ghettoïser encore plus la majorité des jeunes des banlieues. Les directions syndicales de l’Éducation doivent donc refuser de participer à ces « discussions ».

Boycott des réunions convoquées par le MEDEF pour préparer ses prochaines attaques !

Le 20/09, la présidente du MEDEF a envoyé une lettre aux directions confédérales pour leur proposer un « échange de vues » non seulement sur « la remise à plat de l’assurance-chômage » (ce qui était prévu par l’accord scélérat sur l’UNEDIC de 2005), mais aussi sur « le contrat de travail » et la « sécurisation des parcours professionnels ». Pour le patronat, il s’agit expressément d’ouvrir « l’acte II de la refondation sociale », en s’en prenant cette fois aux socles mêmes du Code du travail et de l’assurance-chômage. D’une part, il voudrait étendre le dispositif du CNE, voire remettre sur la table la question du « contrat de travail unique » pour détruire le contrat à durée indéterminée. D’autre part, sous prétexte de reprendre à son compte la notion de « sécurité sociale professionnelle », il veut en fait être autorisé à licencier à sa guise, en échange d’une prise en charge par l’État — c’est-à-dire par les impôts des travailleurs eux-mêmes — des indemnités de chômage. Or, pour les travailleurs, le seul système d’assurance-chômage qui serait capable d’améliorer l’existant serait celui qui assurerait des indemnités équivalentes au salaire pendant toute la durée du chômage (et des périodes de formation), mais qui serait financé exclusivement par le patronat. Mais cela exige la construction d’un rapport de forces qui n’existe pas pour le moment. C’est pourquoi les directions syndicales doivent boycotter les réunions proposées par le MEDEF, cesser de revendiquer un système d’indemnités qui ne serait pas financé par le patronat et mettre en œuvre un plan de syndicalisation et de mobilisation des chômeurs et des travailleurs dans le but d’imposer de véritables améliorations.

Boycott de la « conférence sur les revenus et l’emploi » convoquée par Villepin !

Lors de son interview de rentrée du 28/08, Villepin a annoncé, outre une série de mesurettes destinées à désamorcer le mécontentement des salariés confrontés à l’inflation, la convocation d’une « conférence sur les revenus et l’emploi » pour décembre, sur la base d’un rapport que doit lui remettre Jacques Delors. Or on connaît d’avance les exigences de cet ancien président de la Commission européenne, fidèle porte-parole (PS) du patronat : son rapport préconisera sans doute (comme Villepin lui-même) de supprimer les « charges sociales » sur les bas salaires sous prétexte de créer de l’emploi ; il demandera sans doute qu’on s’en prenne au SMIC, pilier du système des salaires, et/ou il exigera une nouvelle contre-réforme du contrat de travail, etc. En tout cas, Villepin a fixé clairement l’objectif qu’il donne à cette conférence : il s’agit, a-t-il dit, de parvenir à un « diagnostic » avec les « partenaires sociaux » pour « établir la situation réelle » — bref, une nouvelle édition du « diagnostic partagé ». C’est pourquoi il faut boycotter cette conférence.

Pour les syndicalistes de lutte de classe, l’urgence est donc de se battre dans nos syndicats pour imposer aux directions qu’elles boycottent toutes ces réunions de « concertation », pour qu’elles rompent avec le MEDEF et le gouvernement. Pour cela, il faut réunir partout les syndiqués et les travailleurs, faire voter des motions exigeant ce boycott et envoyer des délégations de syndicats et de syndiqués aux sièges des confédérations, des FD et des UD. Et il faut se battre pour que, en revanche, les directions s’attèlent à la construction d’un véritable rapport de force pour stopper toutes les attaques contre nos acquis sans attendre les élections.

Le CILCA, qui regroupe des militants des différents syndicats du mouvement ouvrier, notamment de la CGT, de la FSU et de la FSE, propose aux syndicalistes lutte de classe de se rassembler pour combattre ensemble dans cette voie.

Contactez le CILCA :

Site : http://courantintersyndical.free.fr Courriel : courantintersyndical@free.frTél. : 06 66 25 16 65 


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