Le CRI des Travailleurs
n°31
(mars-avril 2008)

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Encore une démission du PT… et une adhésion au Groupe CRI !


Auteur(s) :S
Date :6 février 2008
Mot(s)-clé(s) :PT
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Après l’ex-secrétaire fédéral du PT de l’Yonne, bureaucratiquement exclu du PT en 2005 (cf. Le CRI des travailleurs n° 29), et un militant syndicaliste métallo du Jura (cf. sa lettre de démission du PT dans Le CRI des travailleurs n° 25), c’est au tour d’un autre militant du PT du Jura, ancien membre du Comité directeur et par ailleurs syndicaliste enseignant, de rompre avec ce parti pour rejoindre le Groupe CRI. Voici la lettre de démission qu’il a adressée aux militants du PT pour expliquer sa décision.

« Chers camarades,

Après avoir soutenu financièrement le MPPT, j’ai été membre fondateur du PT en 1991. J’en étais très heureux, ayant trouvé là un Parti qui me semblait apporter beaucoup de réponses correctes à mes interrogations sur les partis politiques et les perspectives de luttes. Fondamentalement marxiste, j’ai toujours refusé d’adhérer au PC pour des raisons pas toujours précises dans ma tête faute de temps pour étudier à fond son histoire. Ce que j’en savais (bien que fragmentaire) me suffisait pour ne pas franchir le pas.

J’ai milité étant convaincu par ce que je découvrais et apprenais dans la lutte de classes organisée. J’ai pris progressivement des responsabilités : responsable de section, du Comité fédéral 39, membre du Comité directeur plusieurs années et pressenti pour rejoindre le Bureau national quand l’édifice s’est fissuré et, depuis, la brèche n’a fait que s’agrandir jusqu’à cette position ultime qui est ma démission du PT.

Des divergences sont apparues et les discussions que j’ai eues aboutissent à une impasse, la position minoritaire que je partageais avec quelques camarades (l’un d’ente eux, Laurent, a déjà quitté le PT) n’étant pas considérée comme une base de discussion mais comme une déviation inacceptable. Je me suis vu répondre pas un responsable 39 en réunion : « De toutes façons, je ne discuterai plus avec toi. » Cela ne me plaît pas et ne correspond plus à ce que j’ai apprécié dans le PT à sa création.

Deux axes de désaccord sont à l’origine de ma démission :

Ceci, bien sûr, n’occulte pas le travail qui peut être réalisé par les camarades sur le terrain. Mais la ligne qui ressort des points que je critique, lorsqu’elle apparaît sur les tracts, est souvent très difficile à expliquer aux travailleurs. Je n’ai jamais pu diffuser un tract que je ne saurais défendre bec et ongles aussi bien auprès de ses destinataires que de ses détracteurs.

Divergences théoriques

Prenons, par exemple, la dernière lettre du Comité directeur à tous les membres du Parti. Je l’ai lue avec beaucoup d’attention et j’y ai trouvé la confirmation de toutes mes craintes concernant l’évolution de la ligne du PT qui était déjà énoncée dans le projet de rapport d’activité soumis au Congrès des 26-27 janvier 2008.

Une fois encore, il est écrit que ce sont l’Union européenne et le traité de Maastricht qui sont la source de la crise sans précédent du système. Comment peut-on écrire pareille chose ? La source de la crise ? C’est l’aggravation et les difficultés de créer et de prélever la plus-value Que les capitalistes dictent aux gouvernements des textes qui leur donnent un cadre facilitant au niveau international l’exploitation est indéniable. Mais pour reprendre les thèses de Marx, il s’agit là de superstructures que l’idéologie dominante impose pour développer l’exploitation de la classe ouvrière (cf. Introduction à la critique de l’économie politique). Que ce traité aide la bourgeoisie à jouer son rôle ne fait donc aucun doute. Mais la mobilisation organisée sur des revendications précises, même sans l’abrogation de ce traité, apporte la preuve que la classe peut faire reculer le gouvernement et le MEDEF. Lorsque cette mobilisation s’est faite sur la revendication précise « À bas le CPE », la classe a obtenu des résultats et le retrait du projet. De même pour le décret De Robien. A contrario, le traité de Maastricht n’était pas signé et la régionalisation s’est mise en place sous Deferre. De même le traité de Rome a des clauses tout aussi libérales sur la concurrence et les entraves à la concurrence cela n’a pas empêché « la gauche » de nationaliser en 1981. L’exigence d’abrogation du traité de Maastricht relève donc de la propagande politique, qui est indispensable, mais qui ne saurait se réduire à cette question particulière, car il s’agit d’une question de forme et non de fond. Ce dont la classe a besoin, c’est à la fois de revendications claires pour ses luttes immédiates et d’un programme politique de transition dont l’axe serait la conquête du pouvoir politique par le prolétariat. C’est pourquoi il faut centrer le combat non seulement contre l’Union européenne, mais d’abord contre l’État bourgeois français qui en est l’un des principaux artisans et qui reste la structure politique fondamentale de la bourgeoisie française.

Avec cette focalisation sur la seule Union européenne, que devient la dimension internationaliste dans les colonnes de IO lorsqu’on lit en gros titre « Renault américain » ? Cela n’est pas sans rappeler le « Produisons français ! » de G. Marchais. Ce cri d’alarme mérite plusieurs remarques :

Il découle pour le PT de ce type d’analyses que « les maires », les « élus » sont des catégories sur lesquelles on peut bâtir la lutte de classes, le Front unique ouvrier, alors que ce sont en fait pour la plupart des notables ou des petits propriétaires paysans. Marx doit se retourner dans sa tombe.

Au niveau théorique, encore, j’ai été surpris (c’est le moins que l’on puisse dire) par l’explication de la détermination du « prix de la force de travail » par la loi de l’offre et de la demande (Édito IO n° 826 du 4-9 janvier 2008). Une fois encore, Marx est très clair à ce sujet. Il critique de façon véhémente la théorie de l’offre et de la demande de Smith (le père du libéralisme dans La Richesse des nations, 1776) et de Malthus (Théorie de la population) appliquée à la force de travail. Dans Le Capital, Marx explique que les niveaux d’embauche et de salaire dépendent de la rentabilité du capital engagé dans la production. En aucun cas le salarié n’est acteur dans la détermination de ceux-ci, pas plus d’ailleurs que le consommateur ne détermine le prix des denrées. Certes, la lutte syndicale permet un rapport de force qui peut imposer un taux de salaire correspondant à la valeur sociale de la force de travail — alors que le patron voudrait l’acheter à un prix moindre — et parfois même, notamment en cas de hausse de la productivité, d’arracher une augmentation du prix de la force de travail (voir section 5 du livre I du Capital). Cependant, de manière générale, le poids de l’« armée industrielle de réserve » est tel que les travailleurs ne peuvent faire jouer l’offre et la demande en leur faveur : le système capitaliste implique que la main-d’œuvre disponible reste de toute façon plus importante que les besoins immédiats du patronat, pesant en permanence sur le niveau de salaire des travailleurs occupés (voir section 7 du livre I du Capital).

De plus, Lénine a expliqué que le système de concurrence s’est depuis mué en système de monopole. Il en fait un des traits fondamentaux de l’évolution du capitalisme. Les constructeurs automobiles français étaient 15 au sortir de la guerre, ils ne sont que deux groupes aujourd’hui qui, de plus, ont des productions communes. Que reste-t-il de la concurrence et de la possibilité de négocier le prix des véhicules ?

Bref, dans cet édito, on s’en tient à l’idéologie libérale : le salarié seul face à son patron. Le vocabulaire de cet édito est révélateur : « Le salarié », le « syndicat ouvrier représentant l’un ». Que de l’individualisme. Rien de collectif.

Ces exemples montrent que la PT veut faire rentrer les faits dans un schéma préétabli et non frotter sa théorie à la réalité et, ce faisant, qu’il a renoncé à une analyse marxiste révolutionnaire qui puisse réellement offrir des perspectives à la classe ouvrière. Les remarques que j’ai faites dans ce sens et aux réunions mensuelles et au Congrès 39 du PT en janvier 2007 ont été prises soit avec condescendance soit purement et simplement rejetées.

Différences stratégiques

Au Congrès départemental en janvier 2006, j’ai avec un autre camarade (et presque la moitié des présents nous avait suivis), expliqué ce que l’expression « candidats des maires » avait de trompeur et en dernière analyse de faux (au-delà même de mon désaccord avec ce front « avec les élus »). « Des maires » faisait penser que Schivardi avait rassemblé un très grand nombre de maires. Ce qui à l’évidence était faux. Au minimum, cette expression pouvait laisser penser que beaucoup partageaient les analyses du PT. On invoquait là une force dont le PT ne pouvait en aucun cas se prévaloir. Enfin, une telle présentation gommait totalement l’existence du Parti et prétendait jeter les bases de son élargissement et la constitution d’un FUO. La suite allait montrer que la « justice » bourgeoise allait s’emparer de cela pour « faire payer le prix fort ». Là encore, pour abjecte que soit la décision de justice, ne pas s’y attendre, n’est-ce pas nourrir des illusions sur la nature même de la justice dans la société française actuelle ? Là encore, c’est la bourgeoisie française qui se défend.

Que dire de la ligne politique de G. Schivardi, même si elle a subi quelques inflexions ici ou là pour le moins absolument indispensables ? Peut-on reconnaître dans ces propos une ligne lutte de classe ? N’a-t-il pas revendiqué la participation des maires de droite dans son comité ? N’a-t-il pas dit qu’il se serait effacé devant Fabius ?

Après cette expérience malheureuse, aucune analyse sérieuse, aucun bilan de celle-ci n’ont été tirés. Au contraire, c’est la fuite en avant dans les législatives avec la course à l’argent après le remboursement des 350 000 € de la « bévue des maires ». Dans le document préparatoire au rapport d’activité pour le Congrès 2008, la Direction se flatte d’avoir réussi à lever en plus des cartes et des timbres 500 000 € tout ce travail de fourmis pour voir la reprise de cartes chuter de 10 % (compensée en partie seulement par des nouvelles adhésions) et la vente d’IO régresser. Plutôt que de discuter sérieusement de cette désaffection, la Direction trouve une explication merveilleuse : la reprise de carte régresse ? Cela est le fait des camarades qui n’ont pas eu le temps de « revoir » les anciens adhérents.

Fuite en avant avec la mise sur rail des Conventions préparatoires à la constitution d’un Parti Authentiquement Ouvrier, appelé par la suite Parti Ouvrier Indépendant, mais l’adjectif authentique ne disparaît pas pour autant des colonnes de IO. S’il faut créer un parti « authentiquement ouvrier », un parti « indépendant », qu’était donc le PT ? De nombreux adhérents se sont sentis un peu (c’est peu dire) blessés, voire insultés dans leur sincérité et conviction militantes par ces dénominations et par cette façon de procéder. Qui a décidé cela ? Deux personnes (D. Gluckstein et G. Schivardi, qui ne fait même pas partie du PT) la veille des élections présidentielles où le PT perdra des voix par rapport à la candidature de D. Gluckstein en 2002. Enfin, on apprend avant même le congrès du PT que la convention aura lieu en juin 2008. Les militants du PT sont mis devant le fait accompli, il ne leur reste qu’à déployer leurs forces au service de ce projet sans en avoir discuter les modalités, les orientations. Si ce n’est pas de la subsidiarité, cela y ressemble. Les cartes 2008 du PT portent les deux inscriptions « PT » et « fondation du Parti ouvrier indépendant ». À peine croyable. Les militants n’ont pas le choix d’être « seulement » PT. De quoi la Direction aurait-elle peur ?

Dans l’appel pour un Parti Ouvrier Indépendant, on retrouve en « tête » des appelés, les maires, les élus, ce qui n’est pas du tout constitutif d’un front unique. Comment aller auprès de la classe ouvrière avec un tel amalgame ?

Toutes ces raisons font que je ne me sens plus en phase avec une organisation qui, de mon point de vue, a perdu le clivage fondamental « qui exploite, qui est exploité ? ». Quelles que soient les divergences entre salariés, on peut sur ce critère simple mais intangible construire un FUO avec comme base des revendications communes. Les prémisses au Parti authentiquement ouvrier quelle que soit son appellation (à déterminer en juin 2008) tourne le dos à cette vision.

Je n’imagine pas abandonner la lutte et n’imagine pas plus rester seul. Je rejoins une organisation qui répond aux questions que je me pose. Elle est trotskyste et a, elle aussi, analysé le pablisme qu’elle rejette. Laurent vous en avait parlé dans sa lettre de démission et l’avait rejoint. Il s’agit du Groupe CRI : Communiste Révolutionnaire Internationaliste et son site est http://groupecri.free.fr

J’invite les camarades du PT qui veulent discuter avec moi de cette lettre à me contacter.


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