Le CRI des Travailleurs
n°31
(mars-avril 2008)

Derniers articles sur
le site du CILCA

Feed actuellement indisponible

Le CRI des Travailleurs n°31     << Article précédent | Article suivant >>

L’« affaire » Jérôme Kerviel (trader de la Société générale)


Auteur(s) :Gaston Lefranc
Date :20 mars 2008
Mot(s)-clé(s) :société
Imprimer Version imprimable

Jérôme Kerviel était un trader qui travaillait dans l’une des six salles de marché de la Société générale (dans une tour de la Défense). Les traders du « front office » effectuent des opérations sur les marchés financiers et sont payés au résultat : de 100 000 euros à plusieurs millions d’euros par an. Cette « aristocratie » est surveillée par les salariés du « middle office » (qui contrôlent la régularité des opérations) et du « back office » (qui enregistrent l’ensemble des opérations), bien moins payés qu’eux, et qui rêvent bien souvent de prendre la place de ceux qu’ils sont censés contrôler.

La logique même du système veut que les traders engagent des montants élevés et prennent des risques. Des contrôles tatillons seraient contre-productifs et profiteraient à la concurrence, si bien que les dirigeants des banques ne sont pas trop regardants tant que leurs traders leur rapportent du « cash ».

En revanche, quand la direction de la Société Générale a appris samedi 19 janvier que Kerviel avait misé pour 50 milliards sur les marchés, elle a décidé de liquider dans l’urgence les positions qu’il avait prises. Pourtant, vendredi 18 janvier à midi, les positions de Kerviel étaient équilibrées (sans perte pour la Société Générale). Pourquoi la direction, qui a découvert les opérations de Kerviel samedi 19 janvier, a-t-elle alors décidé de vendre les 50 milliards d’actifs dans l’urgence, alors que les cours boursiers chutaient ? En effet, tout a été vendu entre lundi 21 et mercredi 23 janvier, pendant que les cours s’effondraient, alimentant au passage la baisse de la bourse. La raison principale en est simple : la peur de « fuites » ; si le montant des engagements pris par Kerviel avait « fuité », le cours des actions Société Générale se serait effondré. Il valait mieux tout solder avant de rendre publique la situation, quitte à engranger de grosses pertes. En outre, en ne réagissant pas immédiatement, les dirigeants auraient pu ensuite être poursuivis pour complicité de malversation.

Contrairement à ce qu’on peut lire dans la presse bourgeoise et malheureusement aussi du côté de la LCR (communiqué du 28 janvier), Kerviel n’est ni « fou », ni « escroc ». C’est juste un trader un peu plus zélé que la moyenne et qui a été plus loin que les autres dans la prise de risque afin de toucher une grosse prime une fois ses engagements soldés au meilleur moment.

Les « antilibéraux » profitent de la crise financière et des « scandales » pour dénoncer l’enflure financière et l’absence de régulation. Ils multiplient les propositions de réformettes, sans comprendre que la financiarisation du système capitaliste découle de sa logique même : les capitaux en quête de profit se tournent davantage vers les marchés financiers quand les possibilités d’investissement rentable se raréfient dans la sphère réelle. Les « antilibéraux » entretiennent ainsi, consciemment ou non, le mythe d’un capitalisme à visage humain, qui pourrait être orienté vers la satisfaction des besoins des hommes, à condition de promouvoir le « bon » capital productif au détriment du « mauvais » capital financier. Les anticapitalistes conséquents doivent expliquer au contraire que le capitalisme est un système dont on ne peut extirper les soi-disant « bons côtés » : ce système doit être totalement et méthodiquement détruit par une révolution que seuls peuvent mener des (auto)-gouvernements des travailleurs dans chaque pays et leur fédération internationale…


Le CRI des Travailleurs n°31     << Article précédent | Article suivant >>